Imagine à Nouméa - Mai et Juin 2009


Mai, Imagine fait ce qu'il lui plaît (ou presque)!


Les ponts du mois de mois de mai
Les longs week-ends du mois ont été bien occupés et appréciés:

Pont du 1er au 3 mai
Pascal est parti faire une randonnée de trois jours avec Régine, Florence et Jean-Baptiste, quatre marins devenus randonneurs le temps d'un week-end! Ils ont effectués les premières étapes du GR1, premier sentier de grande randonnée balisé de Nouvelle-Calédonie qui avait été inauguré le mois dernier. Je les ai accompagné en voiture jusqu'au village de Prony (ancien centre pénitentiaire de 1873 à 1911) situé à une cinquantaine de kilomètres de Nouméa sur la côte Ouest dans le sud de l'île. Il m'a fallu la matinée pour faire l'aller-retour, les 30 derniers kilomètres s'effectuant sur une piste plus ou moins minée de nids de poules et relativement peu fréquentée pour un jour férié.
Deux jours plus tard, nous irons à deux voitures les récupérer, ce qui permettra aux enfants de venir. Cette fois c'est à l'entrée du parc de la rivière bleue que nous attendrons après avoir été admirer les points de vue du lac artificiel de Yaté, son barrage, et fait le tour du village sur la côté est. Le temps avait été clément pour leur randonnée mais on est rentré sous la pluie après un pique-nique tous ensemble au bord d'un creek (rivière).

Pont du 8 au 10 mai
Nous avons profité de ce beau et long week-end pour nous aventurer un peu plus loin dans le lagon. Direction nord-ouest, nous avons mouillé devant l'îlot Ndue où Pascal et Romain ont été pécher notre repas du soir. La nuit a été remuante, la houle faisant le tour de l'îlot et nous prenant par le côté, ce n'était pas très agréable mais je plaignais encore plus les monocoques qui roulaient d'un bord à l'autre!
Le lendemain nous avons été plonger et déjeuner devant la barrière de corail au milieu de nulle part, seuls au milieu du bleu lagon...
En fin d'après-midi nous avons été rejoindre Caramba devant l'îlot Moro jusqu'à dimanche avant de rentrer sur Nouméa. Malheureusement le temps s'est dégradé, nous avons quand même effectué une plongée décevante car la lumière n'était pas au rendez-vous et l'eau trop trouble à mon goût!

Commémoration
Plusieurs journées de cérémonies ont été organisées début mai en Nouvelle-Calédonie pour marquer le vingtième anniversaire de la mort du leader kanak indépendantiste, Jean-Marie Tjibaou. Jean-Marie Tjibaou a été assassiné à l’âge de 53 ans le 4 mai 1989 à Ouvéa alors qu’il participait à la levée du deuil de 19 militants kanaks, morts lors de l’assaut de la grotte d’Ouvéa, un an plus tôt. Le leader, ainsi que son fidèle lieutenant, Yeiwéné Yeiwéné, ont été tué à bout portant par un indépendantiste ultra, Djubelly Wéa, qui refusait la paix des accords de Matignon. Jean-Marie Tjibaou, ancien prêtre, avait signé ces accords avec le député Jacques Lafleur et le gouvernement français de l’époque dirigé par Michel Rocard. Accords instaurant un rééquilibrage économique et un partage du pouvoir politique entre les communautés. Ils ont été prolongés en 1998 par l’accord de Nouméa, qui a instauré une large autonomie assortie d’un référendum d’autodétermination entre 2014 et 2018.

Du 21 mai au 7 juin, vacances scolaires de fin de 1er trimestre
Les vacances scolaires jouxtent le pont de l'ascension ce qui fait 18 jours de congés consécutifs pendant lesquels nous décidons d'aller passer une semaine au Vanuatu sur l'île de Tanna renommée pour son volcan actif leYasur. Mais la météo idéale n'est pas au rendez-vous, pluie, vent et front froid nous obligent à patienter jusqu'au dimanche pour pouvoir prendre la mer...

A lire et à voir:

Le récit du séjour au Vanuatu
L'album photo du Vanuatu
Les photos du mois de mai à Nouméa

 


Juin, Premier séjour aux Îles Loyautés, retour à Nouméa, Culture et Environnement

Fin de Vacances à Lifou, Tribu de Drueulu

Nous étions encore en vacances début juin, de retour du Vanuatu. Comme à l'aller le Pacifique ne nous a pas fait de cadeaux, le vent fort de sud et le courant se sont ligués pour nous écarter de la route directe vers la passe de la Havannah (l'accès au lagon vers Nouméa). Après une mauvaise nuit, pendant laquelle le solent se déchirait peu à peu en plusieurs endroits, l'équipage fatigué s'accordait une escale à Lifou qui se profilait devant les étraves, le temps de réparer sommairement la voile et de laisser passer le mauvais temps.
Lifou c'est l'île principale des Loyautés, cet archipel de Nouvelle-Calédonie qui s'étend parallèlement à la côte nord de la grande terre, et qui comprend aussi les îles d'Ouvéa, et de Maré. Après quelques derniers bords de pré laborieux, nous mouillons enfin à l'abri devant la tribu de Drueulu. Nous sommes seuls dans cette baie magnifique, posés dans deux mètres d'eau sur un sable blanc, tout près de du rivage bordé d'une longue cocoteraie qui abrite le village.
Sans tarder nous débarquons pour aller "faire la coutume" avec le chef de la tribu. Dans toutes les civilisations du monde, on a une attention, un geste lorsqu'on arrive chez quelqu'un. Chez les kanak ça s'appelle faire la coutume: on offre traditionnellement un manou (un morceau d'étoffe colorée), un billet de 500 ou 1000 francs, ou tout autre présent plus personnel. Ce geste coutumier est resté en usage en Nouvelle-Calédonie lorsqu'on visite une tribu, et il se pratique également entre kanak. Nous respectons cet usage et parcourons donc le village à la recherche du petit chef. Celui-ci est absent, mais nous trouvons sa femme assise à l'intérieur d'une belle case traditionnelle, qui nous invite à entrer. Nous baissons la tête en passant sous le chambranle (disposé assez bas à dessein pour obliger les visiteurs à s'incliner), et nous nous asseyons en tailleur sur une natte de pandanus, puis nous offrons notre présent.
Tout en bavardant, nous admirons cette habitation ancestrale de forme ronde et au toit conique très pentu, construite entièrement en bois, palme, et paille, qui est toujours aujourd'hui l'habitat de prédilection kanak grâce à ses nombreux avantages: construction simple et écologique (matériaux végétaux récoltés dans l'environnement immédiat), résistance aux intempéries (cyclones, pluies torrentielles), isolation thermique, convivialité, ... Nous visitons ensuite un petit bâtiment rectangulaire en béton au toit de tôle ondulée, jouxtant la case, utilisé comme cuisine et salle à manger. Pour chaque famille, ces constructions en dur avoisinent et complètent les cases traditionnelles, chaque bâtiment ayant une fonction séparée, couchage, cuisine, repas, stockage, etc. Le village est donc un curieux mariage de tradition et de béton, dispersé sous les cocotiers. Dans cette cuisine, on nous offre gentiment moult tartines de pain kanak et de confiture, et du thé. Comme nous sommes gourmands et polis, on ne peut pas refuser! Nous apprécions la simplicité et la gentillesse de cet accueil, c'est finalement la première fois depuis que nous sommes en Nouvelle-Calédonie que nous sortons de Nouméa pour visiter une tribu, nous ne connaissions pas encore autre chose que l'ambiance peu mélanésienne de la capitale où l'on a rarement l'occasion d'être invité dans une famille kanak.
Quand nous rentrons au bateau à la nuit tombante, Imagine n'est plus seul. Un deuxième Outremer mouille dans la baie derrière lui, c'est "Cheval" qui parcourt le Pacifique depuis plusieurs années avec à son bord une famille anglaise. Nous ferons connaissance le lendemain.
L'eau très claire de la baie nous incite à la plongée, c'est l'occasion d'inaugurer nos nouvelles combinaisons d'hiver qui nous permettent de résister héroïquement à sa température glaciale (22 degrés, ici c'est glacial!). Les quelques pâtés de corail sont très jolis, mais le poisson est rare et petit, le tableau de chasse sera maigre.
Une autre promenade à terre nous permet d'assister au rempaillage d'une des cases du village, scène de la vie ordinaire en tribu, mais étonnant spectacle pour nos yeux profanes. On est immédiatement frappé par l'effervescence régnant sur le chantier. Dans la vie communautaire kanak, la construction d'une case est toujours un ouvrage collectif: tout le village est présent pour rempailler la case de cette famille, c'est un travail d'équipe où chacun s'affaire à une tâche bien précise avec l'efficacité évidente des gestes répétés depuis des générations. Seuls les hommes travaillent à la construction, qui consiste à assembler et ligaturer plusieurs strates de fagots de paille sur l'ossature en bois. Les femmes ont procédé la veille à l'arrachage de la paille (entre 1500 et 2000 bottes suivant les cases) et à son transport jusqu'ici, elles s'occupent aujourd'hui de la cuisine et préparent la fête du soir. Quelques fumets s'échappent de grandes marmites sur lesquelles Romain et Bastien lancent des regards affamés qui n'échappent pas à nos hôtes: on leur offre quelques portions d'igname et de taro frits qui calme un peu leur appétit gourmand. Le propriétaire de la case nous explique le procédé de construction, nous fait visiter l'intérieur où d'autres équipes coordonnent leurs efforts avec ceux qui disposent les fagots sur le toit. On ne soupçonnait pas la somme d'intelligence, de savoir-faire, et de symbolisme aussi, associé à chaque détail de cette architecture ancestrale.
L'observation de ce chantier communautaire plein de vie est enthousiasmante, je me plais à imaginer la même scène en France: tous les gens d'un village construisant en une journée la maison d'un de ses habitants, et festoyant le soir en chantant ...
Le temps d'aller faire un tour dans le village, de dire au revoir à la femme du petit chef, d'acheter un "pain-marmite" sur la route à la voiture du boulanger (un gros pain kanak cuit à la marmite), quand nous revenons le rempaillage de la case est quasiment terminé: il ne reste plus qu'à fixer la coiffe au sommet du toit. Il est l'heure pour nous de rentrer au bateau et de quitter Lifou pour une traversée de nuit vers la grande terre, à petite vitesse pour économiser notre solent consolidé provisoirement avec du scotch gris. Alors que nous allons lever l'ancre, un pêcheur qui rentre de sa journée en mer avec sa famille nous aborde pour faire connaissance, et nous invite à rester pour aller pêcher ensemble. Ça sera pour les prochaines vacances! Encore un contact chaleureux qui donne envie de revenir ...



Activités culturelles
Ce mois-ci a été chargé en activités culturelles et musicales, notamment avec la fête de la musique où nous avons apprécié plusieurs concerts de jazz, malgré le froid et la pluie. A l'occasion de "la Semaine des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres", nous avons également assisté à la projection d'une fiction et d'un documentaire sur l'acteur aborigène australien David Gulpilil qui a notamment joué dans "Crocodile Dundee", vraiment intéressant!

Home, le film de Yann-Arthus Bertrand
Après quinze jours passés loin de la civilisation, nous apprenons la diffusion de ce film à la télévision. Quelques jours plus tard, nous assistons à sa projection dans une salle de cinéma municipale "le Rex". Pour mémoire, ce documentaire saisissant sur l'état de la Terre vue du ciel avec des images à couper le souffle, montre la pression que l'Homme fait subir à l'environnement, (l'épuisement des ressources, l’extinction des espèces), et les conséquences que cela entraîne sur le changement climatique (les ravages de la pollution, des usines, du réchauffement climatique). Le film dresse un constat terrible sur l'état de la planète, et n'accorde à l'humanité que dix ans pour se donner les moyens d'inverser la tendance! Heureusement que Yann-Arthus Bertrand termine sur un message d'espoir, en rappelant qu'il est trop tard pour être pessimiste et que certaines initiatives commencent à émerger, car le message hélas réaliste est d'une violence inouïe notamment pour les jeunes. Notre voyage en bateau nous a permis de vivre plus près de la nature, à terre, en mer, de côtoyer des civilisations différentes, et donc de voir, de toucher, d'écouter, de sentir, et de nous enivrer de toutes ses merveilles, mais aussi de nous sentir impuissants, frustrés et déconcertés, en constatant en permanence, les dégâts causés par l'homme "moderne" sur la nature et par conséquence sur lui-même. Romain et Bastien, déjà bien conscients et sensibilisés aux problèmes d'environnement, ont été extrêmement touchés par ce film. C'est vrai que c'est difficilement soutenable pour un enfant ou un adolescent de réaliser dans quel état est la planète, d'entendre qu'il ne reste que 10 ans pour inverser la tendance du réchauffement climatique, alors qu'à son âge il ne peut pas encore être acteur comme un adulte, et que finalement son avenir dépend du bon vouloir des générations précédentes, celles justement par qui on en est arrivé là! Que dire à nos enfants? Comment justifier un tel constat? Nous en avons beaucoup discuté tous ensemble, pas facile de trouver les mots justes et vrais pour redonner espoir, rebondir et agir. Depuis, Bastien cherche à faire voir ce film à des gens qui ne l'ont pas encore regardé, il a demandé à ce qu'il soit diffusé au collège et a plein de projets pour aider la planète, il se bat avec ses moyens, il n'est pas de nature pessimiste, heureusement! Si comme lui, chaque personne pouvait y réfléchir et agir, du simple papier jeté par terre, à l'économie d'eau ou à l’énergie renouvelable, en passant par son mode de consommation... convaincre, éduquer et y mettre de la bonne volonté sont à la portée de tout le monde. A ce sujet quelqu'un a dit: "Un petit « rien » de chacun d’entre nous peut devenir un « grand beaucoup » pour notre planète", j'y rajouterai "et pour nos enfants".
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu: Site officiel du film Home

La Maison de la Femme à Nouméa
Ouverte depuis quelques mois à peine, cette structure créée par la Mission à la Condition féminine de la province Sud, est un lieu de rencontre et d'écoute pour répondre aux interrogations et préoccupations des femmes mais pas interdite aux hommes! Ces messieurs peuvent accompagner leur femme lors d'une visite ou venir assister aux conférences organisées. Elle propose des services très divers (conseils juridiques, services administratifs, accès internet,...) ainsi que des activités (cours de gym, initiation au théâtre, à la couture, à la cuisine, au tressage...), des conférences dans une ambiance très agréable et conviviale. Je me suis inscrite à une session de gym une fois par semaine avec d'autres navigatrices, ainsi qu'à l'initiation au tressage qui se déroule une fois par mois. A l'occasion de la journée mondiale de l’environnement, des expositions, des projections et des ateliers destinés à initier et sensibiliser les femmes à la protection de l’environnement ont été mis en place. J'ai notamment assisté à une conférence sur l'alimentation bio, rien que je ne sache vraiment mais ici il y a un gros travail d'éducation à faire sur l'alimentation au quotidien! J'ai surtout été effarée d'apprendre qu'en Nouvelle-Calédonie, 60% des adultes et 20% des enfants sont obèses ou en surpoids, et que 10% de la population calédonienne est diabétique contre 3% en France. En matière de surpoids et d'obésité, la Nouvelle-Calédonie se place au même niveau que les américains!

Alimentation, consommation, développement durable, tout est lié. Un énorme besoin d'information et d'éducation reste à faire, notamment parmi les femmes, qui parce qu'elles gèrent le quotidien ont un impact sur le mode de vie de la famille, et donc sur l'environnement. Pour cette raison, j'ai accepté de devenir "ambassadrice de l'environnement" à la maison de la femme à partir du mois de juillet. A suivre ...

 

Voir les photos du mois de juin