Sur le plus grand désert du monde ...
Trois
ans après. par
Pascal
Trois ans ont passé ... Imagine est en Nouvelle-Calédonie,
son équipage sédentarisé en escale prolongée,
comme en sas de décompression avant le retour probable
à la vie terrestre. Trois ans après, que reste-t-il
de cette traversée du Pacifique?
Le journal de bord est là pour nous rappeler les faits
et les détails de ces 19 journées entre parenthèses,
mais il ne suffit pas à décrire les sensations et
les émotions, les images et les films imprimés dans
nos têtes qui remontent à la surface quand on évoque
ce grand moment de notre vie.
Que reste-t-il dans nos mémoires, quels souvenirs, quelles
sensations, quelles émotions? C'est la question que j'ai
posée à l'équipage ...
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Des Galapagos aux Marquises ... que d'eau!
(cliquez sur l'image pour agrandir)
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Pour Bastien, qui venait de fêter ses 11 ans aux
Galapagos, ce sont juste quelques faits marquants:
"Des poissons volants, le panneau dessiné pour marquer le
milieu de la traversée, la bouteille jetée à la mer,
la pêche d'un marlin sans rostre, une grosse et longue houle, une
traversée un peu longue sur la fin, mais tranquille".
Romain avait 14 ans. Il se rend compte qu'il a fait
une expérience exceptionnelle, mais il ne l'a pas vraiment ressentie
comme telle:
"C'était bien, tranquille, paisible. Long au milieu mais trop
court à la fin. Je me rappelle des conversations avec Ushuaia et
Aupaluk, de nos positions que l'on s'échangeait chaque jour, de
la pêche du marlin, de la routine agréable de la traversée,
lire, jouer, regarder un film, dormir ..."
Des sensations? "Oui, cette impression que le temps s'arrête,
les mois les années on s'en fiche, tu as tout ton temps pour toi,
freedom, aucune contrainte humaine, juste la mer. Et aussi cette impression
que tu es tout petit, comme l'oiseau que l'on voit parfois seul au milieu
de l'océan, en fait on est copains parce qu'il fait pareil que
nous: il va là où le vent et la mer le poussent, en liberté,
il passe sa vie sans aucune contrainte de temps sur l'eau, il est content
tant qu'il y a du poisson, nous on est contents tant qu'il y a du vent,
on n'est pas si différents."
Que du bonheur pour Pascale:
"Dans mon souvenir, c'est la plus belle traversée de notre
voyage, agréable, sereine, en sécurité, accompagnés
par les bateaux des copains (Aupaluk et Ushuaia) avec les rendez-vous
quotidiens par BLU. J'étais comme dans une bulle avec mes hommes,
une parenthèse dans la vie, et j'ai été presque déçue
d'en sortir à l'arrivée, c'était la fin d'un rêve.
Heureusement la Baie des Vierges fut une vision fantastique au coucher
du soleil. C'était émotionnellement très fort, on
a atteint notre but, le rêve de la Polynésie s'est réalisé,
j'étais heureuse et fière d'avoir vaincu mes angoisses,
vécu et partagé ces moments en famille. Que du positif,
que du bonheur!"
Quant à moi, je me souviens d'abord d'un départ
serein, aussi tranquille que s'il s'agissait de la petite sortie en famille
du dimanche dans la baie d'Aigues-Mortes. Toute la magie des Galapagos
que l'on quittait à regret ne suffisait pas à atténuer
la jouissance de ce saut dans le vide, de l'accomplissement de ce rêve
trop longtemps enfoui, depuis l'enfance que mes yeux fascinés erraient
sur les cartes du monde. L'Océan Pacifique!
Je me souviens ensuite de ces journées à
la recherche du vent, cette impatience de l'alizé, avancer enfin
vers le but. Les conversations à la radio avec les copains partis
en même temps que nous. Le rythme de la vie à bord qui s'installe.
Les jours qui se confondent, le temps qui se dissout, les repères
qui s'estompent. Nous quatre dans notre bulle, si bien.
Puis l'alizé nous prend, le sillage s'allonge et son bruissement
continu devient le compagnon fidèle de ces journées qui
se succèdent. Je l'entends encore aujourd'hui, je l'entendrai toujours.
Comme je reverrai ces nuages, ces milliers de vagues, comme je ressentirai
leur rythme, leur force, et tous les mouvements du bateau en marche vers
la Polynésie promise.
Enfin, l'arrivée, l'enchantement du soleil couchant sur Fatu Hiva,
si merveilleux qu'il referme sans douleur la parenthèse de cette
traversée ...
Journal de Bord, du 03
au 22 mars 2007, Des Galapagos aux Marquises
03 mars, Départ d' Isabela
On lève l'ancre à 13h30 locale (soit 19h30 UTC, temps universel).
Le temps est nuageux et le vent de 15 noeuds souffle d'ouest-sud-ouest,
soit pile dans le nez pour aller vers les Marquises. On le savait, il
faudra d'abord aller chercher les alizés dans le sud avant de faire
cap à l'ouest.
On tire donc un bord de près serré vers le sud, la mer peu
agitée ondule au rythme de la longue houle de sud. On est au près
serré, mais on marche tranquillement à 6 noeuds est c'est
très confortable comme début de navigation. La nature généreuse
nous offre ses cadeaux de bienvenue: un groupe de cétacés
croisé dans l'après-midi, un important banc de dauphins
en chasse au coucher du soleil, la symphonie des roses, oranges et mauves
du premier crépuscule, la lumière singulière d'une
éclipse partielle de lune dans les premières heures de l'obscurité.
Quelques grains perturbent la nuit et me trempent jusqu'aux os!
4 Mars, 1er jour
Position à 2h UTC: 01°31S, 91°16W
Vitesse moyenne: 6,5 noeuds
milles parcourus depuis le départ: 39 (24 sur la route directe),
milles restants sur la route directe: 2882
Le
matin est ensoleillé. Vacation radio en BLU avec les bateaux canadiens
Ushuaia et Aupaluk, nos compagnons de navigation depuis les San Blas,
partis d'Isabela quelques heures avant nous. Ils sont un peu plus à
l'est, tout va bien à bord. Autre vacation radio avec Werner et
Sylvette, nos amis du bateau Le Mineur, en route depuis plusieurs jours
vers l'archipel des Gambiers au sud-est de la Polynésie Française.
Ces conversations quotidiennes nous accompagneront pendant toute la traversée.
Les nuages s'amoncellent dans l'après-midi qui s'écoule
gentiment, on a mis une ligne de pêche à l'eau. Le vent faible
(8 noeuds) nous emmène toujours vers le sud, loin de la route directe,
mais ça devrait nous épargner une période de pétole
prévue dans les prochains jours dans notre ouest.
La nuit est encore perturbée par des grains et
le vent variable. Moteur à partir de minuit, cap au 220, face au
vent. On prend deux ris devant un grain plus menaçant que les autres,
et on en reste là pour aujourd'hui.
5 Mars, 2ème jour
Position à 2h UTC: 03°25S, 92°56W
Vitesse moyenne: 6,8 noeuds
milles parcourus en 24h: 164 (122 sur la route directe), milles restants
sur la route directe: 2760
Pluie et grisaille, nuageux à 100%. Toujours au
moteur face au vent faible. Cap au 220. Tant qu'à ne pas avancer,
autant le faire sur la route directe.
A midi, lassé d'entendre le moteur on fait route à la voile
plein sud, à 4 noeuds.
Toujours pas de pêche au bout de la ligne. C'est une journée
morne, distraite seulement par les vacations radios et quelques grains.
6 Mars, 3ème jour
Position à 2h UTC: 04°58S, 93°39W
Vitesse moyenne: 4,5 noeuds
milles parcourus en 24h: 108 sur le fond (59 sur la route directe!), milles
restants sur la route directe: 2701
La nuit a été calme, sans grains. La lune
nous accompagne. On se traîne toujours autant, record de lenteur
battu: on n'a parcouru que 59 milles sur la route directe dans les dernières
24 heures! Heureusement, on n'est pas spécialement pressés
...
Le soleil est radieux toute la matinée, ça fait du bien.
Mais on retrouve une ligne de grains en milieu d'après-midi. Seul
bénéfice: on marche à 7 noeuds pendant une heure,
toujours ça de pris! Puis la pétole revient en début
de soirée, les voiles battent, désoeuvrées et inutiles.
On affale tout et on s'offre une nuit au moteur à petite vitesse,
génial ...
7 Mars, 4ème jour
Position à 2h UTC: 05°35S, 94°41W
Vitesse moyenne: 4,5 noeuds
milles parcourus en 24h: 108 sur le fond (68 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 2633
Toujours pas de vent au réveil, il a été
variable en direction et inférieur à 5 noeuds toute la nuit.
Mais l'espoir est grand ce matin, car un signe ne trompe pas: derrière
nous à l'horizon un gros grain nous rattrape à grande vitesse,
donc il fait route à l'ouest, et poussé par qui? les alizés!
Ça ne serait que justice, ça fait maintenant plus de trois
jours qu'on descend dans le sud à leur rencontre, et on n'a progressé
que de 270 milles sur la route des Marquises, soit 3 noeuds et demi de
moyenne, on irait aussi vite à la rame!
A 10 heures, l'espoir se transforme en certitude sous la forme d'une grosse
averse: le grain nous tombe dessus et installe dans son sillage un bon
vent de sud-est de 15 à 20 noeuds, c'est l'alizé tant attendu
des navigateurs. On est mouillés mais contents! On avait hissé
la grand-voile en prenant un ris juste avant la pluie, Imagine s'ébroue
et accélère enfin, en plein sur la route directe.
La mer est chaotique et la pluie torrentielle, un déluge pendant
plusieurs heures. La pluie s'arrête finalement vers 15h, et le vent
aussi. Il y a des ratés
dans l'alizé!
A 16h, on lance une bouteille à la mer (avec un message dedans!).
Ce n'est pas un SOS, juste un jeu pour voir si quelqu'un un jour la trouvera
quelque part. Le texte explique brièvement en français et
en anglais qu'on est une famille en navigation autour du monde, et donne
notre position (6°00S, 96°14W). Bastien glisse la feuille dans
la bouteille de champagne conservée à cet effet depuis longtemps,
on la ferme très hermétiquement, et Romain se charge de
la lancer à la mer. On attendra patiemment la réponse ...
Dans la nuit, le vent et la mer forcissent, il passe cinq ou six grains
avec rafales jusqu'à 30 noeuds. Le bateau file toute la nuit entre
8 et 12 noeuds: on engrange enfin des milles sur la route directe.
Le radar renvoie un écho vers 1h du matin, à 12 milles de
notre position, qui fait route vers le NE. Nous ne verrons aucun feu,
mais c'est le premier signe d'une présence autour de nous sur l'océan
depuis le départ.
8 Mars, 5ème jour
Position à 2h UTC: 06°06S, 96°47W
Vitesse moyenne: 5,4 noeuds
milles parcourus en 24h: 130 sur le fond (128 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 2505
Moins de grains en fin de nuit, on voit du ciel bleu au lever du
soleil. Le vent mollit légèrement en fin de matinée,
à 15 noeuds. Les quelques grains visibles nous épargnent.
La mer est toujours très agitée.
On prend le deuxième ris à 13h et on avance toujours aussi
vite: 9 noeuds de moyenne, surfs à 14 noeuds.
On passe la journée à lire, jouer, écouter de la
musique. Pas de CNED, ça remue un peu trop.
L'océan est vaste, mais plein de voiliers dont la BLU nous donne
des nouvelles: certains toujours aux Galapagos, d'autres en navigation
vers les Marquises, les Gambiers, ou même le Chili. Aupaluk et Ushuaia
suivent à une centaine de milles, on se parle toujours deux fois
par jour.
La nuit est rapide et tranquille, on a gardé deux ris dans la grand-voile
pour ne pas avoir à réduire sous les grains, et bien sûr
il n'y a pas eu un seul grain. Qu'importe, on dort bien et on avance vite.
9 Mars, 6ème jour
Position à 2h UTC: 06°11S, 100°20W
Vitesse moyenne: 8,9 noeuds
milles parcourus en 24h: 214 sur le fond (211 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 2294
Au relevé de position ce matin, nouveau record
pour Imagine: 227 milles dans les dernières 24 heures, soit 9,5
noeuds de moyenne. Et sur la route directe en plus. Ça fait toujours
sourire ces vitesses en bateau: mon Solex allait plus vite! Oui, mais
il ne traversait pas le Pacifique.
Toujours peu de soleil, on n'a droit qu'à un ciel grisâtre
que la lumière transperce par endroit. Le vent qui avait un peu
molli nous laisse espérer plus de confort, mais il repart comme
hier à 20 noeuds avec une mer agitée.
Avarie dans l'après-midi: Romain s'aperçoit que l'antenne
fouet de la BLU (la perche blanche de 7 mètres de haut fixée
sur la jupe arrière) s'est affaissée sur les panneaux solaires.
Vite, on enfile les harnais et je vais sur la jupe bricoler une fixation
à toute épreuve à l'aide de bouts. La pièce
de fixation en plastique qui maintenait l'antenne sur un matereau a cassé
net, heureusement qu'elle n'est pas tombée à l'eau et que
les panneaux solaires n'ont pas souffert du choc.
Nuit agitée et rapide, toujours sous 2 ris, on dort bien à
côté du radar.
10 Mars, 7ème jour
Position à 2h UTC: 06°28S, 103°51W
Vitesse moyenne: 8,8 noeuds
milles parcourus en 24h: 211 sur le fond (209 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 2085
Une semaine de mer aujourd'hui, nous avons fait le premier
tiers de la traversée.
Encore un bateau détecté au radar à 6 milles, mais
pas de visuel.
Le temps se calme progressivement jusqu'au soir, on continue d'avancer
rapidement, mais on s'écarte un peu de la route directe pour éviter
une grosse masse nuageuse observée sur les cartes satellites.
Le vent mollit dans la nuit, on ne fait pas l'effort de renvoyer de la
toile et on dort très bien pendant que le bateau se traîne
entre 4 et 6 noeuds!
11 Mars, 8ème jour
Position à 2h UTC: 07°07S, 107°11W
Vitesse moyenne: 8,4 noeuds
milles parcourus en 24h: 203 sur le fond (203 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1882
Quand
même, avoir un bateau si rapide et flemmarder à 5 noeuds!
Ça nous donne des scrupules, et assez de motivation pour renvoyer
la GV au premier ris et dérouler le gennaker. C'est enfin du beau
temps, ciel dégagé presque toute la journée, vent
autour de 12 noeuds, pas loin des conditions idéales de confort.
Corollaire, c'est la reprise de l'école pour les enfants, mais
on fait aussi des crêpes, on joue aux échecs, la vie est
belle ...
La pêche ne donne toujours rien depuis le départ. A part
les habituels poissons-volants et autres calamars qu'on retrouve sur le
pont et dans le cockpit tous les matins, aucune prise pour nourrir l'équipage.
Romain peaufine les leurres, on essaye même d'en fabriquer un avec
un poisson-volant desséché, sans résultat.
Dans la nuit, le radar sonne encore, troisième
fois depuis le départ des Galapagos. Cette fois, on aperçoit
un feu vert sur notre bâbord à quelques milles, sans doute
un voilier qui fait route vers l'ouest, que l'on dépasse assez
rapidement. Le vent dépasse les 20 noeuds par moments, on enroule
le gennaker quand Pascale prend son quart en milieu de nuit pour être
tranquille.
12 Mars, 9ème jour
Position à 2h UTC: 08°05S, 109°43W
Vitesse moyenne: 6,75 noeuds
milles parcourus en 24h: 162 sur le fond (157 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1725
R.A.S.
Sous gennaker et un ris dans la grand-voile, beau temps, chacun vaque
à ses occupations, pendant qu'Imagine trace inlassablement son
sillage dans un bruit feutré ...
Seul événement marquant: un leurre emporté alors
que j'étais en train de remonter la ligne suite à une grosse
touche. Le bas de ligne est coupé, il était pourtant en
fil d'acier!
13 Mars, 10ème jour
Position à 2h UTC: 08°20S, 112°38W
Vitesse moyenne: 7,4 noeuds
milles parcourus en 24h: 177 sur le fond (175 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1550
R.A.S. (encore!)
Les jours se suivent et se ressemblent. Seul le livre de bord permet de
savoir le jour et la date. Sommet de cette journée: un steak-frite
à midi! C'est vexant, Pascale avait prévu qu'on ne pêcherait
pas forcément ...
Mais le vrai sommet, c'est la mi-parcours atteinte aujourd'hui: nous sommes
à 3000 km des Galapagos, et encore à 3000 km des Marquises,
la terre habitée la plus proche est l'Ile de Pâques à
2200 km dans le sud (mais contre le vent et la houle, elle serait bien
difficile à atteindre pour un voilier). Au milieu du plus grand
désert du monde ... on s'y sent bien!
Sauf qu'on continue à ne rien pêcher.
Encore une nuit calme, un ris dans la grand-voile et solent, on marche
à plus de 7 noeuds. On n'en demande pas plus.
14 Mars, 11ème jour
Position à 2h UTC: 08°36S, 115°37W
Vitesse moyenne: 7,4 noeuds
milles parcourus en 24h: 179 sur le fond (178 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1372
Soleil le matin, mais on s'approche d'un grain assez
étendu. On commence à calculer des dates d'arrivée
possibles, entre le 21 et le 23 mars, pas grande importance.
Ça y est, on a pêché aujourd'hui! Mais pas le genre
de prise espérée hélas: une magnifique sterne royale
qui a confondu notre leurre en plastique coloré avec un poulpe
(le leurre est donc bien fait!). On ramène lentement le pauvre
oiseau sur la jupe, le gros hameçon s'est fiché dans la
tête, au dessus de l'oeil. Impossible de le retirer, il faut opérer.
Pendant que Romain immobilise fermement la sterne, j'entaille délicatement
la chair et dégage le crochet. Un peu de désinfectant pour
terminer, on relâche l'oiseau qui s'envole et se pose sur l'eau,
apparemment en forme. On espère qu'il survivra.
Après-midi tranquille, finalement le grain n'a pas duré
longtemps.
15 Mars, 12ème jour
Position à 2h UTC: 09°07S, 118°34W
Vitesse moyenne: 7,4 noeuds
milles parcourus en 24h: 178 sur le fond (177 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1195
C'est un grand jour, on sort le spi! Mais le vent mollit
jusqu'à 8 noeuds réels, en plein dans le dos, autant dire
qu'on se traîne toute la journée. Mais la voile est jolie,
les dauphins doivent être contents.
Le vent revient en soirée, on remplace le spi par grand-voile et
solent en ciseaux pour la nuit.
16 Mars, 13ème jour
Position à 2h UTC: 09°35S, 121°08W
Vitesse moyenne: 6,5 noeuds
milles parcourus en 24h: 156 sur le fond (154 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 1041
On attaque le dernier tiers de cette traversée,
il reste 1000 milles à parcourir. Évidemment, avec le vent
mollissant la moyenne a baissé, mais ce n'est pas pour autant qu'on
va batailler pour arriver plus vite. Au contraire, profitons de ces jours
exceptionnels au milieu du Pacifique, pourquoi se presser? D'ailleurs
un beau grain avec plus de 30 noeuds de vent nous rappelle la prudence
dès 6h du matin. J'enroule le solent et laisse passer l'orage...
Soudain, une touche. Timide. Puis une deuxième très franche
celle-là. Typique des touches de marlin. Le fil part si vite que
le frein du moulinet ne parvient pas à l'arrêter. Imagine
est lancé à 8 noeuds sous gennaker, on s'active à
la manoeuvre pour ralentir, il n'y a pas de pédale de frein sur
ces bateaux!
Le temps d'enrouler le gennaker, le poisson a dévidé 400
mètres de fil, on parvient à bloquer le moulinet juste avant
la fin de la bobine. Il nous faudra une heure avec Romain pour le ramener
près de la jupe arrière, pendant que Pascale contrôle
la vitesse et la trajectoire du bateau pour fatiguer la prise sans la
perdre.
Le poisson refuse de se montrer, on ne voit qu'une tache claire nageant
à quelques mètres de profondeur, plusieurs fois il passe
sous les coques, on dirait qu'il essaye de casser le fil. Finalement il
capitule et se laisse traîner à la surface sur le flanc.
C'est bien un marlin, un lancier, que l'on gaffe et que l'on remonte à
bord après lui avoir glissé un noeud coulant autour de la
queue. A la pesée: 18kg pour 1m85, on n'en demandait pas tant,
le dépeçage et le découpage vont occuper le reste
de l'après-midi, sans compter le nettoyage, la préparation
des bocaux et des bons petits plats...
Au menu ce soir: cevice et sashimi!
La nuit se passe plein vent arrière, sous grand-voile seule.
17 Mars, 14ème jour
Position à 2h UTC: 09°38S, 123°38W
Vitesse moyenne: 6,3 noeuds
milles parcourus en 24h: 151 sur le fond (148 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 893
Le temps se maintient au beau fixe, le bateau avance
facilement, on profite de notre marlin: encore du cevice et du sashimi,
mais aussi poêlé, la chair est tendre et fondante, c'est
excellent!
18 Mars, 15ème jour
Position à 2h UTC: 09°43S, 126°21W
Vitesse moyenne: 6,8 noeuds
milles parcourus en 24h: 163 sur le fond (162 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 731
Encore une journée exceptionnelle, mais pour une
autre raison: aujourd'hui je fais la cuisine! Motivé par notre
pêche, je me lance dans un massalé de marlin, une recette
réunionnaise. Tout le monde se régale, et mes enfants m'adjugent
une note de 18/20. Mais pourquoi ne cuisines-tu pas plus souvent me demande
ironiquement Pascale?
Beau soleil et vent arrière constant de 15 à 20 noeuds toute
la journée.
Bastien se met aussi aux fourneaux et nous fait une tarte jambon/mozarella
pour le dîner.
19 Mars, 16ème jour
Position à 2h UTC: 09°41S, 129°07W
Vitesse moyenne: 6,8 noeuds
milles parcourus en 24h: 163 sur le fond (162 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 569
Il reste moins de 500 milles à parcourir au matin.
Le vent passe à l'est-nord-est. On empanne vers le nord-ouest,
tribord amure pour la première fois depuis les alizés.
Le vent mollit et hésite toute la journée. En fin d'après-midi,
on ré-empanne. On passera la nuit à chercher le bon réglage,
voiles en ciseaux, empannages ... tout ça pour marcher à
6 noeuds.
20 Mars, 17ème jour
Position à 2h UTC: 09°49S, 131°47W
Vitesse moyenne: 6,7 noeuds
milles parcourus en 24h: 160 sur le fond (159 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 410
RAS, c'est la même journée qu'hier. C'est
toujours le beau temps. A part un grain qu'on n'avait pas vu arriver en
début de nuit et qui nous oblige à prendre le deuxième
ris dans les rafales à 30 noeuds. On ne relâche le ris qu'à
4h du matin, on s'est bien traîné depuis le grain!
21 Mars, 18ème jour
Position à 2h UTC: 10°01S, 134°27W
Vitesse moyenne: 6,7 noeuds
milles parcourus en 24h: 160 sur le fond (158 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 252
Cette journée devrait être la dernière
complète en mer. L'atterrissage est prévu pour demain après-midi.
On a changé l'heure du bord pour la troisième fois depuis
le départ des Galapagos, chaque jour nous décalant un peu
plus vers l'ouest.
Des oiseaux qui nichent à terre nous survolent et volètent
au ras des flots, signe de la proximité des îles, mais on
ne doutait pas de notre GPS.
On profite de ce dernier jour calme et ensoleillé, quelques cumulus
inoffensifs nous dépassent lentement.
A 18h, nous commençons déjà à ralentir pour
ne pas arriver trop tôt demain. On veut attendre la fin de l'après-midi
pour profiter de la lumière qui embrase les falaises de Fatu Hiva,
un spectacle magique à ne pas manquer. On navigue sous grand-voile
à deux ris seule, à 5 noeuds, la nuit est bien tranquille.
Le vent nous abandonne complètement avant le lever du soleil, on
affale tout et on démarre un moteur.
22 Mars, 19ème jour, atterrissage
à Fatu Hiva, Baie d'Hanavave, à 16h locale
Position à 2h UTC: 10°15S, 136°58W
Vitesse moyenne: 6,7 noeuds
milles parcourus en 24h: 152 sur le fond (150 sur la route directe), milles
restants sur la route directe: 102
Le vent faible est suffisant pour nous pousser à
5 noeuds vers Fatu Hiva qu'on aperçoit maintenant sur l'horizon.
On n'en demande pas plus, pas moins non plus! Une fois franchie la pointe
nord de l'île, nous sommes à l'abri des montagnes et complètement
déventés. On musarde à 2 noeuds en savourant chaque
instant de ce merveilleux atterrissage. On contemple le somptueux décor
de la baie d'Hanavave qui flamboie sous la lumière déclinante,
les montagnes acérées qui plongent dans la mer, les colonnes
rocheuses érigées vers le ciel, les cocotiers luisants sur
fond de falaises noires, les nuages qui se déchirent sur les crêtes.
Plus que quelques mètres, l'ancre coule à pic et trouve
le fond, Imagine s'immobilise.
Des cloches sonnent dans le petit village, tout est calme, il va falloir
se réhabituer au silence ...
3084 milles parcourus (pour 2906 sur la route directe), en
19 jours et 5 heures, vitesse moyenne 6,7 noeuds
Les
photos de la
Traversée
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