Écologie Business ... par
Pascal
Du 15 au 24 février 2007, Puerto
Baquerizo Moreno, San Cristobal
Mémorable accueil ...
Une bruyante expiration à la surface de l'eau trouble le silence
de l'aube. "Dauphins!" crie-t-on presque par réflexe,
un peu engourdis par la longue nuit d'attente à la dérive
devant l'île de San Cristobal, alors que la faible lumière
du jour naissant nous permet enfin de laisser glisser Imagine vers les
lumières de Puerto Moreno. Le bruit se répète à
plusieurs reprises, sans que l'on puisse distinguer son auteur, mais,
au fait, pourquoi un dauphin? Nous sommes aux Galapagos, ce pourrait tout
aussi bien être l'accueil des otaries? Mystère, nous ne les
verrons pas. Pas encore ...
Il n'est que six heures du matin lorsque nous frôlons les impressionnants
brisants de la passe, on a bien fait d'attendre le jour pour rentrer dans
la baie. Les surfeurs sont déjà là, guettant la vague.
Nous retrouvons les silhouettes familières des catamarans
québécois Aupaluk et Ushuaia, que nous rejoignons
au mouillage. A peine ancrés nos amis viennent nous chercher
en annexe pour un petit déjeuner de bienvenue sur Aupaluk.
Franck a préparé des croissants au beurre pour tout
le monde, les jumeaux Bastien et Thibault nous interprètent
Imagine à la guitare, inoubliable accueil! |
|
Pendant ce temps, les otaries explorent les jupes d'Imagine,
chaque bateau est un nouveau terrain de jeu pour elles! Apparemment nos
jupes étroites leur posent quelques difficultés pour l'escalade,
mais ça ne va sûrement pas durer ...
Le reste de la matinée sera hélas bien moins chaleureux.
La réglementation a la réputation d'être stricte ici
pour les bateaux en escale, et il faut donc sans tarder passer l'épreuve
des formalités administratives. Aux Galapagos, en 2007 (ça
change souvent!), soit il faut avoir obtenu un permis de croisière
2 mois à l'avance par un agent, soit il faut se déclarer
en panne, et la loi accorde de 3 à 20 jours pour réparer.
Il y a deux mois nous étions aux San Blas, nous n'avons donc pas
le permis de croisière aux Galapagos ... Il existe des agents à
Panama qui proposent ce genre de services, mais leur réputation
est très mauvaise (c'est trop facile d'escroquer un voyageur étranger)
et il était déjà trop tard de toutes façons.
Il nous reste donc l'excuse archi usée du coup de la panne.
A la capitainerie, un quidam en uniforme nous prévient qu'il va
falloir plus que notre bonne mine pour convaincre le capitaine du port
de la réalité de notre problème mécanique:
il exige une déclaration écrite de notre part expliquant
notre problème et le détail de la panne. Nous parcourons
le village sous la chaleur équatoriale pour trouver un écrivain
public qui nous rédige cette lettre en espagnol, et on en profite
pour rajouter une excuse inattaquable: on attend des documents du CNED
pour l'école de nos enfants. Mais le capitaine du port en a marre
qu'on le prenne pour un idiot, et se montre inflexible: il nous accorde
3 jours maximum, et encore, il nous promet la visite à bord d'un
expert pour constater la panne et nous aider à la réparer
au plus vite. Avant de nous laisser partir, il nous envoie au bureau d'à
côté où l'on nous dresse la liste des taxes dont il
va falloir s'acquitter pour bénéficier de ce merveilleux
séjour express: taxe d'arrivée, d'accès, de mouillage,
de radio, de contamination, de séjour, de phares et balises! L'employé
besogneux s'applique en tapant sur les touches de sa grosse calculatrice
et nous présente enfin l'addition avec un sourire satisfait: 172
dollars! On aura beau vérifier, contester, protester, discuter
... on finira par payer, dépités, fatigués, déçus
par cet accueil si minable, le pire de tous les pays visités jusqu'à
présent.
Mais les formalités ne sont pas terminées, il nous reste
à visiter les services de l'immigration. Contre toute attente,
on y trouve des fonctionnaires relativement sympathiques, qui nous donnent
un permis de séjour de 30 jours, et qui vont même jusqu'à
nous donner le visa de sortie antidaté pour nous éviter
de revenir les voir! Cerise sur le gâteau, ils se mélangent
dans les dates, et c'est finalement avec un visa de 40 jours que nous
ressortons de leur bureau! En résumé, l'équipage
peut rester plusieurs semaines, mais le bateau doit repartir dans 3 jours
... c'est simple les Galapagos!
De retour sur Imagine vers midi, je prépare une petite mise en
scène sur la table du cockpit (une vieille pompe à eau défectueuse,
des outils, du cambouis), pour avoir une histoire à raconter au
cas où l'expert en mécanique viendrait nous voir, puis on
se laisse enfin aller au plaisir d'être là, dans cette baie
des Galapagos. Pendant notre absence, les enfants ont vu une otarie monter
sur le bateau, on peut en voir partout autour de nous nichées sur
les voiliers, les barques, partout où elles peuvent hisser leur
carcasse pour se laisser sécher au soleil.

La baie de Puerto Baquerizo Moreno
|

Les otaries sur la plage
|
Le soir, les équipages des trois catamarans débarquent
pour aller dîner en ville. On observe les troupeaux d'otaries qui
dorment sur la plage, à la lumière orangée des lampadaires.
Il y a au moins 200 spécimens grognant et s'agitant sans cesse.
Certains arpentent le sable en se dandinant, semblant chercher leur famille,
bousculent ceux qui dorment, leur grimpent
dessus, les reniflent, déclenchent
des grognements de protestations, se font parfois mordre, et continuent
leur chemin. Il y a quelques mâles dominants, énormes, et
beaucoup de petits.
Nous mangeons dans le petit restaurant de Fernando, un autochtone qui
nous avait alpagué le matin dans la rue pour nous proposer ses
services en tous genres, excursions, avitaillement du bateau, lessive,
et restauration, entre autres. Nous aurons affaire à lui tout au
long de ce séjour, avec plus ou moins de bonheur ...
Retour aux bateaux en annexe sous un déluge exceptionnel qui nous
trempe jusqu'aux os.
Cette première journée aux Galapagos fut vraiment mémorable!
Comme à la télé ... ou presque!
Les documentaires à la télé sur
les Galapagos nous ont toujours émerveillé, Cousteau nous
a fait rêver, on est impatient de découvrir la réalité
de cet environnement si exceptionnel.
Fernando nous a vendu son tour de l'île guidé en 4x4, c'est
cher (120 dollars) mais comme nous sommes censés quitter ce pays
dans 3 jours, on n'a pas le temps d'organiser une visite par nous-même.
D'ailleurs, au matin de ce deuxième jour, le capitaine du port
en uniforme sillonne le mouillage, debout dans une embarcation, et je
redoute qu'il nous aborde d'un moment à l'autre pour une inspection
en règle. Mais non, il nous ignore superbement. On nous demandera
juste de remouiller un peu plus loin pour laisser la place à de
gros navires. Charly doit plonger avec sa bouteille pour aller dégager
les chaînes prises dans de gros blocs rocheux. Quand il remonte,
il est nez-à-nez avec une otarie!
La visite de l'île est programmée pour le lendemain. Aujourd'hui,
c'est repos, et c'est aussi le 16 février, on fête donc l'anniversaire
de Bastien sur Imagine. Les trois équipages sont réunis
pour le goûter, qui s'étire jusqu'à l'apéritif
...
Le lendemain, un bateau taxi nous amène au port où nous
grimpons dans un pick-up. La route sinue sur les pentes vertes et humides
des volcans de San Cristobal. Le sommet San Joachim culmine à 896
mètres entre les strato-cumulus à la base grisâtre
qui nous laissent apercevoir le bleu de l'océan au pied des montagnes.
On s'arrête au pied d'un vieux volcan, El Junco, dont on rejoint
le cratère envahi par les eaux. Le chemin est bordé de miconias,
plante endémique des Galapagos, menacée de disparition ici
alors qu'elle est une espèce dominante et invasive, un cancer vert
dans la plupart des îles du Pacifique plus à l'ouest et notamment
en Polynésie.

El Junco |
Dans le sud de San Cristobal, nous visitons une réserve
de tortues, ces fameuses tortues géantes des Galapagos. Naïfs,
on s'imaginait que ces mastodontes batifolaient en liberté dans
les sous-bois. Mais c'était sans doute avant que l'espèce
ne soit menacée de disparition, avant que les méchants chasseurs
de baleines et les équipages de tous poils ne les entassent à
fond de cale, des réserves de viande fraîche sur pattes qui
pouvaient rester vivantes une année entière sans manger.
Celles qui échappèrent au massacre virent leur nourriture
et leur habitat dévorés par
les chèvres que les hommes introduisirent dans ces îles.
Alors il faut s'estimer heureux qu'il en reste suffisamment aujourd'hui
pour assurer la survie de l'espèce, grâce aux efforts constants
de ces dernières décennies, même si l'on doit payer
pour les voir en semi-captivité. Elles sont pourtant conçues
pour durer ces tortues: une carapace haute et bombée sous laquelle
elles peuvent se protéger entièrement, une enfance et une
adolescence d'une trentaine d'année, et une vie d'adulte qui peut
les faire deux fois centenaires! Les plus anciennes que nous admirons
aujourd'hui pourraient nous raconter la colonisation espagnole ... mais
elles ne sont pas très bavardes, ni même très animées.
Notre guide continue de nous faire admirer le paysage,
et nous cueille des poma rossa, petits fruits à la saveur
délicate. Le tour se termine par la plage de la Loberia,
non loin du village et du port, où l'on peut admirer paraît-il
de beaux iguanes marins et des familles d'otaries. Effectivement, on distingue
au loin sur les rochers une silhouette caractéristique de monstre
préhistorique, mais toute petite.

L'iguane marin des Galapagos |
En s'approchant, doucement, on
constate avec déception que l'iguane n'est pas aussi gros
qu'on le pensait, une cinquantaine de centimètres de la tête
à la queue à tout casser. Un beau lézard, certes,
mais pas aussi gros que dans les souvenirs d'enfance fabriqués
devant la télévision.
En tous cas, il est d'une laideur magnifique et fascinante, d'un
autre temps. Peu aimable, il crache avant de s'enfuir quand il se
sent menacé. On peut l'approcher tout près, à
condition de s'avancer très doucement, et de rester longtemps
immobile, de ne pas faire de gestes brusques.
|
Nous observons brièvement quelques familles d'otaries
avec de tout petits bébés, protégés par leur
mère, mais il faut déjà partir, c'est la fin de la
visite, qui doit se clôturer par une comida coriente chez
Fernando.
Belle excursion, que nous aurions aimé faire plus lentement, sans
qu'un pseudo-guide ne regarde sa montre en permanence pour respecter l'horaire.
Il est bien préférable et moins onéreux de louer
un taxi qui vous dépose et revient vous chercher à votre
convenance n'importe où sur l'île. Mais Fernando sait bien
piéger les touristes pressés ...
Les otaries en vedette
A notre grande joie, nos copines pinnipèdes sont
moins timides de jour en jour. C'est un régal de les observer s'approprier
notre bateau petit à petit. Elles adorent les marches des jupes
arrières, où l'on peut les admirer à loisir de très
près, mais pas trop sinon elles grognent, tentent une intimidation,
puis finissent par plonger. Elles ne dorment que d'un oeil, toujours prêtes
à chasser leurs congénères quand elles viennent revendiquer
la place à grands cris.
Quand on est à l'intérieur, leur curiosité les pousse
jusque sur le pont, et nous improvisons des barrières avec les
pare-battages pour tenter de conserver un minimum d'intimité ...
et de propreté: elles nous abandonnent en effet assez spontanément
leurs déjections odorantes, sans compter la traînée
graisseuse et jaunâtre de poils ras qui s'incruste dans l'antidérapant
du pont!

Cool, la bronzette sur les jupes d'Imagine! |

Une bonne place pour passer la nuit |
Vers la fin de la semaine, nous avons du abandonner tout
espoir de les cantonner sur les jupes: elles s'installaient sans gêne
sur les coques, nous obligeant à fermer les capots la nuit de peur
de se retrouver en train d'enlacer une bête à moustache au
petit matin! Sans aller jusqu'à des rapports aussi amoureux, j'ai
réussi un jour à obtenir un gros bisou: en restant immobile,
accroupi en haut des jupes, suffisamment longtemps pour que l'otarie curieuse
se rapproche centimètre par centimètre, jusqu'à venir
poser son museau humide sur ma bouche en me reniflant. Ça n'a pas
été plus loin, l'haleine n'était pas très
fraîche ...
Mais le spectacle le plus fabuleux est celui des animaux dans leur environnement
naturel, sur le littoral et surtout sous l'eau. Quel bonheur de nager
avec les otaries! Encore un rêve d'enfant ... sauf pour Romain et
Bastien pour qui la réalité devance le rêve. A plusieurs
occasions nous serons tous les quatre avec palmes masque et tuba, entourés
d'otaries, évoluant, tourbillonnant comme des fusées autour
de nous, à en attraper le tournis. Elles nous frôlent,
nous bousculent, parfois nous repoussent, jeu ou intimidation, établissement
des limites, difficile à dire, mais elles ne sont jamais menaçantes.
On se surprend à exécuter les mêmes figures qu'elles
sous l'eau, l'osmose est rapide, ça y est nous sommes des otaries!
Dommage que nous ne puissions pas égaler leurs performances en
apnée ...

Sieste au soleil |

La tétée sur la plage |
Seuls les énormes mâles dominants sont
parfois vraiment impressionnants. Un jour, alors que je nageais seul assez
loin de la plage de la Loberia, dans un périmètre protégé
naturellement par une anse rocheuse, j'observais sous l'eau plusieurs
femelles et leurs petits. Subitement, un gros mâle surgit de nulle
part me fonce dessus et m'évite au dernier moment. Message bien
compris, je dégage!
L'observation des colonies d'otaries sur la plage est plus tranquille,
et l'on y passe de longs moments à regarder, mais aussi écouter
car elles sont bruyantes, les petits cherchent leur mère, les mères
appellent leurs petits, les mâles font les beaux et marquent leur
territoire ...
Les Surfeurs de Puerto Chino
Les belles vagues que le Pacifique envoie se fracasser
contre les fonds rocheux des Galapagos attirent ici une colonie de surfeurs
(et de surfeuses) que l'on peut observer sur les plages en même
temps que la faune endémique. Charly et ses deux jumeaux entraînent
Romain à s'initier à cet art de la glisse si spectaculaire
et esthétique. Enfin ... il faut d'abord passer par la phase d'apprentissage
pendant laquelle les figures réalisées sont moins académiques,
mais tout aussi intéressantes! Caméscope
et appareils photos en main, nous assistons depuis la belle plage de Puerto
Chino à leurs nombreuses tentatives et nos surfeurs de choc nous
offriront enfin dans l'après-midi quelques belles secondes de glisse.

Le gang des surfeurs à Puerto Chino. Ça farte? |

Enfin la glisse ! |
Leon Dormido, et Isla Lobos
Le mielleux Fernando a réussi à nous vendre
une autre excursion, une visite en bateau au rocher Kicker Rock, surnommé
Leon Dormido en raison de sa forme qui suggérerait un
lion endormi ... nous n'avons pas vu le fauve, mais il s'agit en tous
cas d'un très spectaculaire rocher vertical qui surplombe l'océan
du haut de ses 180 mètres, fendu à une extrémité
comme par un magistral coup de machette, une masse de roc brut peu accueillante
dans cet journée grise et froide.
Car le soleil n'est pas de la partie, bien que la veille Fernando nous
ait assuré que la pluie allait s'arrêter, pour ne surtout
pas avoir à reporter l'excursion. Lui est resté bien au
chaud au village.
Ce caillou attire une faune marine abondante, parmi laquelle
nous aimerions plonger avec des bouteilles pour les admirer dans
les profondeurs, mais nous n'avons aucun diplôme de plongée
sous-marine et les enfants n'ont pas assez d'expérience pour
que nous puissions le faire avec eux. Nous nous contenterons donc
d'un snorkeling avec palmes, masque et tuba. Certains hésitent
avant de se jeter par dessus bord, l'eau est profonde et sombre,
et les requins abondent. Mais justement, on est un peu venus pour
eux, alors allons-y! |
|
Nous nageons dans la faille, au pieds des deux parois
abruptes qui se prolongent jusqu'à une vingtaine de mètres
sous la surface. La faune est effectivement nombreuse et variée,
poissons divers, tortues, raies, et une multitude de requins des galapagos,
qui se promènent par bancs d'une dizaine d'individus entre 10 et
20 mètres de fond. C'est impressionnant de se mouvoir en apnée
entre ces deux parois rocheuses, dans une eau d'un bleu sombre et limpide
traversée de quelques faibles rayons lumineux, au milieu de pareilles
créatures. Les requins font mine de nous ignorer, mais quand Romain
est pris d'une subite envie de foncer à travers le banc pour suivre
une tortue à 10 mètres de fond, ils deviennent vite nerveux
et nous tournent autour jusqu'à ce qu'on remonte à la surface.
Nous opérons un repli prudent vers le bateau, et d'ailleurs il
est temps de rejoindre Isla Lobos, deuxième objectif de notre expédition
du jour.
Nous sommes gelés et tremblotants, une petite
pluie froide nous poursuit pendant les 20 minutes de navigation qui nous
ramène sur le rivage de San Cristobal, dans une crique protégée
par une petite île rocheuse sur laquelle une colonie d'otaries (aussi
appelées lions de mer,ou lobos en espagnol) a élu
domicile. Elles s'ébattent par petits groupes, nous nageons et
dansons sous l'eau avec elles jusqu'à épuisement.
Il est temps de rentrer déjeuner à Puerto Moreno, nous sommes
affamés!
Derniers jours à Puerto Baquerizo Moreno
Les jours passent, et personne ne nous a encore mis dehors!
Les trois jours accordés par l'inflexible Capitaine sont largement
dépassés, nous avons le temps de profiter plus sereinement
de cette baie et de l'ambiance nonchalante de Puerto Baquerizo Moreno.
C'est le seul vrai village de l'île, et il ne compte que 5000 habitants,
qui vivent principalement du tourisme et de la pêche. La baie est
encombrée de nombreuses petites embarcations
locales hébergeant chacune leur contingent d'otaries affalées
au soleil. Certaines sont tellement dévastées qu'on les
imagine mal sortir en mer. Quelques bateaux taxi sillonnent le mouillage,
moyen le plus pratique pour aller en ville, pour un prix très raisonnable.
Niché entre les reliefs volcaniques et le fond de la baie, lové
autour de la plage squattée en permanence par les lions de mer,
le village lui-même est assez sympathique. On parcourt souvent la
promenade du front de mer et ses ruelles au carré plombées
de chaleur, profitant de ses magasins d'artisanat et de souvenirs, de
ses restaurants, de ses cyber-cafés, et de ses petits super-marchés
pour compléter l'approvisionnement du bord.
Juste à la sortie ouest de la baie, les falaises de Cerro Tijeretas,
offrent après une jolie ascension de quelques kilomètres
une vue imprenable sur le Pacifique, le rocher de Leon Dormido, et la
baie. On y observe quelques frégates qui tournoient dans les airs,
et une otarie dans les criques en contrebas. Une statue gigantesque de
Charles Darwin domine le paysage où il débuta son séjour
aux Galapagos en 1835, qui devait le conduire à sa théorie
de l'évolution d'après l'observation de quelques espèces
de pinsons.
Nous nous activons pour préparer le départ. L'inévitable
Fernando nous a proposé ses services pour l'approvisionnement en
vivres et carburant. Ses prix sont ridiculement prohibitifs pour les fruits
et légumes, ça vient du continent par
avion nous explique-t-il! Pascale fera son marché elle-même
au village, plein de produits locaux. Par contre, nous acceptons volontiers
qu'il nous remplisse nos jerricans de gasoil, son prix au litre est 50%
plus cher qu'à la pompe, mais le service vaut bien ça: il
vient chercher les jerricans à bord, les emmène jusqu'à
une station service à la sortie du village et nous les livre le
lendemain sur le bateau. Il tentera bien de nous extorquer un peu plus
que prévu, le total des litres qu'il veut nous facturer dépassant
la contenance des jerricans, arguant sans rougir que le gallon équatorien
est plus petit que le gallon américain, mais qu'il n'a pas la facture
... Quand on voyage, il arrive qu'on cède à ce genre de
petits jeux, il s'agit de peu d'argent en général, si l'arnaque
est jolie et le filou sympathique, pourquoi pas? Mais là, je ne
supporte plus, le ton monte, il accepte finalement en maugréant
de ne recevoir que la somme convenue. On ne s'est pas fait un ami, tant
pis.
Du 24
février au 3 mars 2007, Puerto Villamil, Isabela
Détour par Santa Maria
Neuf jours de séjour,
on s'est finalement bien incrusté! On a beaucoup apprécié
cette escale, mais il est temps de partir. C'est dommage, quelques bateaux
amis arrivent de Panama le jour de notre départ: Nez Rouge, Galdu,
Azzar, ... on se retrouvera sur l'océan
un de ces jours. Notre prochain objectif est l'île d'Isabela,
70 milles plus à l'ouest, avec un petit détour par
Santa Maria, une petite île à une journée de navigation,
presque sur la route d'Isabela.
Lever à 6 heures du matin, pour un départ
synchronisé en compagnie d'Aupaluk et d'Ushuaia. Mais en émergeant
de nos cabines au petit jour, nous découvrons la dernière
facétie de nos otaries adorées: l'une
d'elles a passé la nuit affalée sur la table du cockpit,
et nous a gratifié d'un très conséquent cadeau d'adieu
répandu sur les bancs (heureusement nous avions rangé les
coussins) et sur le sol. Ah on peut dire qu'elles ont le transit bien
huilé nos amies à fourrure! Quel odeur au réveil!
Nous sommes bon pour une séance de nettoyage intensif à
grands coups de seaux d'eau de mer, de lessive et de javel. Les deux catamarans
québécois ont remonté leur mouillage et passent devant
nous en riant ...

Nous longeons la côte nord de Floreana
|
Heureusement le temps est très beau et
nous sommes amarinés, cet épisode ne nous coupe pas
l'appétit pour le petit déjeuner en mer et la navigation
sera agréable bien que partiellement au moteur par manque
de vent. Nous longeons dans l'après-midi les paysages superbes
de Floreana (c'est l'autre nom de l'île de Santa Maria).
Quelques baies inviteraient au mouillage mais elles sont hélas
protégées et interdites au bateaux de passage, ou
alors avec un permis spécial et payant et avec un guide officiel
à bord, facturé en plus 200 dollars par jour. |
Les tricheurs sont systématiquement dénoncés
par les bateaux de tourisme autorisés, et les amendes peuvent être
lourdes. Protection de l'environnement? Certes, mais surtout protection
du business de l'environnement aux Galapagos, qui rapporte gros en devises
au gouvernement équatorien. Quand le business protège l'environnement,
pourquoi pas finalement, pourvu que la nature y trouve son compte ...
Nous respectons la loi et jetons l'ancre au crépuscule face au
seul village de l'île, Puerto Ibarra, où le mouillage est
autorisé. Mais il est trop tard pour débarquer, et comme
nous ne mettons pas pied à terre, il n'est pas nécessaire
d'aller rendre visite aux autorités de toutes façons, du
moins c'est ce que nous croyons...
25 février: Isabela, la grande, la belle ...
Aux aurores, nos trois catamarans lèvent l'ancre
vers Isabela, il fait très beau et la mer est agréable.
Nous avons moins de 40 milles à parcourir, Imagine glisse sous
grand-voile et gennaker. La ligne de pêche, toujours à poste,
nous laissera bredouille: notre leurre s'est fait arraché, on en
perd beaucoup ces temps-ci, on dirait que les poissons sont un peu trop
gros pour nous dans ce coin du Pacifique...
Le volcan englouti de l'île Tortuga qu'on
laisse sur tribord annonce l'arrivée sur Puerto Villamil,
le seul village de l'île d'Isabela. Pas de port ici, juste une baie
peu profonde et très fermée dans laquelle on mouille facilement,
à quelques brasses d'une faune magnifique que nous pourrons observer
à loisir.
Isabela est la plus grande des îles des Galapagos, et grâce
à cette superficie (130 km de long sur 80 km de large) inhabitée
et très préservée, elle abrite la plus grande diversité
de flore et de faune des Galapagos. Ses cinq volcans sont en activité,
le plus haut culminant à 1707 mètres. Les eaux ceinturant
le littoral sont aussi extrêmement riches.
C'est encore tout un programme de découverte de
la nature qui nous attend ici, et nous sommes tous impatients de partir
en exploration. Encore faudrait-il que les autorités soient moins
inflexibles qu'à San Cristobal ... Nous n'allons pas tarder à
le savoir: à peine l'ancre posée, un fonctionnaire de la
capitainerie débarque sur Aupaluk et y convoque les 3 capitaines.
Il nous fait savoir que nous avons enfreint la loi en passant la nuit
précédente au mouillage devant Santa Maria, que ses collègues
l'ont prévenu, et que nous devons payer une amende. De plus, nous
n'avons pas le droit de rester à Isabela sans permis de croisière.
Douche froide. Mais on commence à avoir l'habitude de ces petits
despotes locaux: dans ces endroits reculés, accablés d'ennui
et de chaleur, pour une solde de misère, les voyageurs de passage
sont une manne qu'il convient d'exploiter sans scrupules. Comble de malchance,
le capitaine du port, qui a bonne réputation, est absent pour la
semaine. Nous avons affaire à son second, un certain Gomez, qui
semble savoir s'y prendre en matière d'extorsion de fonds. Il fixe
l'amende à 50 dollars par bateau, puis nous propose élégamment
d'arranger cet histoire de permis de croisière pour 100 dollars
supplémentaires qui nous permettraient
un séjour d'une semaine. Bien qu'il soit clair que ces 450 dollars
resteront dans sa poche, on a la faiblesse d'accepter, on se voit mal
avoir fait tout ce chemin sans pouvoir visiter les merveilles d'Isabela
et repartir illico pour attaquer les 3000 milles de la traversée
du Pacifique jusqu'aux Marquises. Il joue sur du velours le Gomez! Marché
conclu donc, mais nous réclamons un reçu, il faudra passer
par son bureau pour régler tout ça.
Un autre bateau est arrivé dans la baie, Ouma, avec Jean et Maryse,
en provenance de San Cristobal. Ils sont furieux, parce que Gomez leur
a proposé la même chose, 100 dollars ou dehors. Leur décision
est prise: ils partent, cap sur les Gambiers à 3 ou 4 semaines
de mer, et tant pis pour les Galapagos! Nous buvons un café chez
eux, pendant lequel nous assistons à un ballet de raies mantas
de grande envergure qui viennent se frotter à la coque, claquant
l'eau de leurs ailes. Impressionnant et magnifique!
Le soir, nous observons aux jumelles les fous à pieds bleus et
les pélicans, ça au moins c'est gratuit. Si l'on veut débarquer
pour les voir de plus près, il faudra encore payer 100 dollars
par personne au Parc National ... business is business!
Puerto Villamil
Le village de Puerto Villamil ne compte que 1500
habitants. Les maisons, sommaires et souvent en construction, bordent
de larges rues de sable dont certaines sont ombragées par
les cocotiers. L'ambiance est beaucoup plus tropicale et balnéaire
qu'à Puerto Moreno, pourtant il y a très peu de touristes
ici, où l'activité principale reste la pêche
artisanale. Franck, Charly et moi allons rendre une visite à
notre ami Gomez pour les formalités.
|

Une rue de Puerto Villamil |
La nuit a dû lui porter
conseil car il pousse le bouchon un peu plus loin: on n'a plus droit qu'à
4 jours, et l'addition est maintenant de 150 dollars par bateau en plus
des 50 dollars d'amende! Il faut renégocier, on termine à
110 dollars et 5 jours. Quelle crapule! On obtient quand même un
reçu, mais pour quoi faire?
Le bougre nous a vidé le portefeuille, il faut aller à la
seule banque du village refaire le plein. Nous faisons la queue à
l'intérieur. Les vitres sont teintées pour réfléchir
les rayons du soleil, on ne voit donc pas l'intérieur de la banque
quand on est dans la rue. Mais de là où nous sommes, par
contre, nous voyons très bien Gomez qui marche à grands
pas vers la banque, l'air d'un conspirateur. Il ouvre la porte et se retrouve
face à face avec nous, c'est comme s'il avait vu le diable, il
repart aussitôt! Il ne pouvait quand même pas déposer
nos dollars sur son compte devant nous!
Heureusement la population du village
ne se limite pas aux autorités, les habitants que nous rencontrons
sont sympathiques et accueillants. Quelques commerces permettent de compléter
les provisions du bord et le matériel de pêche. Il y a même
un cyber-café au fond d'un bazar. Nous contactons quelques guides
pour organiser des excursions.
Nous faisons aussi la connaissance d'Agnès, une biologiste
française installée à Isabela depuis plusieurs année
avec son compagnon Vincent, qui nous parle de leur vie et de leur métier
ici. Leur site internet AquaticEcology.org
est très riche en informations sur la nature aux Galapagos.
Las Tintoreras
Bordant notre mouillage, à une cinquantaine de
mètres d'Imagine, Las Tintoreras est l'un des nombreux habitats
humides de l'île, une zone de roches volcaniques basses, cernée
par la mer, où pousse une maigre végétation éparse,
et sur laquelle cohabitent des colonies d'iguanes marins, d'otaries, de
fous à pieds bleus, de pélicans, et de manchots des Galapagos.
Cette espèce est vraiment unique et insolite sous ces latitudes:
originaires des mers froides du sud, les
manchots se sont adaptés au climat
équatorial en réduisant leur couche de graisse et leur taille.
Ils ne mesurent qu'une cinquantaine de centimètres de hauteur!
Ils semblent totalement dépourvus de crainte envers l'homme, et
se laissent approcher en annexe à moins d'un mètre pour
peu que la manoeuvre soit lente et sans geste brusque. On peut alors les
observer à loisir, en silence, immobiles,
les yeux dans les yeux, fascinés. On dirait des animaux en peluche,
on ne se lasse pas de leurs mimiques et de leur démarche si particulières.
De temps en temps, un petit groupe saute à l'eau, nageant comme
des canards. On les voit plonger en quête de poissons.
|
|
Un petit groupe de manchots cohabite
avec la nombreuse colonie de fous à pieds bleus |
|
|
Derrière et autour des manchots, qui occupent
en général quelques rochers au bord de l'eau, on trouve
la population la plus nombreuse, bruyante, et odorante des lieux: les
fous à pieds bleus. Ils sont des milliers à nicher ici,
il y a des couples, des jeunes, des solitaires, leur point commun: ils
ont vraiment les pieds bleus, tellement bleus qu'ils ressemblent à
des palmes en plastique! Eux aussi nous laissent approcher, tout en communiquant
de leurs cris rauques et peu harmonieux. Nettement plus grands que les
manchots, ils ont également une drôle d'allure, avec leur
long corps fuselé au plumage brun et blanc, leur tête d'un
brun plus soutenu strié de petites plumes blanches, armée
d'un bec agressif gris ou verdâtre, flanqué de deux petits
yeux jaunes à la pupille noire, le tout bien planté sur
ces éclatantes palmes bleues!
De placides et imposants pélicans nichent ici et là, seigneurs
impassibles parmi la bruyante multitude. Quelques crabes d'un rouge éclatant
se hasardent sur la roche noire au milieu des pieds et des becs de tous
ces volatiles.
Un sentier parcourt cette zone
de Las Tintoreras, qui nous mène sur le territoire des iguanes
marins, en pleine période de nidification. Leurs pattes creusent
fébrilement le sol jusqu'à ce qu'ils disparaissent
entièrement dans la galerie, éjectant la terre à
l'extérieur.
Ils sont des centaines, minuscules jeunes de quelques centimètres
ou adultes de près d'un mètre, véritables modèles
réduits de monstres préhistoriques, la crête
hérissée de piquants, les pattes tordues et griffues.
Ils passent leur temps à se chauffer au soleil, souvent agglutinés
sur le même coin de rocher.
|

Une multitude d'iguanes marins |
Plus loin sur une petite plage, une colonie d'otaries
chasse bruyamment non loin du rivage, les gros mâles aboyant dès
qu'ils remontent à la surface. Un jeune isolé appelle sa
mère. Je suis saisi par la sérénité et l'harmonie
des lieux, je contemple le spectacle tranquille de la nature, je goutte
la lumière, le vent, les vagues, les cris des animaux ... quelle
magie!
Sur le chemin du retour, nous admirons une bande de requins à pointe
blanche qui parcourt l'eau calme et transparente d'une faille creusée
dans la roche basaltique.
Dernières négociations avec les autorités
Cruel contraste, après la grandeur de la nature,
quelques messieurs en uniforme nous infligent la petitesse de leur
nature humaine ... Les premiers sont plus cocasses que méchants:
ce sont deux gardes du Parc National qui nous regardent,
Franck et moi, débarquer en annexe sur la plage. Ils nous demandent
de les aider à tirer leur propre embarcation à l'eau, ce
que nous acceptons gentiment, mais au lieu de participer à l'effort,
ils restent les bras croisés sans rien faire. Nous comprenons vite
qu'il ne s'agit pas seulement de tirer leur dinghy sur le sable: ces messieurs
ne veulent pas mouiller leurs chaussettes blanches
et leurs chaussures, alors ils montent dans l'annexe et voudraient qu'on
les tire avec! Je leur demande d'oter leurs chaussures, ils hésitent,
finalement on s'arrange pour qu'ils puissent sauter dans le dinghy au
moment ou une vague se retire, et la suivante les emmène. Je ne
sais pas comment ils feront au retour pour garder les pieds secs ces comiques!
Un de leurs collègues observait
la scène sous l'ombre de la végétation. Il nous cueille
alors que nous remontons de la plage et nous avise officiellement du règlement
du Parc National des Galapagos: en résumé, pas de visite
des sites naturels sans payer la taxe de 100 dollars par tête. Comme
il a l'air ouvert, nous lui exposons notre point de vue. Cette taxe du
Parc National des Galapagos est conçue
pour les visiteurs débarquant en avion avec un visa en règle,
et disposant de suffisamment de temps pour visiter les multiples sites
des Galapagos. Payer 100 dollars par personne à l'entrée
pour accéder à toutes les richesses de l'environnement protégé
des Galapagos ne semble pas abusif. Mais pour les bateaux de passage qui
payent déjà des sommes exorbitantes aux autorités
pour ne rester que quelques jours, rajouter 100 dollars par personne pour
visiter un ou deux sites alourdit un peu trop l'addition!
Il acquiesce, mais le règlement, c'est le règlement, pour
sa part il nous collera une lourde amende si on ne le respecte pas, quelque
soit la raison.
Enri se joint à la discussion. Propriétaire
d'un restaurant sur la plage au fond de la baie, qu'il se plait à
appeler le yacht-club, c'est un ancien pêcheur reconverti dans le
tourisme. Chaleureux et volubile, il nous propose justement diverses excursions.
Quand nous lui expliquons que les autorités ne nous laissent pas
le temps de visiter Isabela, il comprend que ses intérêts
convergent avec les nôtres et nous emmène illico dans sa
barque plaider notre cause auprès du cupide Gomez.
Nous jouons l'honnêteté:
- les gardes du parc veulent nous faire payer 100 dollars par tête,
nous les paierons si vous voulez bien rallonger notre séjour pour
que nous puissions visiter l'île.
Sa réponse est claire, sans le moindre scrupule:
- si vous pouvez payer 100 dollars par tête au Parc National, alors
je veux 100 dollars de plus pour moi.
Il nous laisse réfléchir et s'en va, Enri est furieux: un
seul gradé corrompu détourne les dollars du tourisme à
son seul profit au lieu de faire tourner l'économie du village!
Surprise: à notre retour chez Enri, Gomez est là dans son
4x4, c'est un endroit plus discret pour empocher son bakchich. Nous l'envoyons
paître avec joie, nous resterons clandestins!
Un soir, en écoutant les conversations entre bateaux sur la radio,
nous entendons avec surprise et amusement la folle rumeur qui circule
à notre sujet: "Suite à ses démêlés
avec les autorités d'Isabela, Imagine est en prison!" Nous
démentons immédiatement, et après enquête,
il s'avère que le petit malin qui propage la nouvelle n'est autre
que notre ami Fernando, sans doute pour dissuader ses clients de quitter
San Cristobal!
A cheval sur la Sierra Negra
Si nous ne sommes pas encore en
prison, nous sommes bel et bien des touristes clandestins! Les excursions
doivent se faire discrètement. Nous avons trouvé un guide
qui accepte de nous conduire sur le volcan Sierra Negra. Il nous assure
que si nous nous séparons en deux groupes, nous devrions pouvoir
éviter un contrôle de la police du Parc. Surtout si il glisse
habilement quelques billets dans leur poche ... le tarif de l'excursion
est donc un peu plus élevé, normal!
Nous avons donc fait deux groupes. Après la famille Ushuaia
hier, qui a échappé aux contrôles, c'est notre
tour aujourd'hui d'aller escalader le volcan en compagnie de la famille
Aupaluk. Départ à 8h du matin pour une heure de piste dans
la benne d'un pick-up, d'abord dans une savane inextricable d'épineux
et de cactus, puis à travers une végétation plus
luxuriante dès qu'on attaque les flancs du volcan. Des chevaux
nous attendent au bout de la piste, ainsi que les gardes du Parc. Andres,
notre guide va les saluer, et je ne sais pas ce qu'il leur raconte ni
combien de dollars il leur donne, mais nous ne serons pas contrôlés.
Tout le monde en selle! Romain monte "Gato", Bastien "Luzero",
Pascale "Chocolate" et moi "Caramel"... Au pas, parfois
au trot, et même au galop, nous poursuivons
l'ascension du volcan. La végétation se fait plus rare,
la chaleur lumineuse du littoral a laissé la place à une
agréable fraîcheur sous un ciel grisâtre.

La caldera de la Sierra Negra |
En une heure environ nous atteignons à
1500 mètres d'altitude les crêtes du sommet cernant
la caldera, ce cratère gigantesque (8x10 km, le deuxième
plus grand du monde), entièrement rempli de lave durcie,
grise et noire. Le volcan de la Sierra Negra est toujours actif,
sa dernière éruption date de 2005. Andres nous montre
la dernière coulée plus foncée ainsi que les
rivières de lave cryolitique, plus chargée en silice,
qui ne se mélange pas avec la lave basaltique dont la température
est supérieure.
|
Nous laissons les chevaux et marchons
à travers les immenses champs de lave que le volcan a vomi
sur ses pentes nord-est, en direction d'un deuxième volcan,
plus petit, "el volcan chico".
Le terrain est accidenté et très spectaculaire, tant
par les formes torturées des roches que par la variété
de leurs couleurs. Des ponts de lave décorent le paysage,
quelques cactus réussissent à survivre dans ce monde
calciné, la faune est rare, quelques petits lézards
et de temps en temps un oiseau. |

Les champs de lave vers El Volcan Chico |
Le soleil cogne, la roche rayonne, le silence domine,
seulement troublé par le bruit de nos pas et les exclamations des
enfants. Andres leur montre un tunnel naturel formé par la lave,
à travers lequel il rampent sous la surface.
Nous atteignons le volcan chico après
une heure de marche, et progressons sur un étroit sentier de crête
qui surplombe des gouffres vertigineux, par lesquels le volcan exhale
son haleine souffrée et humide. La bouche du diable ... La vue
est magnifique, on aperçoit au loin la baie Elisabeth
à l'ouest de l'île, malheureusement interdite aux voiliers
de plaisance, car réservée aux bateaux de touristes. Dommage,
c'est un endroit où la faune abonde, orques, baleines, otaries,
manchots et volatiles en tous genres.
Nous pique-niquons dans cet endroit hors du commun, avant d'entamer le
long chemin du retour, sous le soleil à son zénith. A pieds,
à cheval, en voiture, puis en annexe, tout le monde est cuit à
l'arrivée au bateau!
Los Tuneles
Enri passe nous prendre au bateau ce matin pour une journée
sur le site de Los Tuneles... Les équipages des trois
catamarans, chargés des affaires de plongée et des pique-niques,
s'entassent dans sa grande et rapide lancha, et c'est parti pour une heure
de navigation sur une mer lisse et sous un beau soleil. Spectacle étonnant,
des carapaces de tortue dépassent de la surface partout autour
du bateau, elles sont des centaines ou des milliers à rejoindre
les rivages d'Isabela pour la saison des pontes. Notre pilote doit slalomer
pour les éviter, mais malgré son adresse ne peut éviter
une collision à pleine vitesse avec l'une d'elles.
Enfin, Enri réduit les gaz et pique vers la côte basse et
rocheuse, balayée par la houle qui déferle sur les hauts-fonds.
Il nous a prévenu que l'arrivée pouvait être assez
sportive, il doit emprunter une étroite passe que seuls les pêcheurs
du coin savent repérer du large, négocier quelques chicanes
entre des récifs affleurant tout en évitant les déferlantes
qui retourneraient la lancha et nous précipiteraient sur les cailloux.
Enri connaît son affaire, et la houle n'est pas très forte
aujourd'hui, il nous met vite à l'abri des rouleaux sur une eau
plate, parsemée de plateformes de roche volcanique déchiquetée
par l'érosion. La lancha s'enfonce dans le labyrinthe lagunaire
de los tuneles: un relief né de la rencontre antagoniste
et tumultueuse des laves incandescentes et des vagues de l'océan,
puis torturé et sculpté par l'érosion millénaire
des éléments. Des arches de lave enjambent les canaux, ce
sont parfois de véritables tunnels sous lesquels on peut circuler,
des jardins de cactus aux formes insolites s'accrochent à ce décor
aride. Nous parcourons pendant plus d'une heure tous les recoins de ce
dédale dans un petit dinghy qu'Enri avait chargé sur sa
lancha. Cette lagune est aussi un abri pour de nombreuses espèces
qui viennent s'y reproduire et s'y reposer. Outre les otaries, nous rencontrons
des raies, des requins à pointe blanche, des manchots, des oiseaux,
mais surtout nous retrouvons une incroyable population de tortues, elles
se comptent par centaines!
C'est l'heure du pique-nique, à l'ombre apaisante d'une grotte
de lave à l'heure où le soleil est le plus féroce.
Nous retournons explorer la lagune en snorkeling dans l'après-midi,
l'eau est trouble mais on rencontre quand même furtivement quelques
tortues, des raies, des otaries ...

Un pont de lave sur la lagune de Los Tuneles |

Pique-nique à l'ombre d'une grotte |
Enri sonne le rappel vers 16 heures, tout le monde rembarque
sur la lancha pour un dernier rodéo sur les vagues. Petit détour
par le rocher Union, qui émerge tel un iceberg solitaire à
quelques milles au large, battu par la houle. Dans la splendide lumière
du jour qui décline, et les senteurs de guano et d'embruns mêlés,
nous contemplons une dernière fois le fantastique spectacle de
la nature intacte des Galapagos, otaries, fous à pieds bleus, fous
masqués, pélicans, ... quel bonheur!
3 mars 2007, Cap sur les Marquises!
Comment se consoler de quitter un endroit aussi merveilleux?
C'est simple: en mettant le cap sur un autre endroit merveilleux! De toutes
façons nous avons atteint et même dépassé d'une
journée le temps accordé par l'affreux Gomez, nous pourrions
certes nous incruster et attendre le retour annoncé de son chef,
mais nous jugeons préférable de mettre les voiles.
Hier les dernières courses et les dernières lessives ont
été faites, les enfants ont passé la dernière
journée sur la plage, Romain a surfé une dernière
fois avec les jumeaux. Pascale et moi n'avons pu nous empêcher de
faire une ultime visite à nos voisins de mouillage les fous, les
pélicans, les manchots. Bilan, encore une centaine de photos! Puis,
il y a eu la soirée d'adieux le soir chez Enri, dans son restaurant
sur la plage, autour d'une bonne viande grillée, la dernière
avant longtemps. En rentrant au bateau en annexe dans la nuit, nous avons
été dire au revoir aux manchots qui dormaient debout sous
la lune presque pleine. Nous les avons longtemps observé en silence
...
Nous resterons sur un très bon souvenir des Galapagos.
Si il est vraiment pénible de devoir subir la corruption de quelques
fonctionnaires, et de voir l'écologie transformée en business
permanent, ces îles restent malgré tout une étape
incontournable pour les amoureux de la nature. Espérons
que le subtil équilibre entre tourisme et sauvegarde de
l'environnement, puisse se perpétuer au bénéfice
exclusif de cette extraordinaire patrimoine mondial.
Ushuaia et Aupaluk lèvent l'ancre à midi,
nous les suivons une heure plus tard, 6000 km d'océan nous séparent
des Marquises, pourvu qu'il soit pacifique!
A suivre ...
Les
photos de San Cristobal
Les
photos d'Isabela
|