Le Venezuela- Tortuga y Puerto La Cruz

Royales Langoustes ...  par Pascal


Tortuga, du 1er au 15 avril

1er avril, le poisson au rendez-vous

Le départ au petit matin nous permet de prendre une belle photo du lever de soleil entre les cocotiers de Playa Yaque, belle image d'adieu à Blanquilla. Il fait beau, nous marchons à 8 noeuds sous grand-voile à un ris et solent, puis gennaker quand le vent faiblit vers midi. La journée est ponctuée par les poissons d'avril des enfants, qui racontent par VHF à La Casa qui nous suit, des pêches de plus en plus miraculeuses ... bonite, puis thon, et finalement espadon de 3 mètres ! Mais malheureusement ce ne sont que des poissons d'avril. Jusqu'à l'arrivée où un vrai barracuda décide enfin de s'accrocher à la ligne.

Imagine au mouillage à Playa Caldera

Nous mouillons à 16 heures dans la magnifique anse de Playa Caldera, entourée d'une plage de sable blanc de plusieurs kilomètres.

2/04
Pas de CNED aujourd'hui. Nous nous promenons le matin à la découverte de la plage et du lagon. Posé sur le sable, inondé de lumière, un petit village de baraques en planches et tôles ondulées donne à cet endroit des allures de bout du monde. Il y a quelques cabanes de pêcheurs, celle des garde-côtes, et une posada (auberge avec chambres d'hôtes), le "Rancho Yemasa", très joliment décoré. La patronne est très accueillante, elle nous réapprovisionne en oeufs, fruits et légumes. Une piste de sable défoncée sert d'aérodrome, plusieurs petits avions viennent débarquer des touristes pour profiter du dimanche à la plage. Heureusement, ça se limite à une vingtaine de personnes sur la plage de plusieurs kilomètres...


Les maisons de Playa Caldera

La posada de Rancho Yemasa

Nous dégustons à midi au barbecue le barracuda pêché la veille. L'après-midi, Patrick et Pascale gréent leur planche à voile, il y avait vingt ans que je n'avais pas posé le pied sur ces engins, vingt ans! Les gestes reviennent vite, mais les muscles demanderaient un peu plus de temps ... Les enfants des deux bateaux jouent sur la plage pendant ce temps là, ils ont toute la place qu'ils veulent! Je fais une petite visite aux pêcheurs en bout de plage. Ils me font goûter les "guigas", de petits mollusques qu'ils conservent dans une boite en plastique ... le goût est fort, sans doute un peu fermenté. Ils proposent aussi de la langouste, mais à 35000 bolivars le kilo (environ 14 euros), on la pêchera nous-même!

3/04
Pendant l'école, les Pascales vont nager et réserver le repas à la posada pour midi. Les enfants rêvent de poulet frite, mais il n'y en a pas au frigo. Pas de problème! La patronne téléphone à un pilote à Caracas pour qu'il ramène du poulet du continent. La marchandise sera livrée 2 heures plus tard par avion privé! Évidemment, il ne venait pas que pour nous ... Poulet/frites pour tout le monde donc, ou marisco en risotto pour les dames. Ensuite, les enfants profitent des installations du restaurant pour jouer sur la plage, et se baignent dans l'eau incroyable du lagon. En nous promenant sur la berge, nous trouvons non loin de là des casiers immergés dans un mètre d'eau, pleins à craquer de langoustes royales énormes. Il nous tarde de commencer la pêche, mais les premiers repérages en annexe autour des bateaux n'ont rien donné, il n'y a pas assez de roches pour abriter des langoustes (il faut "muchas rocas", comme nous ont conseillé nos amis pêcheurs). Il faudra aller plus loin.


Les enfants dans le lagon

Picnic au frais

4/04
Patrick va pêcher le matin de l'autre côté du lagon, au vent de la barrière de corail, où il y a vraiment "muchas rocas". C'est très poissonneux, mais il ne trouve pas de langoustes.
Pascale s'essaye à la planche à voile et réussit à sortir la voile de 6m20 entièrement hors de l'eau après quelques essais, sans trop tomber. Très bon début!

5/04
Nous retournons avec Patrick pêcher sur la barrière, à 15 minutes d'annexe dans les vagues. Je me concentre sur la langouste, plongeant dans chaque cavité, sans succès. C'est finalement en poursuivant un mérou dans son trou, que je me trouve nez-à-antennes avec une belle langouste, planquée au fond d'une galerie. Je l'observe un moment et repère les lieux avant de retourner respirer à la surface. Elle ne m'échappera pas celle-là, notre première grosse langouste du Venezuela : 950 grammes. Patrick ramène de quoi nourrir tout le monde: rougets, thazard, carangue, pagre ... Frustré de ne pas avoir de langouste, il y retournera l'après-midi et reviendra avec un beau spécimen de 1,4 kg!
Pascale profite de la grande baie pour faire un footing sur le sable, les enfants jouent sur la plage, je les surveille du bateau en jouant aux échecs avec Romain.
Nous célébrons nos langoustes et nos poissons le soir sur La Casa, la soirée se termine tard après la couinche, les enfants restent dormir à bord.

6/04
Ce mouillage de Playa Caldera est le genre d'endroit qu'il est difficile de quitter. Mais il parait qu'il y a de meilleurs coins à langoustes un peu plus loin. Gourmands, on décolle à midi en direction de Los Palanquinos à 7 milles vers l'ouest. Une petite heure de navigation grand largue sous gennaker, et moteur pour recharger les batteries.

Nous mouillons sur 4 mètres de sable, devant une barrière de corail affleurant à peine mais qui nous protège de la houle du large. La côte de Tortuga est à un mille derrière, on est seul avec La Casa, et quelques pélicans qui surveillent le site, c'est tout. La première plongée avec Romain est impressionnante par la quantité de poissons, mais aussi la quantité de refuges offerts par ces fonds chaotiques de corail, cornes d'élan enchevêtrées en labyrinthes inextricables. Les poissons se cachent trop facilement. Romain tire malgré tout un beau pagre gris et moi un pagre non identifié. Le repas est assuré.

Devant la barrière de corail de Los Palanquinos
7/04
Plongée le matin avec Patrick sur la pointe est du récif. Ça pullule de barracudas, l'un d'eux est de notre taille, très impressionnant, pas question de le tirer lui ou ses copains. De toutes façons je casse l'élastique de mon fusil. Je tire quand même un mérou avec le petit fusil de Patrick, puis trouve deux belles langoustes: 720g d'abord puis le record: 2,5kg au fond d'un labyrinthe rocheux d'où j'ai beaucoup de mal à la sortir. Elle mesure un mètre des antennes à la queue. On la mange consciencieusement à trois, avec Romain et Pascale, et on a du mal à la finir!
Nous retournons plonger à cet endroit avec Bastien l'après-midi, il veut voir les barracudas sous l'eau. Il se fait vite piquer par de nombreuses méduses qui infestent le coin, mais voit quand même cinq ou six barracudas en rejoignant l'annexe. Malgré une recherche systématique, nous ne trouverons pas d'autres langoustes. Mais nous en avons assez pour l'apéro, ainsi que du calamar, et du barracuda pour le dîner sur La Casa.

2,5 kg et un mètre de long!

8/04
Aujourd'hui, Pascale se transforme en infirmière. Un pêcheur nous aborde vers 11 heures, il est venu exprès d'un îlot voisin pour tenter de soigner une vilaine plaie à la cuisse. La blessure, assez profonde, n'est pas belle à voir : la chair est déjà grise, les bords sont blanchâtres. Pascale sort la pharmacie du bord et fait de son mieux. Elle verse une bonne rasade d'eau oxygénée pour faire sortir le sable incrusté et nettoyer autour (la crasse est aussi épaisse que la peau). Puis, elle désinfecte, applique une pommade pour plaies surinfectées, et fait un pansement aussi propre que possible. Elle donne au pêcheur de quoi le refaire le surlendemain. Notre ami se laisse faire, comme s'il était à l'hôpital. Quand c'est fini, il repart simplement dans sa barque sans un remerciement. Ses seules paroles en nous quittant seront "vous avez du rhum?". Peut-être pour soigner la plaie de l'intérieur ...
Un peu plus tard, nous avons la visite des garde-côtes pour un contrôle de papiers, on leur offre le café, ils sont gentils, comme tous ceux que nous avons rencontré.
Nous plongeons sur la pointe ouest de la barrière de corail. Je ne tarde pas à trouver un trou bien habité: une dizaine de langoustes royales, plus ou moins faciles à tirer et à sortir, mais le festin du soir est assuré. Entre-temps un nouveau catamaran nous a rejoint au mouillage. C'est Orient Express, que nous avions brièvement rencontré à Margarita. Nous invitons Catherine, Selchouk et leur fils Maxime 7 ans pour l'apéro sur Imagine. Puis nous nous attaquons à notre festin de langoustes, sur La Casa. Pour les cuire au barbecue, il faut d'abord les ouvrir en deux dans le sens de la longueur. Avec les grosses langoustes et leur solide carapace pleine d'épines acérées, ce n'est pas très facile, mais on est motivé! Ensuite, c'est le régal ... Soudain Patrick nous tire de notre délectation : "je ne vois plus l'annexe, elle était amarrée où?". On se rend vite à l'évidence, elle n'est plus là! Comme on est quasiment les seuls sur ce mouillage, et qu'on mangeait dehors, il est impossible que quelqu'un l'ait volée, elle devait être mal attachée. On balaye la nuit avec un projecteur, mais le vent et les vagues l'ont déjà emportée depuis peut-être deux heures, elle doit être loin. Sans plus réfléchir, je saute dans notre annexe suivi de Pascale Delmarre et de son projecteur, et on s'élance dans la nuit dans la direction de la dérive supposée du pneumatique. On scrute la nuit dans le faisceau lumineux, faisant bondir les poissons aiguilles en travers de notre route. On s'éloigne de plus en plus, au bout de 20 minutes on est à environ deux milles de nos bateaux, on réalise qu'on n'a même pas emporté de VHF, il ne faudrait pas tomber en panne maintenant, en pleine nuit en mer ... Soudain, on l'aperçoit enfin! Elle dérive gentiment au clair de lune. On la récupère sans problème, et chacun rentre dans son annexe, dans le noir, face au vent et aux vagues, c'est sportif, ... mais ça finit bien. Et il reste encore des langoustes au retour!

9/04
Ce matin on cherche des calamars avec Pascale. On n'a encore jamais réussi à en pêcher un par personne, alors que tout le monde en raffole. Ça changerait un peu des langoustes! La ballade est jolie, mais on rentre bredouilles.
On replonge l'après-midi tous les quatre. Romain débusque tout de suite une langouste royale de 1850g, suivi de Bastien qui voit sa première langouste "à lui", pas mal non plus avec 880g. Je trouve ensuite un autre trou avec deux langoustes de 1350g et environ 1,5kg. Romain pêche un calamar pour Bastien, car son frère n'aime toujours pas la langouste, il nous commande donc à chaque fois ce qu'il veut, poisson ou calamar. Pour une fois, ça ne nous désole pas trop qu'il soit difficile! "Orient Express" invite les enfants à goûter et regarder un film, et un peu plus tard les parents pour un apéro, qui se prolonge avec des pâtes jusqu'à une heure du matin.


Romain et ses langoustes

Bastien et sa langouste

10/04
On commence à être juste en gaz. On n'avait pas pu faire le plein à Margarita, la dernière bouteille date de Grenade. Je branche la petite bouteille de camping gaz, ça ne nous donne que quelques jours d'autonomie. Il va falloir rejoindre la civilisation rapidement ...
Pas de pêche aujourd'hui, mais dégustation des langoustes pêchées la veille. A midi au barbecue avec huile et citron vert pendant la cuisson, le soir en rougail avec tomates, et citron confit au gingembre. En guise d'activité sportive, nous nous contentons d'une promenade sur la plage de Tortuga. Les enfants construisent un palais avec les objets et le bois trouvés sur la plage.

11/04
Pour prolonger un peu le séjour, Patrick me propose de me prêter sa bouteille de gaz de 13kg, française. En bricolant son installation, il la détruit et on passe la journée à faire une réparation provisoire... Le soir, il pêche deux barracudas et nous en offre un, mangé à la poêle. Je répare aussi le bouton stop de notre moteur tribord (le moteur refusait de s'arrêter, il fallait descendre dans la cale pour le couper à la main), avec une giclée de WD40, il faudra voir ça de plus près à la prochaine escale.

12/04
Avant de quitter Los Palanquinos, on visite une dernière fois les trous à langouste le matin à 9h30 (très matinale cette plongée!). Patrick en prend quatre, j'en rate deux, bien planquées dans leurs galeries.

On lève l'ancre à midi, pour la remouiller 5 milles, plus loin à Las Tortuguillas, devant une plage de sable blanc. C'est la semaine des vacances de Pâques, et en passant devant le mouillage réputé de Cayo Herradura, on a compté 43 bateaux à moteur, 6 voiliers, et plusieurs lanchas! On reviendra quand ça sera plus désert. L'îlot ouest de Las Tortuguillas est plus tranquille, nous ne sommes qu'une demi-douzaine à se partager une belle plage de sable blanc. Nous y allons à la nage l'après-midi, et nous promenons sur le rivage pendant que les enfants jouent. Un peu plus tard, Patrick et moi ramenons chacun une belle langouste de plus d'un kilo. Ce soir, il y a rougail de langoustes sur Imagine. Léo dort à bord.

La plage de Las Tortuguillas

13/04
Las Tortuguillas se compose de deux îlots séparés par un lagon bleu turquoise dans lequel on peut mouiller par un à deux mètres de fond, mais il y a des moustiques! Nous traversons le lagon en annexe avec Pascale pendant que les enfants travaillent, à la découverte de la deuxième île. La plage est un peu décevante (on est devenu difficile!). Nous aidons des vénézueliens à planter leur ancre sur le sable, pendant qu'ils beachent leur puissants bateaux à moteur. Ils sont venus de Carenero, à 40 milles sur le continent, pour la journée, à deux familles. Ils nous vantent leur pays : "2000 kilomètres de plages désertes, et toutes ces îles, c'est le rêve, pourquoi aller chercher mieux ailleurs?". Nous leur demandons s'ils n'ont pas peur que des promoteurs viennent bétonner un jour, "on n'a pas besoin des touristes au Venezuela, on a le pétrole!". L'exploitation pétrolière qui préserve la nature, intéressant paradoxe!
Nous revenons avec les enfants l'après-midi plonger sur un récif prometteur. Il est très joli mais n'abrite que de toutes petites langoustes, que nous épargnons. Un énorme mérou nous nargue sans se laisser approcher.

14/04
La plongée, rien que la plongée. Seul le matin, avec les enfants l'après-midi. Au nord du lagon, alors que nous cherchons des langoustes depuis un moment, Romain me fait soudain signe de le suivre, très excité. Nous rattrapons rapidement un banc d'une trentaine de carangues à plumes, curieux poissons assez gros et dont les nageoires dorsales se prolongent en filaments de plus de 70 centimètres. Nous sommes au milieu du banc, j'ai juste le temps de choisir un individu pas trop gros, qui fasse un bon repas pour nous quatre, et je tire une carangue de 1,6 kg pour 50 centimètres. Il y avait de quoi faire des conserves! Nous ramenons aussi quelques langoustes, et des pagres. Pendant ce temps-là, Pascale grattait la coque.


Bastien et la carangue à plumes

La dissection d'une carangue à plume,
ça vaut bien celle d'une grenouille!

15/04
Cette fois il faut bien s'y résoudre. Ça fait plus d'un mois que nous avons quitté notre dernière escale, Margarita, un mois d'autonomie dans ces îles merveilleuses et nourricières, mais il est temps d'aller refaire des provisions quelque part. Nous continuons de gratter les coques avec Pascale, sachant que dans les eaux sales et chaudes de Puerto La Cruz où nous allons séjourner, les coquillages et les algues vont se ruer sur le bateau avec autant de voracité que nous sur le premier steak qui passe...
Nous levons l'ancre à 18h30, au crépuscule, pour une navigation nocturne d'une soixantaine de milles. Le vent ne s'établit que vers minuit, et nous porte sans histoires jusqu'à l'aube.

Puerto La Cruz, du 16 au 28 avril

16/04
Au matin, le vent a forci et nous cueille de face, un bon moyen pour se réveiller tout à fait avant le retour sur terre. La baie de Puerto La Cruz est truffée de pétroliers, qui chargent l'or noir du Venezuela. C'est à 9 heures que nous nous amarrons à l'entrée de Bahia Redonda, une des multiples marinas de ce gigantesque labyrinthe lagunaire qui relègue notre Port-Camargue au rang de petit bassin. Nous ne sommes pas là pour très longtemps, aussi ne nous accorde-t-on qu'une mauvaise place de passage, coincée entre les effluves de la station service du coin et le vacarme du chantier naval d'en face. On essaiera de ne pas traîner ici. Nous rebranchons l'eau, l'électricité, et installons même le WIFI à bord, tant qu'à revenir à la civilisation, autant ne rien négliger. Le bateau a droit à son premier grand dessalage et lessivage depuis les Canaries il y a quatre mois. La marina n'est pas trop mal à l'intérieur, avec une très belle piscine, de la végétation, quelques iguanes qui détallent entre les pattes ou nagent entre les bateaux... il faut également signaler les miradors dans lesquels des gardes armés surveillent les accès côté terre et côté mer (des fois que les pillards arriveraient à la nage, le couteau entre les dents!), ainsi que les gardiens à l'entrée avec leurs armes automatiques. Un joli ghetto, en somme...


Arrivée sur Puerto La Cruz au matin

Piscine de la marina, le luxe!

17/04
Nous déposons nos papiers chez l'agent qui va s'occuper pour nous des formalités d'entrée dans cette région. Ça ne devrait prendre que deux jours, en tous cas sans effort pour nous. Et nous commençons les activités habituelles du retour à terre: lessives, et courses. Nous partons en expédition en annexe à travers les canaux à la recherche des centres commerciaux. Le premier, "Caribean Mole", est facile à trouver mais on n'ose pas y laisser l'annexe sans surveillance. On pousse jusqu'à "Plaza Mayor", grand centre commercial sans âme, dont toutes les boutiques vendent la même camelote pour touristes en mal de consommation, mais qui possède un supermarché bien achalandé. Le retour avec l'annexe surchargée de sacs pleins à craquer est difficile: il fait nuit, on se perd dans le labyrinthe des canaux, sans lumière, on se prend une averse, on évite de peu une collision avec une autre annexe surgissant en face et pas plus éclairée que nous, et finalement retrouvons les enfants sur le bateau vers 20 heures.

18/04
C'est notre anniversaire à tous les deux (et oui on est né le même jour!), et on a bien l'intention de le fêter. En attendant, un jeune homme se présente pour faire des travaux de nettoyage sur le bateau: tous les chromes pour 80000 bolivars (28€) et nettoyage complet de l'extérieur des coques au dessus de l'eau pour 150000 bolivars (53€). C'est tentant, marché conclu. On se prépare pour aller manger en ville, quand un agent de la guardia nacional nous gratifie d'une inspection surprise: génial, le militaire en treillis et gros godillots noirs monte à bord (on avait lessivé le pont il y a deux jours!) et demande nos papiers. Nous lui expliquons poliment qu'on les a laissé à l'agent la veille pour qu'il fasse les formalités. Inflexible, le militaire ne veut rien savoir, il veut nos papiers! Nous lui apportons des copies, qu'il feuillette consciencieusement, et il s'arrête sur le passeport de Pascale. "votre passeport est périmé depuis janvier 2005, c'est à dire depuis 9 mois" nous dit-il, glacial. Quoi? passeport périmé depuis neuf mois, c'est à dire avant notre départ de France, et alors que nous avons été contrôlés tant de fois dans tous les pays visités? Impossible, c'est sûrement une photocopie de l'ancien passeport. Mais le fonctionnaire s'impatiente, nous menace de nous envoyer chez son commandant, tout en nous expliquant soudain plus mielleux que nous sommes des gens sympathiques et qu'il pourrait nous faire une faveur, revenir plus tard ... c'est bon, on a compris, il lui faut son bakchich. Mais je fais semblant de ne pas comprendre, je lui dis que je vais chercher les papiers chez l'agent et que je reviens tout de suite. Un quart d'heure plus tard, notre militaire se fait secouer les bretelles par l'agent, qui doit peser un gros quintal, et se dégonfle piteusement, prétendant un malentendu, il ne nous aurait jamais rien demandé ... il en oublie même le passeport périmé! Il est pathétique et risible, n'empêche que grâce à lui nous avons découvert que nous ne sommes pas en règle, car c'est incroyable mais ce passeport est bel et bien périmé depuis longtemps, et pourtant on l'avait préparé ce voyage, bien rodés par le premier! Au bout de quelques jours de réflexion, on décidera finalement de continuer le voyage sans nouveau passeport, jusqu'à ce qu'on trouve un pays où il sera plus facile de le faire refaire. On n'a pas envie de traîner trop par ici.
Pour se remettre de cette tentative d'extorsion de fonds, nous nous payons avec La Casa Delmarre un festin de viande de boeuf grillée et frites à volonté, au restaurant "La Baraka", non loin du Paseo Colon. Le patron nous offre royalement une (et une seule) part de gâteau d'anniversaire. Après quelques courses en ville, on remet ça sur Imagine le soir, avec du champagne, et les cadeaux d'anniversaire, de beaux bijoux en coquillages fabriqués par les enfants.

du 19 au 26/04
Les journées qui s'enchainent ne sont qu'une course permanente au réapprovisionnement en vivres, gaz, matériel divers, équipement de plongée et de pêche, gasoil, essence pour l'annexe, etc...
Les courses prennent du temps et ne sont pas aussi simples que chez nous, c'est le moins que l'on puisse dire. Une fois qu'on a trouvé tant bien que mal l'adresse d'un fournisseur qui peut-être aurait la pièce ou le matériel recherché, il faut appeler un taxi (sécurité oblige), en s'assurant que c'est un vrai taxi officiel et pas un braqueur déguisé. Quand on a péniblement trouvé le magasin, et ce qu'on cherche dedans, on s'aperçoit qu'on n'a plus assez d'argent pour payer, il faut trouver un distributeur de billets. Au bout d'un demi-douzaine d'appareils, il y en a un qui par miracle veut bien délivrer les bolivars, les autres ont souvent fait croire qu'ils allaient le faire, mais n'ont finalement qu'enregistré le code secret et interrompu la transaction juste après. Angoisse, me suis-je fait arnaqué? Quand on revient le taxi a disparu, Évidemment Pas de problème, on marchera... jusqu'à ce qu'un policier nous attrape au passage : "si vous traversez ce quartier, vous reviendrez me voir dans moins d'un heure sans argent et à poil, ou vous serez morts". Très drôle. Il nous hèle un taxi, qui passe et nous fait monter d'autorité. Heureusement, les taxis ne coûtent pas cher, et on a plus de temps que dans la vie d'avant ...
Quand on ne fait pas des courses, on bricole, on nettoie, on fait les lessives, on écrit le site (un peu), on téléphone à la famille et aux copains à volonté avec Skype et internet à bord (c'est beau le progrès parfois), on va chez le médecin (j'ai une épine de cactus qui squatte profondément mon index droit depuis Blanquilla, mais il n'est pas pour la déloger), on fait fabriquer une belle housse pour notre annexe, et autres activités sans intérêt... Les enfants se partagent entre la piscine, la chasse aux iguanes, les films et les jeux avec leurs copains. Sans oublier l'école. La série 10 du CNED sera postée à temps par transporteur privé, c'est la fin de l'année scolaire pour Bastien, en grandes vacances le 26 avril! On lui fera faire des révisions, pour ne pas qu'il s'ennuie, le pauvre ...


Un iguane de la marina


Notre annexe avec sa housse toute neuve

27/04
Ça y est, on est presque prêts. Nous faisons l'approvisionnement de fruits et légumes au marché de Puerto La Cruz. Il est immense, et on y trouve beaucoup de produits alléchants. Et l'ambiance de ces marchés vaut le déplacement à elle seule. Le soir, La Casa Delmarre s'en va seul vers Tortuga retrouver nos paradis naturels. Quant à nous, nous allons manger un dernier bon-gros-steak-bien-épais-et-juteux au resto à Plaza Mayor accompagné d'un excellent vin chilien.

28/04
On aura fait des courses jusqu'au dernier moment, il y a toujours quelque chose de plus, le bateau a du bien s'alourdir pendant ces douze jours à terre. A 20 heures, dans la nuit, nous quittons enfin la marina. Tout est calme, il n'y a que très peu de vent. Mais à peine dans la baie, nous sommes surpris par une belle brise de 20-25 noeuds, de face évidement, qui nous oblige à tirer des bords dans les vagues alors qu'on se voyait partis pour une calme nuit au portant. Je change un peu les plans de navigation et après avoir évité quelques pétroliers, nous voilà repartis sous deux ris et solent vers notre chère Tortuga, que nous atteindrons demain matin.

Retour à Tortuga, du 29 avril au 5 mai

29/04
Au lever du jour, dans un vent mollissant de NNE, la mer s'est calmée et nous passons Punta Arenas à 8h à petite vitesse. On aperçoit La Casa Delmarre au mouillage de Las Tortuguillas, mais on continue vers Los Palanquinos, nous voulons retourner sur les lieux de nos plus belles pêches à la langouste, et sommes curieux de voir si les coins sont toujours peuplés. La première plongée avec Romain et bastien nous le confirme: elles sont là, on est soulagé de ne pas avoir trop ponctionné la faune. J'en rate deux avec le nouveau petit fusil acheté spécialement à Puerto La Cruz. Déception. On en ramène quand même trois, dont une belle de 1100g pêchée par Romain.
Nous les dégustons au barbecue le soir. Pas de doute, on est mieux ici qu'à Puerto La Cruz.

30/04
Plongée le matin sur la pointe Est, "le coin des barracudas". On doit d'abord traverser des nuées gélatineuses de petites méduses agglutinées. Un vrai mur, sur au moins cent mètres de long et profond de deux mètres. Bastien ne peut pas plonger assez longtemps pour le franchir par en dessous, on finit par se décider à le traverser, Bastien nageant derrière moi. Heureusement, ces méduses ne piquent pas. Nous ne voyons pas de langoustes, même dans le coin de la "championne du monde" de 2,5kg. Quelques barracudas nous dévisagent, dont un de la taille de Bastien, mais comme toujours, ils sont plus curieux que menaçants. En tous cas ils ne nous empêchent pas de pêcher deux mérous et un beau rouget (mon premier!). Les eaux et et les fonds son toujours aussi magnifiques. On y retourne tous les quatre l'après-midi, à l'ouest du récif. Pascale et Bastien repèrent un banc de calamars, Romain en tire un beau. L'entrée est assurée pour ce soir. Nous ramenons aussi un petit mérou de plus, et quatre langoustes. Bastien tire sa première, et la rate, trop de précipitation. Pascale aussi tire sa première, mais elle réussit à se dégager de la flèche. Sous une plaque rocheuse plus d'une douzaine de langoustes sont agglutinées, bien cachées. Seules les petites sont accessibles, les grandes se cachent derrière, on ne fait que les observer.
Encore de la langouste au repas ce soir, en plus des brochettes de poisson.

1/05
Une dernière plongée avec Romain nous permet de ramener un calamar (il se cachait sous la coque d'Imagine, juste sous l'hélice du moteur tribord!), deux lippus et une carangue. Pas de langouste aujourd'hui!

Nous quittons ce mouillage pour celui voisin de Cayo Herradura que les touristes ont maintenant abandonné pour retourner au travail. Herradura signifie "fer à cheval" en espagnol, et nous sommes effectivement dans un lagon semi-circulaire aux eaux claires et peu profondes, bordé d'une belle plage blanche. Les pêcheurs ont érigé quelques cabanes sommaires à l'extrémité nord, nous posons l'ancre au sud, à côté d'une langue de sable où se rencontrent les vagues de l'océan et celles qui ont réussi à contourner l'îlot, dans des gerbes d'écume que regardent nonchalamment les mouettes et les pélicans. Un joli spectacle pour les yeux, et un beau terrain de jeu pour les enfants.

Pascale et les oiseaux sur la langue de sable

2/05
Nous gagnons la plage à la nage avec Pascale pour une promenade sur la langue de sable. La Casa Delmarre rejoint Imagine au mouillage. Nous allons cherchez notre pitance du jour avec Patrick et Romain, mais ne ramenons que des gorettes grises, réputées sans intérêt mais finalement assez bonnes à la poêle. Nous rentrons bredouilles de la plongée de l'après-midi (ça arrive quand on devient difficile), mais nous passons un bon moment entourés de nombreux barracudas sur des fonds splendides.

3/05
Nouvelle promenade sur la plage avec Pascale, du côté des pêcheurs. Leurs baraques en planches sont vraiment délabrées et dénuées de tout confort, démunis de toute ressource, pourtant ils vivent là plusieurs mois avant de rentrer chez eux à Margarita. Contraste saisissant, plusieurs petites chapelles abritant la Vierge Marie sont disposées autour des cabanes, elles sont peintes de couleurs vives, fleuries, et des bougies brûlent à l'abri du vent. C'est la seule protection dont les pêcheurs disposent ici! Un petit cimetière a été improvisé sous un tas de corail mort, il y a plusieurs croix. Au fond, le phare rouge et blanc fait comme une tâche dans ce paysage.
Nous discutons avec les pêcheurs, et demandons des nouvelles de celui que Pascale avait soigné à Palanquinos il y a trois semaines. Il est en mer ce matin, mais il nous rend visite après le déjeuner, avec deux de ses collègues, ils ont tous trois besoins de soins. La blessure à la jambe est refermée et guérie mais d'autres escarres se creusent. Il cherchent aussi des antibiotiques pour une infection urinaire et une infection pulmonaire. Pascale leur donne de quoi prendre un traitement de cinq jours en leur recommandant d'aller voir les garde-côtes stationnés à une dizaine de milles d'ici.
La plongée de l'après-midi nous fournit assez pour une soirée brochette et rougail sur La Casa Delmarre: aucune langouste, mais des pagres à volonté. Nous constatons avec surprise qu'ils ont presque tous un énorme parasite (de la taille d'une phalange de pouce) sur la langue. Peut-être des amphypodes? Ça ne nous empêche pas de nous régaler.


Une cabane de pêcheur

Une chapelle pour prier dans la cabane

4/05
Je plonge avec Bastien, et Romain. On va un peu plus loin sur la côte au vent, par l'est. Les fonds sont agités, le sable soulevé par la houle dégrade la visibilité. Un banc de gros barracudas nous tourne autour et quelques uns s'approchent vraiment trop près. Romain a juste le temps de débusquer un trou avec deux langoustes, dont une brésilienne de taille acceptable, avant qu'on ne remouille le grappin un peu plus loin. Mais c'est maintenant plusieurs dizaines de barracudas qui nagent en cercle autour de nous, tous plus curieux les uns que les autres. On se dit que si l'un d'entre eux décide de se jeter sur nos poissons, ça risque de chauffer pour nous! On repart un peu plus près des récifs. Les barracudas sont toujours là mais semblent moins agressifs. On tire un chinchard par personne, pour goûter (c'est très bon finalement), et on va remouiller l'annexe à l'intérieur de la barrière, entre la plage et les récifs pour être plus tranquille. C'est là que Romain trouve plusieurs autres langoustes. Il a tout pêché tout seul aujourd'hui, y compris un calamar!

5/05
Le temps est de plus en plus souvent maussade, avec des grains surtout le matin. On approche de la saison des pluies. C'est notre dernier jour à Tortuga, nous avons décidé qu'il était temps d'avancer et d'aller visiter Los Roques, un archipel très préservé sur notre route plus à l'ouest. Tout le monde s'affaire pour gratter les coques d'Imagine, même Bastien. Après la sieste, nous allons jouer une dernière fois dans l'écume des vagues sur la langue de sable: le gagnant est celui qui anticipe correctement le moment et l'endroit où deux vagues vont s'entrechoquer pour se retrouver pile au milieu de la gerbe d'eau.
Nous quittons Cayo Herradura à 18h15 en direction de cet archipel qui nous fait rêver depuis si longtemps, Los Roques, en espérant qu'il tiendra ses promesses ....

A suivre...

Les photos de Tortuga y Puerto La Cruz