"2677 miles
des Bahamas aux Açores", par Pascal
Le
Journal de Bord
Le Carnet
de Romain
Bastien
Raconte
La
Carte de la Traversée
Les
Photos de la Traversée
Les
Photos du Cyclone Potentiel
Bahamas - Bermudes - du 19
au 26 Mai, 922 miles en 7 jours
Mercredi 19 Mai, le jour du départ de
Marsh Harbour
Tout est prêt sur Kadavu et Imagine, ou presque: il
reste à ranger les annexes. Ce serait vite fait, si la serrure
de l'antivol du moteur, qui n'a pas été actionnée
depuis le mois de Décembre, n'était pas complètement
grippée. Même mon dégrippant miracle et ma patience
n'en viendront pas à bout. Après une heure d'effort, je
teste ma pince à couper les haubans (des câbles en acier
toronné de 12mm). Je suis content de voir qu'elle est efficace,
je détruis l'antivol en 30 secondes. Kadavu a eu le même
problème, nous ne partons finalement qu'à 13 heures, après
le déjeuner.
Le prochain way point est à 2410 miles, c'est l'île de Flores
aux Açores. Sauf impératif technique, nous ne prévoyons
pas de nous arrêter aux Bermudes, même si c'est sur la route.
Nous ne ferons que traverser le fameux triangle, objet de toutes les légendes,
et si l'on n'y disparaît pas, nous préférons passer
plus de temps aux Açores.
La météo n'est pas aussi idéale que l'on pourrait
le souhaiter, mais on ne peut pas traîner beaucoup plus longtemps
ici, si l'on veut être à la maison fin Juillet. Et puis la
saison "officielle" des cyclones démarre le 1er Juin,
et même si la probabilité d'un cyclone en Juin est extrêmement
faible, l'assurance ne couvre plus le bateau à partir de cette
date. C'est donc résignés que nous partons après
le déjeuner, en direction de la passe de Man-O-War.
Nous regardons une dernière fois avec
émotion toutes ces belles couleurs bleues et vertes, et puis
c'est l'Océan devant nous. La mer est agitée mais
se calme au fil des heures. Le vent ne veut pas nous laisser partir,
il nous souffle dans le nez, et avec mauvaise volonté nous
oblige à faire un cap très nord (16°) alors que
la route directe est voisine de 60°. De toutes façons,
il est prévu que ce vent faiblisse, il y a une grosse dorsale
anticyclonique (une zone sans vent au milieu) en travers de notre
route un peu plus haut dans le nord, il faudra la traverser au moteur
avant de trouver de quoi avancer à la voile et tourner vers
l'est. |
Le départ de Marsh Harbour |
Petite curiosité du jour, on nous a annoncé
le décollage d'une fusée américaine Atlas de Cap
Canaveral, distant de 400km, et sa trajectoire devrait croiser notre route
(normalement pas à la même altitude!). Nous scrutons le ciel
mais rien ne se passe, et nous ne verrons rien, dommage.
Jeudi 20 Mai, 2ème jour
Position à 8h UTC: 28°31N, 75°56W
Vitesse moyenne: 6 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 138, miles restants sur la route
directe: 2297
Au matin, Kadavu a presque disparu à l'horizon devant nous.
Nous avons du mal à aller à la même vitesse, malgré
tous nos efforts de réglage. C'est pourtant le même bateau,
mais nos coques sont moins propres, et nous découvrirons plus tard
aux Açores que nos deux safrans n'étaient pas correctement
alignés! Ça suffit pour créer un écart de
plusieurs miles par jour. Le vent mollit comme prévu en début
d'après-midi. Avec le gennaker bordé à bloc, on avance
encore à 6-7 noeuds à 50 degrés du vent apparent.
Mais dans la nuit, il faut capituler: le vent nous a quitté, on
allume un moteur à minuit.
Vendredi 21 Mai, 3ème jour
Position à 8h UTC: 30°12N, 74°59W
miles parcourus depuis 24h: 114, dont 90 sur la route directe
Vitesse moyenne: 4,75 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 252, miles restants sur la route
directe: 2207
Pas terrible la moyenne! C'est toujours la pétole au matin.
La mer est lisse, d'un bleu profond, et ondule soyeusement.
On voit de nombreuses
sargasses, c'est normal, cette partie de l'Océan s'appelle
la Mer des Sargasses, du nom de ces algues flottantes qui s'agglutinent
entre elles et dérivent au gré des courants. On observe
aussi de curieuses crêtes rigides et translucides qui flottent
à la surface, comme des voiles de bateaux miniatures poussées
par les vents. Ce sont des physalies, ou "man-o-war jellyfish",
méduse soldat en anglais, appelées ainsi en raison
de leur forme caractéristique rappelant un casque militaire.
Leurs filaments venimeux infligent parait-il de redoutables brûlures
si on les touche. |
Les sargasses |
Tout le monde est en forme avec
ce beau temps calme. On est parfois bord à bord à
quelques mètres de Kadavu, si bien qu'on peut se parler comme
deux voisins de palier. La mer est un gigantesque miroir bleu dans
lequel tout se reflète, on peut voir le monde à l'envers:
les bateaux, les voiles, les nuages. On passe le temps à
faire des photos de ce paysage si irréel. Le matin, nous
apercevons deux ailerons, sans doute des baleines, puis le sillage
de deux gros poissons qui nagent juste sous la surface, à
fleur d'air. Dans l'après-midi, ce sont des dauphins tachetés,
puis vers 18 heures une baleine à bosse qui souffle et nage
quelques minutes devant nous. Il y a comme ça des journées
enchantées ... |
Imagine sur le miroir des Sargasses |
Samedi 22 Mai, 4ème jour
Position à 8h UTC: 31°27N, 73°55W
miles parcourus depuis 24h: 112, dont 75 sur la route directe
Vitesse moyenne: 4,7 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 463, miles restants sur la route
directe: 2050
Après une nuit au moteur, nous envoyons le gennaker pour avancer
un peu sous voile, ce qui nous oblige à monter plein nord. Tans
pis pour la route directe! Le vent adonnera un peu plus tard dans la journée,
signe que nous avons traversé la dorsale et que nous allons bientôt
pouvoir mettre le cap sur les Açores.
Une touche à la canne à pêche, ce n'est plus si fréquent:
le fil part 30 secondes, je vois un aileron qui semble être de requin,
puis plus rien. Toujours bredouille pour cette traversée! Les enfants
jouent aux legos et regardent un DVD, nous lisons et nous occupons du
bateau. Nous surveillons aussi beaucoup la mer. Pascale aperçoit
un souffle dans l'après-midi. C'est un petit groupe de cachalots
qui croise notre route. Malgré la distance, on les voit bien nager
et souffler vers l'avant. Leur corps est énorme, on distingue parfaitement
le petit aileron dorsal très reculé. Une belle queue émerge
et tape l'eau avant un plongeon.
A 20h, comme tous les soirs, nous discutons par radio BLU avec Frank,
du voilier américain Solo: météo, échanges
de positions, route suivie, moral de l'équipage, etc...
Dimanche 23 Mai, 5ème jour
Position à 8h UTC: 33°05N, 73°09W
miles parcourus depuis 24h: 114, dont 90 sur la route directe
Vitesse moyenne: 4,75 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 252, miles restants sur la route
directe: 2207
Aujourd'hui on peut enfin prendre le virage
vers l'est, progressivement. Le matin à 7 heures, notre cap
est encore de 30°, mais à 21h, nous visons plein est,
à 90°. C'est bon pour le moral quand les miles qui défilent
rapprochent directement de l'objectif. Kadavu a définitivement
disparu derrière l'horizon, nous resterons en contact par
BLU. Nous envoyons notre beau spi pour la journée, il n'avait
plus servi depuis la traversée aller. Mais nous n'allons
pas aussi vite qu'on l'aurait pensé. On renvoie le gennaker
et la grand voile le soir. Rien au bout de la canne, ni aucune baleine
vue aujourd'hui. |
Un paille-en-queue s'intéresse à notre gennaker |
Lundi 24 Mai, 6ème jour
Position à 8h UTC: 33°15N, 70°23W
miles parcourus depuis 24h: 145, dont 133 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6,0 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 608, miles restants sur la route
directe: 1917
A 7 heures du matin, je reçois les fichiers météo
français par email. Ils laissent espérer une bonne météo
pour les jours à venir, à condition de se faufiler entre
deux dépressions à venir plus au nord. Puis, comme tous
les matins, je capte par radio les fax météo du centre de
prévision tropical de Miami.
Et là, c'est le choc! La grosse décharge d'adrénaline,
je reste incrédule et abasourdi devant ce qui s'affiche sur
l'écran de l'ordinateur: "POSSIBLE TROPICAL CYCLONE".
C'est incroyable, la saison officielle des cyclones ne commence
que le 1er Juin, dans une semaine, et la probabilité de cyclone
est extrêmement faible de toutes façons en début
de période. Alors pourquoi nous faire ça à
nous !? |
Une carte de prévision de Miami avertissant d'un
"Possible Tropical Cyclone" sur le chemin d'Imagine |
En plus, celui-là a semble-t-il choisi sa route
tout exprès pour nous, en fait il vient nous voir, droit sur le
point que nous visons pour dans trois jours. Je mets bien une heure à
digérer l'information, à me convaincre que c'est vrai et
qu'il va falloir faire quelque chose, quelque chose de sensé si
possible. Le problème d'un cyclone est que sa trajectoire et sa
rapidité de déplacement peut devenir assez imprévisible,
il serait donc hasardeux de prévoir notre route en fonction de
la sienne. Autre problème: il n'y a pas d'abri immédiatement
accessible. Les Etats-Unis sont à 250 miles au nord-ouest, les
Bermudes à 350 à l'est, légèrement plus sud
que notre position actuelle. Le cyclone, si il se déclenche, peut
tout aussi bien aller dans ces deux directions. Aller plus au nord vers
Terre-Neuve? Les cyclones n'aiment pas les eaux froides, on en serait
peut-être quitte pour seulement une tempête. Et en fait, y-a-t-il
vraiment un risque? Car pour l'instant, il ne s'agit que d'une dépression
qui présente certes beaucoup des caractéristiques d'un cyclone,
mais qui n'en est pas encore un, et n'en sera peut-être jamais,
elle ne fait que menacer. Alors, faire l'autruche, mettre la tête
dans l'eau en espérant qu'il ne se passe rien? Pas très
sérieux, il vaut mieux prévoir le pire et espérer
le meilleur. Toute la journée, je consulte toutes les cartes météo
possibles (vive la BLU!), j'écoute des routeurs météo
(Herb en particulier). Dans l'après-midi, les prévisions
évoluent, et nous disent que ce cyclone potentiel va nous atteindre
dans 48 heures. Les avis son partagés: certains pensent que la
température de l'eau de mer est trop froide pour permettre la formation
du cyclone, et que cette dépression va s'évacuer plus loin
à l'est. Le centre de Miami persiste, carte après carte,
et les photos satellites montrent un système en formation qui ne
donne pas envie d'être en dessous. Nous prenons la décision
d'aller nous abriter aux Bermudes, en espérant y arriver avant
lui, ou qu'il parte vraiment plus à l'est, car sinon ça
reviendrait à aller se jeter dans la gueule du loup. Si les prévisions
ne changent pas en notre défaveur, on devrait arriver une dizaine
d'heure avant la zone vraiment dangereuse. Alors cap sur les Bermudes,
aussi vite que le vent pour l'instant modéré nous le permet,
sous grand voile et gennaker à 7,5 noeuds. Vers 17 heures, un groupe
de cétacés vient nous distraire de nos angoisses, sans doute
des faux orques ou de gros globicéphales. A 18h, on arrive enfin
à joindre Kadavu sur la BLU. Ils prennent la même décision
et mettent le cap sur les Bermudes, qui ne sont plus maintenant qu'à
240 miles. Vers minuit, un oiseau affolé vient se réfugier
à l'intérieur dans le carré par la porte laissée
ouverte, et vomit un peu partout. Ça sent bon le poisson décomposé,
voire l'huile de foie de morue avariée. Mauvais présage?
en tous cas l'odeur est tenace, il nous faudra plusieurs nettoyages pour
la faire disparaître.
Mardi 25 Mai, 7ème jour
Position à 8h UTC: 32°54N, 66°46W
miles parcourus depuis 24h: 160, dont 135 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6,7 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 792, miles restants sur la route
directe: 1757
Les prévisions de la nuit et du matin confirment le risque
de cyclone, qui se rapproche même un peu plus des Bermudes. Il faut
foncer, nous en sommes encore à 140 miles. On ravitaille en vol,
c'est à dire qu'on remplit les réservoirs de gasoil avec
nos jerricans de réserve, ce qui nous permet d'aider le vent toujours
faible avec les deux moteurs. Un courant favorable nous donne environ
1,5 noeud de vitesse supplémentaire.
En fin de matinée, on croise à quelques dizaines de mètres
du bateau le cadavre blanchâtre d'une baleine, que des oiseaux survolent.
Il n'aurait plus manqué qu'une collision!
L'après-midi, la mer enfle, le ciel s'obscurcit, le courant nous
abandonne progressivement. Dans la nuit, le vent refuse carrément
et augmente à 20, puis 25 noeuds, et l'on se retrouve face à
la houle. Les prévisions météo sont assez contradictoires:
d'après le Tropical Prevision Center de Miami, nous sommes en plein
dans la zone où le cyclone peut se former, et ça fout la
trouille! Les photos satellites ne sont pas plus rassurantes, on voit
bien le système météo s'enrouler sur lui-même,
et on voit bien qu'il nous fonce dessus. La météo locale
des Bermudes, ainsi que Herb, le routeur par BLU, sont plus rassurants:
ce serait une simple dépression tropicale, incapable d'évoluer
en cyclone à cause de la mer trop froide. De plus, un cyclone doit
se déplacer lentement pour puiser sa force dans l'océan.
Or, cette dépression arrive vraiment très vite, ce qui d'un
côté est rassurant donc, bien qu'on se la prenne en plein
dessus...
Toutes ces hypothèses tournent en boucle dans nos
têtes toute la nuit pendant que nous tentons de dormir. Impossible,
malgré l'énorme fatigue: c'est trop l'angoisse, et
on est aussi très secoué par la mer. Pascale est malade,
migraine plus mal de mer, heureusement les enfants ont réussi
à s'endormir dans leur cabine. Nous restons allongés
dans le carré, attendant le jour, et surveillant la chute
du baromètre: de 1015 hPa en soirée, il baisse jusqu'à
1007 hPa au matin. |
Dans la nuit du 25 Mai, en route sur les Bermudes... et sur le "potential
cyclone" |
Mercredi 26 Mai, 8ème jour, arrivée
aux Bermudes
miles parcourus depuis le départ: 922, miles restants sur la route
directe: 1672
Le vent passe progressivement au nord avant le jour, signe
que la dépression se rapproche dans notre sud-est. Il passe
de 25 à 30 noeuds, avec des rafales à 35 noeuds. Au
petit jour, la mer est grosse, de face, mais on avance bien, à
7-8 noeuds. Nous sommes de nouveau bord à bord avec Kadavu,
et nous plaisantons par radio histoire d'oublier tout ça.
Je contacte un météorologue des Bermudes par VHF,
il est catégorique: le cyclone n'aura pas lieu, la dépression
est déjà en train de se dissiper vers l'est, et la
mer est trop froide de toutes façons. Celui-là on
l'aime! Le moral remonte en flèche, malgré la navigation
agitée. |
Le 26/05, la météo de Miami indique la zone à
risque
de cyclone. Bingo! Nous sommes dedans ... |
Finalement on se présente à l'entrée
de la passe de Town Cut à 13 heures, et on va mouiller devant la
douane dans le lagon de Saint-George, capitale des Bermudes. La dépression
s'est effectivement dissipée plus à l'est, des bateaux moins
chanceux ont enduré des vents de 50 noeuds pendant deux jours.
Quant à nous, c'est devant un bon hamburger au restaurant que nous
fêtons les retrouvailles au port, avec Oscar, arrivé le soir
en route directe de Nassau.
Les
photos satellite du "Possible Tropical Cyclone"
(le carré vert, c'est les Bermudes, la flèche c'est Imagine)
Du 26 au 28 Mai, 48 heures
aux Bermudes
La journée suivante est consacrée
aux papiers d'entrée (les douaniers sont en bermuda et chaussettes!),
aux courses, à la vidange des moteurs, au ravitaillement
en gasoil avec les jerricans, à la mise à jour du
site, et à une brève promenade dans les rues de Saint-George.
Un peu marathon comme programme. On avait pensé profiter
de cette escale forcée pour visiter l'archipel, mais finalement
cette grosse dépression entraîne derrière elle
un flux d'ouest qui parait idéal pour continuer sur les Açores.
Un tel créneau risque de ne pas se représenter de
si tôt. Nous nous préparons donc déjà
au départ pour le lendemain. Oscar fait encore plus fort:
il lève l'ancre à 21h, le lendemain de son arrivée.
|
La place de la mairie à Saint-George
|
Nous n'aurons pas vu grand chose des Bermudes, ça
avait l'air intéressant, encore un endroit où il faudra
revenir!
Bermudes - Açores,
du 28 Mai au 8 Juin, 1755 miles en 10 jours 16 heures
Vendredi 28 Mai, départ des Bermudes
A 17 heures, nous appelons Bermuda Harbour Radio, les autorités
maritimes des Bermudes qui surveillent tout le trafic autour de l'archipel,
pour leur signaler que nous appareillons vers les Açores, comme
le veut la procédure ici. Ils nous souhaitent bon voyage et espèrent
que notre séjour a été agréable. Elles sont
bien élevées les autorités aux Bermudes! Kadavu part
avec nous. Des bateaux français au mouillage saluent notre départ
d'un coup de corne de brume.
Moins d'une heure plus tard, nous sommes sortis du lagon, et une joyeuse
bande de tursiops nous souhaite également bon voyage en faisant
des bonds spectaculaires autour du bateau. Le vent est soutenu, mais derrière,
ainsi que la houle, c'est donc un départ assez confortable, sous
deux ris dans la grand voile. Nous avons d'ailleurs choisi une route plein
est pour les jours qui viennent, pour rester au sud d'un petit train de
dépressions. Ça va rallonger la route, mais on devrait se
faire moins secouer.
Samedi 29 Mai, 2ème jour
Position à 12h UTC: 32°14N, 62°35W
Vitesse moyenne: 6,8 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 106, miles restants sur la route
directe: 1579
Le vent faiblit progressivement de 20-25 noeuds à 15-20 noeuds,
mais toujours de sud-ouest. C'est une journée d'amarinage pour
tout le monde, on grignote, on joue, on dort ... En fin de journée,
il faudrait lâcher au moins un ris, mais une grosse flemme et la
petite forme de l'équipage nous fait renoncer, la nuit est donc
plutôt lente pour Imagine. Rien à signaler, si ce n'est la
forte humidité et le froid qui s'installe, déjà.
Dimanche 30 Mai, 3ème jour
Position à 12h UTC: 32°14N, 59°27W
miles parcourus depuis 24h: 161, dont 145 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6,7 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 267, miles restants sur la route
directe: 1434
Plein d'énergie au matin, je lâche le ris et envoie
même le gennaker. On avance tout de suite mieux, entre 8 et 10 noeuds,
avec de gentils surfs à 11-12 noeuds, et de moins gentils à
plus de 14 noeuds. Le vent du sud-ouest nous porte toujours. A 16 heures,
je roule le gennaker pour être tranquille pendant ma sieste. Le
temps est gris et humide, la mer agitée. Pascale n'est pas bien,
toujours la migraine et le mal de mer. Les communications avec Kadavu
se font par BLU, à heure fixe, car ils sont hors de portée
VHF maintenant.
Lundi 31 Mai, 4ème jour
Position à 12h UTC: 32°15N, 56°00W
miles parcourus depuis 24h: 176, dont 158 sur la route directe
Vitesse moyenne: 7,3 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 443, miles restants sur la route
directe: 1276
La nuit est agitée, avec des orages et des rafales à
plus de 30 noeuds. Un front froid nous passe dessus, nous prenons
3 ris pour ne pas avoir à réduire dans les grains à
moitié réveillés. La mer est forte, Pascale est
toujours bien malade. Ce n'est pas une très bonne nuit ...
mais bon, pas de problème, on sait que ça va s'améliorer
quand le front nous aura doublé, il suffit de laisser s'écouler
le temps, patiemment. Au matin, je vais dormir, on lâchera les
ris plus tard... vers 9h le troisième, puis vers 13 heures
le deuxième. Et finalement la mer se calme, le vent tombe,
on est obligé de finir la journée au moteur! |
Passage du front froid ... Ah, on regrette les Bahamas! |
Mardi 1er Juin, 5ème jour
Position à 12h UTC: 32°55N, 53°34W
miles parcourus depuis 24h: 132, dont 129 sur la route directe
Vitesse moyenne: 5,5 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 575, miles restants sur la route
directe: 1147
Première constatation: il fait beau! Ça fait du bien
de voir le soleil, on aère en grand. Mais le vent est toujours
nul, on a passé toute la nuit au moteur. La pétole aidant,
Pascale va beaucoup mieux ce matin. Il faut attendre 17 heures pour qu'un
sud-est se lève. Sous grand voile haute et solent, on file gentiment
à 7 noeuds, pour la première fois sur la route directe des
Açores. La grisaille revient le soir, et le vent retombe. La nuit
sera calme, et lente. Nous n'avons toujours rien pêché depuis
le départ des Bermudes, ni observé d'animaux.
Mercredi 2 Juin, 6ème jour
Position à 12h UTC: 33°59N, 50°56W
miles parcourus depuis 24h: 147, dont 147 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6,1 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 722, miles restants sur la route
directe: 1000
Soleil! Mais froid ... l'eau de
mer est à 16 degrés! On n'est pas habitués
à de tels excès, pour nous c'est un froid polaire.
Dehors, il faut vraiment être au soleil et à l'abri
du vent pour avoir une sensation de chaleur. On renvoie le gennaker.
A midi pile, on passe sous la barre des milles miles restant à
parcourir. Au menu, pizza maison, faite par Bastien.
|
Les Pizzaiolos de service |
Ce soir, on compte les jours, cinq depuis le départ.
Pourtant on a l'impression d'avoir déjà passé une
éternité en mer, sans doute que la pause des Bermudes aura
été trop courte pour casser le rythme, c'est comme si on
ne s'était pas arrêté depuis le départ des
Bahamas.
Romain fait son quart habituel de début de nuit, de 20 heures à
23 heures, voire minuit. Il m'aide à enrouler le gennaker, puis
on empanne car le vent tourne à l'ouest, puis au nord-ouest. Je
renvoie le gennaker vers minuit.
Jeudi 3 Juin, 7ème jour
Position à 12h UTC: 35°12N, 48°06W
miles parcourus depuis 24h: 165, dont 158 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6,9 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 887, miles restants sur la route
directe: 842
Ce matin vers 10 heures TU, on a franchi la moitié de la distance,
soit environ 860 miles. Dans la nuit, le vent a forci et refusé
un peu, on a roulé le gennaker. On croise un ou deux cargos, comme
tous les jours d'ailleurs. Cette route est beaucoup plus fréquentée
que celle de l'aller vers les Antilles, on se sent moins seul, et il faut
faire attention.
Le vent fini par nous abandonner complètement dans la nuit. Le
peu qui reste est de face (nord-est). La mer est désagréable,
houle d'ouest croisée avec les vagues du vent de nord-est. La nuit
est froide, il fait 20° dans le carré, l'eau de mer est à
18°. Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'on va se baigner.
Vendredi 4 Juin, 8ème jour
Position à 12h UTC: 36°07N, 45°48W
miles parcourus depuis 24h: 128, dont 124 sur la route directe
Vitesse moyenne: 5,3 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 1015, miles restants sur la route
directe: 718
Encore 3 cargos croisés
cette nuit, et toujours pas de vent ce matin. Au moins la mer se
calme un peu, et le soleil brille. Nous avançons au moteur
toute la journée. En début d'après-midi, une
quarantaine de dauphins communs viennent rompre la monotonie et
nous distraire un peu. Nous n'avons toujours rien pêché.
Le vent fait mine de revenir vers 22 heures, j'envoie le gennaker,
plein d'espoir ... il faudra encore patienter jusqu'à une
heure du matin pour couper le moteur. |
L'aube, toujours un grand moment |
Samedi 5 Juin, 9ème jour
Position à 12h UTC: 36°48N, 42°58W
miles parcourus depuis 24h: 144, dont 143 sur la route directe
Vitesse moyenne: 6.0 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 1159, miles restants sur la route
directe: 575
Ce samedi est de loin la meilleure journée de cette traversée.
La mer est très peu agitée, le vent de 15-20 noeuds de sud-ouest
nous pousse grand largue entre 8 et 13 noeuds, quasiment sur la route
directe. Le soleil ne capitulera qu'en soirée derrière les
nuages. Depuis quelques jours, on croise (ou on double) des détritus
de toutes sortes qui semblent provenir d'un bateau: poubelles, morceaux
de plastiques, bouée, bidon de tôle apparemment vide, etc
... Une bille de bois de petite taille passe pile entre les deux coques
sans rien toucher.
Pascale va enfin tout à fait bien aujourd'hui, pour la première
fois depuis le départ. Il était temps, on va bientôt
arriver! Nous avons droit à un bon gâteau au citron pour
le goûter.
On roule le gennaker pour la nuit, pour réduire la vitesse et mieux
dormir... mais on avance toujours aussi vite avec le solent, faisant des
surfs entre 14 et 15 noeuds. Je le roule donc lui aussi. Le vent souffle
fort dans la nuit, et nous sommes toujours sous grand voile haute, un
peu surtoilés pour une fois. Heureusement que le vent vient de
derrière, car nous verrons l'anémomètre afficher
des pointes de 25 à 30 noeuds de vent apparent! Ça ne donne
pas envie de se mettre face au vent pour prendre un ris. Nous passerons
donc la nuit surtoilés, à 10 noeuds de moyenne, avec des
surfs à plus de 15 noeuds. Dormir? La nuit prochaine peut-être!
Dimanche 6 Juin, 10ème jour
Position à 12h UTC: 37°10N, 38°45W
miles parcourus depuis 24h: 208, dont 198 sur la route directe
Vitesse moyenne: 8,7 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 1367, miles restants sur la route
directe: 377
208 miles dans les dernières 24 heures, on avance bien! On a beau
avoir un bateau très rapide, on le mène rarement à
fond, et les journées à plus de 200 miles sont rares. Et
ça continue. Un nouveau front froid nous passe dessus, le vent
bascule au NW et souffle à plus de 20 noeuds. On fonce sur la route
directe, aidés par les vagues qui grossissent toute la journée.
On roule le gennaker en fin d'après-midi, et on prend le premier
ris. Quelques grains passent. A minuit, je fais le point: encore 210 miles
dans les dernières 24 heures, record du voyage. La nuit est encore
très agitée ...
Lundi 7 Juin, 11ème jour
Position à 12h UTC: 38°21N, 34°58W
miles parcourus depuis 24h: 194, dont 193 sur la route directe
Vitesse moyenne: 8,1 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 1561, miles restants sur la route
directe: 184
Notre arrivée est prévue pour le lendemain dans la
journée. Il y a une grosse houle de 3-4 mètres, il fait
froid (mer 16°, air < 20°). Dans ces conditions, on passe
presque tout notre temps à l'intérieur. On commence
à être bien fatigués, et impatients au fur et
à mesure que l'on se rapproche. Encore près de 200 miles
aujourd'hui! Des dauphins communs viennent nous souhaiter bonne nuit
dans un crépuscule grisâtre. On débute la nuit
sous grand voile à un ris et solent, puis sous grand voile
à un ris seul, et finalement on prend le deuxième ris
à 1 heure du matin. |
Harry Potter est décidément partout! |
Mardi 8 Juin, 12ème jour, arrivée
à Flores
Position à 12h UTC: 39°20N, 31°19W
miles parcourus depuis 24h: 182, dont 178 sur la route directe
Vitesse moyenne: 7,6 noeuds
miles parcourus depuis le départ: 1743, miles restants sur la route
directe: 6
Terre! A 8 heures du matin, Flores nous apparaîtà
30 miles droit devant. Le bonheur! La mer est forte, creux de 4
mètres. Encore des dauphins. L'approche de l'île est
très spectaculaire, tout ce vert d'un seul coup, et ces falaises
qui plongent dans la mer, l'odeur de la terre, les oiseaux marins
partout, les grains qui se succèdent, et finalement la digue
qui protège la baie de Lajes das Flores, où nous plantons
l'ancre à 13h15. |
La maman et ses mousses, heureux d'arriver! |
Aussitôt, sans même prendre le temps d'enlever
nos bottes et nos cirés, nous allons à terre manger des
pizzas et boire quelques bières avec Kadavu, arrivé 10 heures
plus tôt, et d'autres bateaux français. La baie est presque
uniquement occupée par des français d'ailleurs, tous revenant
plus ou moins du même périple, certains bouclant leur tour
du monde. Les conversations vont bon train.
Nous rentrons dans l'après-midi et nous couchons
enfin, de bonne heure, épuisés mais heureux de cette belle
navigation à travers l'Atlantique. Ce trajet du retour a finalement
été relativement facile, hormis évidemment la menace
de cyclone dans la première partie. Mais nous avons évité
le gros mauvais temps que l'on peut redouter sur ce parcours, en choisissant
la bonne fenêtre météo, une route prudente, et en
surveillant en permanence l'évolution du temps, grâce à
la BLU et aux fichiers météo reçus par email. Le
bateau, encore une fois, a été fantastique, et tellement
rassurant quand les conditions se détériorent.. c'est un
gros plus pour la sérénité et le confort de l'équipage.
Je sombre dans un sommeil béat, en pensant à tous ces miles.
Je les regrette déjà ...
A suivre ...
La
carte du parcours
Les
photos de la traversée
Retour au sommaire
Le Carnet de Romain |
On s'en retourne ... Sniff ! ...
Eh oui! Après cinq mois de joie et de bonheur passés
aux Antilles et aux Bahamas dans de splendides mouillages de rêve,
il faut penser à s'en aller! Sniff!... On aurait bien aimé
rester là-bas pour toujours ... Malheureusement, le temps
est compté: nous n'avons qu'une année! ... Nous
faisons donc le plein et partons avec Kadavu le 19 Mai après-midi
pour Flores aux Açores. La traversée commence tranquillement
avec un temps pétoleux. Le troisième jour, alors
que nous regardions les reflets d'Imagine et de Kadavu sur la
mer d'huile, nous voyons Papa et moi, plusieurs dos de baleines!
Vite nous mettons les gaz et allons sur les lieux. RIEN! ... Si,
le sillage de deux poissons nageant en surface mais pas trace
de cétacés! Bizarre! Plus tard, nous croisons des
dauphins qui faisaient de beaux sauts et, sur le soir, Kadavu
nous appelle par VHF: Baleines! Nous fonçons sur eux. En
effet, une baleine à bosse nageait autour de Kadavu. Grandiose!
Elle avait plein de coquillages collés sur sa tête!
Nous l'observons une demi-heure puis elle disparait sous l'eau
et nous ne la voyons plus. Ma première baleine à
bosse et la deuxième baleine de ma vie!
Le lendemain, le fil de la canne partit. Juste trente secondes:
une touche, puis le poisson mordit vraiment en déroulant
pas mal de fil, ce qui nous laissa supposer que c'était
un gros poisson. Puis Papa vit un aileron sortir de l'eau. Un
requin! Ou plutôt c'est ce que nous avons supposé
puisque nous n'avions pas de preuves formelles. Nous n'en n'aurons
d'ailleurs pas car 30 secondes après, il s'est décroché.
Plus tard dans la journée le mot Baleine résonna
de nouveau sur Imagine. C'était Maman qui le prononçait
car nous croisions un ou plusieurs cachalots, difficile à
définir, mais nous voyons surtout un gros mâle qui
nous faisait son gros dos et soufflait souvent. A la fin il sonda
et nous montra la queue majestueuse! Magnifique!
Le surlendemain, Papa regarda la météo et vit un
avis de cyclone! Enfin un "Possible Tropical Cyclone",
et qui suivait notre route! Bon, Papa vous racontera mieux que
moi, donc nous nous réfugions avec Kadavu aux Bermudes
où nous ne restons que deux jours car heureusement le cyclone
n'aura pas lieu. Ouf!
Nous partons des Bermudes le 28 toujours avec Kadavu et voyons
des dauphins juste après la sortie. Nous faisons la traversée
Bermudes-Açores sans incidents à part des dauphins
que nous voyons presque quotidiennement. En tout, nous avons mis
17 jours pour faire la retraversée de l'Atlantique: 7 jours
des Bahamas aux Bermudes, et 10 jours des Bermudes aux Açores.
Quelle retraversée! N'empêche que je suis toujours
partant pour repartir!.
|
Retour au sommaire
Bastien Raconte |
Une super traversée
retour
Nous quittons les Bahamas avec regret et Kadavu pour les Açores,
en faisant peut-être un stop aux Bermudes. Le départ
était assez agité à cause des vagues qui
se formaient quand ça descendait à pic. Il devait
y avoir une fusée entre 5h et 8h, mais cette fusée
nous ne l'avons pas vue. Le lendemain il faisait pétole,
et nous n'avons rien pêché. Mais le surlendemain
par contre ... Papa et Maman se dirigent vers Kadavu car ils ont
cru entendre Geoffroy crier "Baleine". Nous aussi cette
baleine nous la voyons, et Kadavu, qui la voyait de très
près nous dit que c'est une baleine à bosse. Nous
la regardons une demi-heure, et après nous ne la voyons
plus.
Le lendemain, une touche, dzzzzzz .... nous sortons tous et Papa
nous dit qu'il a vu un aileron assez arrondi, mais malheureusement
cet animal à aileron se décroche. Nous identifions
l'aileron et nous pensons qu'il pouvait s'agir d'un requin. Et
l'après-midi Kadavu nous avait lâché, malheureusement,
car Maman crie "Baleine". Nous sortons tous, et c'était
vrai. A un mile ou deux, un cachalot mâle soufflait et nous
montrait son dos. Et puis le truc final, il sonda en nous montrant
sa queue.
Le surlendemain, Papa regardait la météo: Possible
Tropical Cyclone qui se dirigeait droit sur nous. Nous en parlons
avec la BLU à Kadavu et nous décidons de faire un
stop aux Bermudes. Les Bermudes c'était assez génial
car on pouvait jouer avec les enfants de Kadavu sur une place
juste à côté du débarcadère
des annexes.
Deux jours plus tard, nous partons des Bermudes. Le soir nous
voyons des dauphins et nous n'en reverrons plus jusqu'aux Açores.
Pendant la traversée nous faisons une bonne pizza, un gâteau
au citron, des crêpes, du pop corn, un flan, etc... Nous
arrivons à Flores où nous retrouvons Kadavu. Mimosa
et Zed arriveront plus tard.
|
Retour au sommaire
|