Imagine à Nouméa - Juin 2009


Premier séjour aux Îles Loyautés, et retour à Nouméa


Fin de vacances à Lifou
Nous étions encore en vacances début juin, de retour du Vanuatu. Comme à l'aller le Pacifique ne nous a pas fait de cadeaux, le vent fort de sud et le courant se sont ligués pour nous écarter de la route directe vers la passe de la Havannah (l'accès au lagon vers Nouméa). Après une mauvaise nuit, pendant laquelle le solent se déchirait peu à peu en plusieurs endroits, l'équipage fatigué s'accordait une escale à Lifou qui se profilait devant les étraves, le temps de réparer sommairement la voile et de laisser passer le mauvais temps.
Lifou c'est l'île principale des Loyautés, cet archipel de Nouvelle-Calédonie qui s'étend parallèlement à la côte nord de la grande terre, et qui comprend aussi les îles d'Ouvéa, et de Maré. Après quelques derniers bords de pré laborieux, nous mouillons enfin à l'abri devant la tribu de Drueulu. Nous sommes seuls dans cette baie magnifique, posés dans deux mètres d'eau sur un sable blanc, tout près de du rivage bordé d'une longue cocoteraie qui abrite le village.
Sans tarder nous débarquons pour aller "faire la coutume" avec le chef de la tribu. Dans toutes les civilisations du monde, on a une attention, un geste lorsqu'on arrive chez quelqu'un. Chez les kanak ça s'appelle faire la coutume: on offre traditionnellement un manou (un morceau d'étoffe colorée), un billet de 500 ou 1000 francs, ou tout autre présent plus personnel. Ce geste coutumier est resté en usage en Nouvelle-Calédonie lorsqu'on visite une tribu, et il se pratique également entre kanak. Nous respectons cet usage et parcourons donc le village à la recherche du petit chef. Celui-ci est absent, mais nous trouvons sa femme assise à l'intérieur d'une belle case traditionnelle, qui nous invite à entrer. Nous baissons la tête en passant sous le chambranle (disposé assez bas à dessein pour obliger les visiteurs à s'incliner), et nous nous asseyons en tailleur sur une natte de pandanus, puis nous offrons notre présent.
Tout en bavardant, nous admirons cette habitation ancestrale de forme ronde et au toit conique très pentu, construite entièrement en bois, palme, et paille, qui est toujours aujourd'hui l'habitat de prédilection kanak grâce à ses nombreux avantages: construction simple et écologique (matériaux végétaux récoltés dans l'environnement immédiat), résistance aux intempéries (cyclones, pluies torrentielles), isolation thermique, convivialité, ... Nous visitons ensuite un petit bâtiment rectangulaire en béton au toit de tôle ondulée, jouxtant la case, utilisé comme cuisine et salle à manger. Pour chaque famille, ces constructions en dur avoisinent et complètent les cases traditionnelles, chaque bâtiment ayant une fonction séparée, couchage, cuisine, repas, stockage, etc. Le village est donc un curieux mariage de tradition et de béton, dispersé sous les cocotiers. Dans cette cuisine, on nous offre gentiment moult tartines de pain kanak et de confiture, et du thé. Comme nous sommes gourmands et polis, on ne peut pas refuser! Nous apprécions la simplicité et la gentillesse de cet accueil, c'est finalement la première fois depuis que nous sommes en Nouvelle-Calédonie que nous sortons de Nouméa pour visiter une tribu, nous ne connaissions pas encore autre chose que l'ambiance peu mélanésienne de la capitale où l'on a rarement l'occasion d'être invité dans une famille kanak.
Quand nous rentrons au bateau à la nuit tombante, Imagine n'est plus seul. Un deuxième Outremer mouille dans la baie derrière lui, c'est "Cheval" qui parcourt le Pacifique depuis plusieurs années avec à son bord une famille anglaise. Nous ferons connaissance le lendemain.
L'eau très claire de la baie nous incite à la plongée, c'est l'occasion d'inaugurer nos nouvelles combinaisons d'hiver qui nous permettent de résister héroïquement à sa température glaciale (22 degrés, ici c'est glacial!). Les quelques pâtés de corail sont très jolis, mais le poisson est rare et petit, le tableau de chasse sera maigre.
Une autre promenade à terre nous permet d'assister au rempaillage d'une des cases du village, scène de la vie ordinaire en tribu, mais étonnant spectacle pour nos yeux profanes. On est immédiatement frappé par l'effervescence régnant sur le chantier. Dans la vie communautaire kanak, la construction d'une case est toujours un ouvrage collectif: tout le village est présent pour rempailler la case de cette famille, c'est un travail d'équipe où chacun s'affaire à une tâche bien précise avec l'efficacité évidente des gestes répétés depuis des générations. Seuls les hommes travaillent à la construction, qui consiste à assembler et ligaturer plusieurs strates de fagots de paille sur l'ossature en bois. Les femmes ont procédé la veille à l'arrachage de la paille (entre 1500 et 2000 bottes suivant les cases) et à son transport jusqu'ici, elles s'occupent aujourd'hui de la cuisine et préparent la fête du soir. Quelques fumets s'échappent de grandes marmites sur lesquelles Romain et Bastien lancent des regards affamés qui n'échappent pas à nos hôtes: on leur offre quelques portions d'igname et de taro frits qui calme un peu leur appétit gourmand. Le propriétaire de la case nous explique le procédé de construction, nous fait visiter l'intérieur où d'autres équipes coordonnent leurs efforts avec ceux qui disposent les fagots sur le toit. On ne soupçonnait pas la somme d'intelligence, de savoir-faire, et de symbolisme aussi, associé à chaque détail de cette architecture ancestrale.
L'observation de ce chantier communautaire plein de vie est enthousiasmante, je me plais à imaginer la même scène en France: tous les gens d'un village construisant en une journée la maison d'un de ses habitants, et festoyant le soir en chantant ...
Le temps d'aller faire un tour dans le village, de dire au revoir à la femme du petit chef, d'acheter un "pain-marmite" sur la route à la voiture du boulanger (un gros pain kanak cuit à la marmite), quand nous revenons le rempaillage de la case est quasiment terminé: il ne reste plus qu'à fixer la coiffe au sommet du toit. Il est l'heure pour nous de rentrer au bateau et de quitter Lifou pour une traversée de nuit vers la grande terre, à petite vitesse pour économiser notre solent consolidé provisoirement avec du scotch gris. Alors que nous allons lever l'ancre, un pêcheur qui rentre de sa journée en mer avec sa famille nous aborde pour faire connaissance, et nous invite à rester pour aller pêcher ensemble. Ça sera pour les prochaines vacances! Encore un contact chaleureux qui donne envie de revenir ...

 

Activités scolaires et extra-scolaires
Après ces quinze jours de vacances, les enfants ont repris le chemin de l'école pour démarrer le deuxième trimestre, important notamment pour Romain, avec le passage du bac blanc de français et du TPE. Romain s'est blessé au genou pendant le cours de sport en faisant du "pentabond", sport qui comme son nom l'indique consiste à enchaîner cinq bonds successifs! Génial! Début juillet, il doit passer une IRM du genou pour vérifier si le ménisque a été touché ou non. Depuis, il est évidemment dispensé de sport mais n'a plus mal depuis quelques jours, tant mieux.
Quant à Bastien, rien de particulier si ce n'est le cross du collège auquel il a participé avec les 650 élèves de l'établissement. Le temps d'hiver couvert et frais était le bienvenu ce jour-là car le parcours de 2,5km n'était qu'une succession de montées et descentes relativement difficiles.



Les élections en Nouvelle-Calédonie
Les élections provinciales qui se sont déroulées en mai ont donné lieu à d'autres élections, celles du congrès puis du gouvernement de Nouvelle Calédonie. Les listes indépendantistes sont arrivées en tête du scrutin pour la Province Nord et les Îles Loyauté, Paul Néaoutyine (FLNKS-UNI-Palika) a été réélu à la présidence de la Province Nord et Néko Hnepeune (FLNKS-UC) a également été réélu à la présidence des Îles Loyauté. Concernant la province sud, la plus peuplée, les listes non-indépendantistes sont arrivées en tête du scrutin, et Pierre Frogier député UMP et ancien président du congrès a été élu à la présidence de la province Sud.
Le camp loyaliste (terme communément utilisé pour anti-indépendantiste), parti en ordre dispersé lors des élections provinciales du 10 mai dernier, a joué la carte du rassemblement pour les élections au Congrès (31 membres loyalistes et 23 indépendantistes) et au gouvernement. Le nouveau gouvernement de Nouvelle-Calédonie (11 membres) a été élu par les représentants au Congrès. Le camp loyaliste a emporté la majorité, et a obtenu sept membres à la proportionnelle. Le camp indépendantiste, divisé en deux listes, a obtenu trois membres côté FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), et un du côté de l'UNI (Union nationale pour l'indépendance). Les quatre formations loyalistes, le Rassemblement-UMP, Calédonie ensemble, l'Avenir ensemble et le LMD (Le mouvement de la diversité), ont fait liste commune et porté Philippe Gomès à la présidence du gouvernement. Elu à l'unanimité, Philippe Gomès ancien président de la province Sud remplace Harold Martin l'ancien président de Nouvelle-Calédonie, qui lui-même devient président du congrès.
Le nouveau président Philippe Gomès a déclaré donner sa priorité "aux transferts de compétences" et à "la sortie de l'Accord de Nouméa" qui prévoit un référendum d'autodétermination au plus tard en 2018. Concrètement pour nous, "le transfert de compétence" est surtout celui lié à l'enseignement, il est question dès l'année prochaine que le bac soit corrigé intégralement en Nouvelle-Calédonie et non plus seulement l'histoire-géographie comme c'est le cas actuellement. On verra bien pour Romain...



Activités culturelles
Ce mois-ci a été chargé en activités culturelles et musicales, notamment avec la fête de la musique où nous avons apprécié plusieurs concerts de jazz, malgré le froid et la pluie. A l'occasion de "la Semaine des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres", nous avons également assisté à la projection d'une fiction et d'un documentaire sur l'acteur aborigène australien David Gulpilil qui a notamment joué dans "Crocodile Dundee", vraiment intéressant!

Home, le film de Yann-Arthus Bertrand
Après quinze jours passés loin de la civilisation, nous apprenons la diffusion de ce film à la télévision. Quelques jours plus tard, nous assistons à sa projection dans une salle de cinéma municipale "le Rex". Pour mémoire, ce documentaire saisissant sur l'état de la Terre vue du ciel avec des images à couper le souffle, montre la pression que l'Homme fait subir à l'environnement, (l'épuisement des ressources, l’extinction des espèces), et les conséquences que cela entraîne sur le changement climatique (les ravages de la pollution, des usines, du réchauffement climatique). Le film dresse un constat terrible sur l'état de la planète, et n'accorde à l'humanité que dix ans pour se donner les moyens d'inverser la tendance! Heureusement que Yann-Arthus Bertrand termine sur un message d'espoir, en rappelant qu'il est trop tard pour être pessimiste et que certaines initiatives commencent à émerger, car le message hélas réaliste est d'une violence inouïe notamment pour les jeunes. Notre voyage en bateau nous a permis de vivre plus près de la nature, à terre, en mer, de côtoyer des civilisations différentes, et donc de voir, de toucher, d'écouter, de sentir, et de nous enivrer de toutes ses merveilles, mais aussi de nous sentir impuissants, frustrés et déconcertés, en constatant en permanence, les dégâts causés par l'homme "moderne" sur la nature et par conséquence sur lui-même. Romain et Bastien, déjà bien conscients et sensibilisés aux problèmes d'environnement, ont été extrêmement touchés par ce film. C'est vrai que c'est difficilement soutenable pour un enfant ou un adolescent de réaliser dans quel état est la planète, d'entendre qu'il ne reste que 10 ans pour inverser la tendance du réchauffement climatique, alors qu'à son âge il ne peut pas encore être acteur comme un adulte, et que finalement son avenir dépend du bon vouloir des générations précédentes, celles justement par qui on en est arrivé là! Que dire à nos enfants? Comment justifier un tel constat? Nous en avons beaucoup discuté tous ensemble, pas facile de trouver les mots justes et vrais pour redonner espoir, rebondir et agir. Depuis, Bastien cherche à faire voir ce film à des gens qui ne l'ont pas encore regardé, il a demandé à ce qu'il soit diffusé au collège et a plein de projets pour aider la planète, il se bat avec ses moyens, il n'est pas de nature pessimiste, heureusement! Si comme lui, chaque personne pouvait y réfléchir et agir, du simple papier jeté par terre, à l'économie d'eau ou à l’énergie renouvelable, en passant par son mode de consommation... convaincre, éduquer et y mettre de la bonne volonté sont à la portée de tout le monde. A ce sujet quelqu'un a dit: "Un petit « rien » de chacun d’entre nous peut devenir un « grand beaucoup » pour notre planète", j'y rajouterai "et pour nos enfants".
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore vu: Site officiel du film Home

La Maison de la Femme à Nouméa
Ouverte depuis quelques mois à peine, cette structure créée par la Mission à la Condition féminine de la province Sud, est un lieu de rencontre et d'écoute pour répondre aux interrogations et préoccupations des femmes mais pas interdite aux hommes! Ces messieurs peuvent accompagner leur femme lors d'une visite ou venir assister aux conférences organisées. Elle propose des services très divers (conseils juridiques, services administratifs, accès internet,...) ainsi que des activités (cours de gym, initiation au théâtre, à la couture, à la cuisine, au tressage...), des conférences dans une ambiance très agréable et conviviale. Je me suis inscrite à une session de gym une fois par semaine avec d'autres navigatrices, ainsi qu'à l'initiation au tressage qui se déroule une fois par mois. A l'occasion de la journée mondiale de l’environnement, des expositions, des projections et des ateliers destinés à initier et sensibiliser les femmes à la protection de l’environnement ont été mis en place. J'ai notamment assisté à une conférence sur l'alimentation bio, rien que je ne sache vraiment mais ici il y a un gros travail d'éducation à faire sur l'alimentation au quotidien! J'ai surtout été effarée d'apprendre qu'en Nouvelle-Calédonie, 60% des adultes et 20% des enfants sont obèses ou en surpoids, et que 10% de la population calédonienne est diabétique contre 3% en France. En matière de surpoids et d'obésité, la Nouvelle-Calédonie se place au même niveau que les américains!

Alimentation, consommation, développement durable, tout est lié. Un énorme besoin d'information et d'éducation reste à faire, notamment parmi les femmes, qui parce qu'elles gèrent le quotidien ont un impact sur le mode de vie de la famille, et donc sur l'environnement. Pour cette raison, j'ai accepté de devenir "ambassadrice de l'environnement" à la maison de la femme à partir du mois de juillet. A suivre ...



Bonne nouvelle pour terminer: à quelques jours de l'échéance de notre contrat à la marina, nous venons d'apprendre que celui-ci est renouvelé pour six mois: le bateau reste donc amarré au ponton, c'est quand même plus pratique et plus rassurant que de vivre au mouillage, surtout quand on a des enfants qui vont à l'école.