Le Carnet de Bord de Romain

 

 

10/ Plongées à Rangiroa

           Essence de paradis ....

 

 

 

 

17 mai 2007, Rangiroa, passe de Tiputa: première plongée océan.

Le zodiac montait dans les vagues puis redescendait en tapant comme dans des montagnes russes. Le vent s'était levé depuis hier et alimentait la houle d'un clapot désagréable. Heureusement, le lieu de plongée n'était plus très loin, car chaque vague nous trempait un peu plus. Mais après tout, nous allions finir complètement mouillés... Une fois arrivés, nous nous étions équipés. Ainsi déguisé en homme grenouille, une bouteille sur le dos, j'étais paré.

Ma palanquée se composait de quatre plongeurs en dehors du moniteur: Une petite fille de 10 ans, ses parents et moi. Notre moniteur, Yann, s'était mis a faire le compte à rebours pour la bascule arrière: il fallait sauter tous en même temps car les vagues déportant le zodiac, les premiers dans l'eau risqueraient de se prendre la bouteille des suivants sur la tête et alors là, imaginez la bosse! Arrivé dans l'eau, j'avais purgé mon gilet de son air afin de couler le plus vite possible. Yann, le moniteur, nous attendait à cinq mètres sous la surface. Et ma première plongée océan avait ainsi commencé.

Et hop! Bascule arrière ...

A vrai dire cela faisait un certain temps que je rêvais de plonger en bouteille en océan. Mais pour en arriver là, il avait fallu pas mal d'efforts. A chaque fois que l'on arrivait dans un lieu de plongée on se renseignait, mais il est vrai que sans diplôme c'était difficile. Bon d'accord, Papa avait réussi a plonger vers 25 mètres dans la passe de Fakarava mais bon, c'était limite. A Rangiroa, on avait pris plus notre temps et on s'était décidé à passer le niveau 1 du CMAS qui est normalement international et qui permet de plonger à 20 mètres avec un moniteur et 29 mètres en Polynésie grâce a une dérogation. C'est là que l'on a rencontré le "Six Passengers". Un club de plongée près de la passe de Tiputa (Rangiroa) dont Frédéric et d'autres moniteurs très sympas nous ont convaincu de faire ça chez eux. Papa a juste eu à passer un test pratique pour évaluer son niveau et l'a réussi. Mais pour Maman et moi il a fallu 3 plongées.
On a appris ou réappris à :
  - monter, démonter l'équipement de plongée et la bouteille,
  - savoir faire la bascule arrière,
  - enlever le masque sous l'eau, le remettre puis le vider,
  - enlever le détendeur sous l'eau puis le remettre (pas très compliqué!),
  - se stabiliser sous l'eau rien qu'avec le gilet gonflable et les poumons (purge, poumons ballast),
  - sauver une personne ayant un problème ou une panne d'air sous l'eau et savoir quoi faire en cas
    de panne d'air sur sa propre bouteille.

Tout cela à faire dans le calme et sans paniquer. Car, bien sur, l'assurance compte beaucoup sous l'eau! Faire une bascule arrière parait peut-être anodin mais si on panique parce qu'on la rate ou autre chose ça peut amener à faire des bêtises. Parce que quand on est en bouteille a 15 mètres de fond, on ne peut pas remonter a la surface comme ça d'un coup de palmes! Maman a juste eu un peu de mal avec le masque... mais elle a quand même fini par y arriver et à par ça, ça allait et on a réussi tout les deux. On a fait ces plongées d'exercice dans le lagon, près de la passe dans un endroit appelé "l'Aquarium".


Exercices au fond du lagon avec Maman et Yann

Excepté que l'eau n'est pas très claire (à cause du plancton), il y a beaucoup de poissons sur des fonds de 3 à 15 mètres. D'où le nom. Yann, notre instructeur à tous les deux qui est vraiment super sympa (il nous est arrivé d'être mort de rire à en cracher le détendeur sous l'eau avec lui!) nous a remis un certificat provisoire en attendant la carte officielle que l'on ira chercher à "Hémisphère Sub" (le club de plongée de Raiatea) quand on y passera.

Et voilà comment je me retrouve dans l'eau, à purger mon gilet pour descendre. Les coraux de la "pente récifale externe" sont très jolis et abondants, ce qui généralement signifie une faune nombreuse et variée. La "pente récifale externe" est en fait tout simplement le tombant côté océan qui forme une sorte de replat entre 10 et 20 mètres, puis redescend jusqu'à environ 50 mètres. Là, deuxième replat et après ... je n'ai jamais été voir!
Revenons à nos poissons. C'est un Napoléon qui vient le premier à notre rencontre. Il fait environ 1 mètre, ce qui n'est pas mal pour un vertébré aquatique! Mais ce n'est pas vraiment la longueur qui est impressionnante chez lui, mais plutôt sa corpulence. Celui-ci doit peser au moins 50 kg!
Descendant encore, on se retrouve plus près du fond. Là on est accueillis par des bancs de perches pagaies. Celles-ci sont d'ordinaire assez craintives mais en se frottant le pouce et l'index (comme pour dire "argent" par exemple), elles s'approchent assez hardiment, croyant trouver là quelque nourriture. Les autres poissons notables que l'on peut trouver ici sont les poissons papillons, qui nagent dans tous les sens souvent en couple, les petits poissons-anges tel l'ange flamme ou l'ange peau-de-citron (qui sont, vous l'aviez deviné (mais si!), respectivement rouge et jaune) et qui se cachent dans les anfractuosités du corail, les mérous (dans les trous), les poissons perroquets et les balistes qui passent leur temps à racler le corail avec leurs dents (ils vont finir par éclater à force de manger!), les chirurgiens et les nasons (qui eux se tiennent au-delà du tombant ou au-dessus des profondeurs abyssales), et enfin quelques carangues qui, déboulant à pleine vitesse, vous tournent autour à vous donner le tournis et repartent...


Un napoléon vient à notre rencontre

On est accueillis par des bancs de perches pagaies

Un peu plus loin, en continuant vers la passe, nous croisons (ô heureux hasard!) trois tortues se nourrissant de corail ou plutôt de sortes d'éponges vivant dans et sous des plaques de corail qu'elles soulèvent et cassent avec leur bec crochu. Nous les regardons un moment mais elles ne daignent même pas nous prêter attention. Une des trois se sentant finalement dérangée, s'éloigne avec grâce. Soudain, un concert de cliquetis et de couinements nous fait sursauter, nous scrutons le tombant et la surface vers le large, hélas trop bleu et trop vide. Et alors, deux dauphins surgissent d'on ne sait où et arrivent vers nous, l'un reste à la surface, l'autre fait quelques pirouettes autour de nous avant de rejoindre son compagnon à la surface, puis ils s'en vont à l'opposé d'où ils sont arrivés. Wahou! L'évènement a duré 20 secondes mais ô combien inoubliables!... Les tortues étant parties, nous arrivons vers "l'Angle" qui est en fait un des coins extérieurs de la passe, et où l'on a généralement le plus de chance de voir du "gros" (raies manta, requins, dauphins), et même en s'appelant "Gontrand Bonheur" ou en plongeant là-bas tous les jours comme les moniteurs de plongée, on peut voir des marlins, des requins marteau, des requins tigres et même des requins baleines ou des baleines mais ça c'est beaucoup plus rare et en plus ça depend des périodes de l'année!
On croise encore deux ou trois napoléons puis un requin pointe noire et deux ou trois Rairas (requin gris en polynésien). Arrivés à l'Angle, ô surprise, une raie manta nage sur le fond. Bon d'accord, le fond est à 40 mètres et nous à 15 mètres seulement mais bon, l'eau est tellement claire que même si elle avait été à 10 mètres de nous et hors de l'eau on ne l'aurait pas mieux vue!... On l'observe quelques minutes puis elle disparaît dans la passe. Et là, signe du moniteur: Fin de plongée! Quoi?! ET oui, cela faisait déjà 50 minutes que l'on était dans l'eau. Et moi qui aurait mis ma main au feu (là où l'on est je ne risque pas grand chose!) que ça ne faisait que 10 minutes...
Et là, pendant le petit palier de sécurité à 3 mètres (histoire de patienter pendant que le marin repère notre parachute flottant (tellement fluo que ça fait mal aux yeux), RE deux dauphins. Pas longtemps non plus. Ils venaient respirer à la surface et ont choisi un endroit à 50 mètres de nous. Puis ils repartent aussitôt en cliquetant vers le fond...
Pas mal pour une première plongée océan! Qu'est-ce que j'ai marqué sur mon carnet de plongée déjà? Ah oui: EXTRA-ordinaire plongée...


17 mai 2007, Rangiroa, passe de Tiputa: exploration "Sunset"

Le soir même de ma première plongée océan, nous (Papa, Maman et moi) devions faire une deuxième plongée. Je dis le soir car pour ceux qui ne seraient pas des as en anglais, "sunset" signifie "soleil couchant" ou "soleil qui se couche". Seulement Maman se sent très fatiguée à cause d'un malheureux staphylocoque qu'elle a attrapé quelques jours avant. Dommage ... nous décidons tout de même d'y aller Papa et moi. On va donc au club vers 16 heures. Notre moniteur nous donne notre matériel que l'on installe. Il s'appelle Julien. Ensuite il nous fait le briefing de la plongée : la "sunset" nous explique-t-il est une petite plongée simple et peu profonde car ce n'est généralement pas la première de la journée pour la plupart des plongeurs. Mais c'est surtout et souvent la quatrième du moniteur! (enfin ici à ce club, ce n'est pas une généralité de la sunset). Le but de la plongée: de temps en temps dauphins et raies mantas, mais surtout le comportement et l'aspect différent que les poissons adoptent pour la nuit. Et le clou de la plongée: l'accouplement des chirurgiens mouchetés et des chirurgiens bagnards.
Donc, nous partons vers le lieu de plongée sur le zodiac. Nous sommes cinq dans la palanquée. Et la plongée commence. Le soleil n'est plus du tout haut dans le ciel et pourtant l'eau n'est pas plus froide que dans la journée. C'est étrange car on dirait que les poissons ont plus de couleurs le soir. Ou alors, les couleurs ressortent plus ... En tous cas, moi, je les trouve plus colorés (et Papa aussi d'ailleurs!).
Autre chose importante, on ne voit aucun poisson perroquet: ils sont déjà tous en train de chercher un trou pour la nuit et de s'envelopper de mucus protecteur. Les napoléons et les tortues sont au rendez-vous. C'est en fait un peu le même parcours que celui que j'ai fait ce matin. Il y a pas mal de courant et ce surtout si on s'éloigne du replat pour aller dans le bleu, mais alors il change de sens et devient contraire. Et tout à coup, hop, les dauphins, enfin les bruits des dauphins. Car leur présence manque en effet: quelle frustration, entendre les dauphins et ne pas les voir! Surtout que les cliquetis et couinements redoublent d'intensité, on les entend tellement fort qu'ils ne sont sûrement pas loin! Mais où? On scrute le bleu avec insistance mais les six paires d'yeux ne voient rien ... et les bruits s'arrêtent. Tant pis, on continue.
Nous arrivons enfin au milieu d'un grand banc de chirurgiens mouchetés. Lors de l'accouplement, les mâles changent de couleur et deviennent tout gris. Les femelles gardent leurs "mouchetures" et leur bande grise au niveau des nageoires pectorales. Là, le courant est moins fort et l'on peut aisément rester sur place en s'accrochant à un rocher au fond. Moi, je vide carrément et totalement mon gilet de son air afin de pouvoir rester allongé sur le sol sans bouger et sans effort. Le banc de chirurgiens finit par nous encercler. Nous devons attendre une dizaine de minutes qui me semblent être une éternité (surtout que sans bouger, on a froid), qu'ils veuillent bien s'accoupler. Et tout à coup, paf! ça commence. Des femelles s'élancent au-dessus du banc chacune à leur tour, toutes poursuivies par une douzaine de mâles, et laissent un nuage de gamètes mâles et femelles qui ensuite va dériver jusque dans le lagon (le courant est rentrant) où les ovules fécondés iront se coller aux algues et aux rochers. Tout cela se passe à chaque fois en une demi seconde "top-chrono" (si!) et dans une détonation semblable à un coup de fusil, dûe aux mouvements très rapides de leurs nageoires caudales. Et là, paf! paf! paf! ils sont des dizaines de groupes à monter en même temps dans un bruit de pétarade (avé l'accent du midi c'est encore plus drôle!) ... Non, non vraiment, c'est unique! Ah oui là, incroyable, y'a pas à dire! Et de temps en temps les requins excités, mêlant leur grain de sel, passent au milieu du banc et interrompent le spectacle.

Le soleil doit se coucher à présent car l'eau s'assombrit. Et comme on n'a pas pris de lampes, on se dépêche de continuer pour aller voir les chirurgiens bagnards. On voit assez souvent passer des bancs de carangues leurres qui chassent parmi les bancs d'alevins ou encore des requins, des grands barracudas, et des carangues bleues, qui, toutes excitées se promènent au milieu des coraux. Nous arrivons enfin au milieu des chirurgiens bagnards. Là, nous n'avons pas à attendre. Les mâles perdent leurs rayures et prennent une couleur uniforme. Même scénario que pour les mouchetés. Même scène unique...

Une carangue bleue chassant en solitaire

Mais le courant est de nouveau plus fort et Papa ainsi que d'autres plongeurs sont sur leur réserve d'air, on continue donc, pour atteindre une sorte de tranchée de corail (après avoir tourné à l'angle dans la passe), puis une sorte de plateforme qui surplombe l'intérieur de la passe 25 mètres plus bas, où le courant est nul. Le moniteur sort son parachute, le gonfle d'air pour qu'il remonte en surface et que le bateau nous repère. Nous ne pouvons pas trop bouger car si on avance vers l'intérieur de la passe on se fait aspirer par le courant, pousser dans le contre-courant et expédier dans l'océan au milieu de nulle part et en pleine nuit. Enfin, on remonte à la surface et le marin vient nous chercher dans le zodiac. On s'avance vers le milieu de la passe car le bateau ne peut pas s'approcher du bord. Il fait nuit à présent. Pourtant, je vois encore depuis la surface le fond de la passe 30 mètres plus bas ...

 

20 mai 2007, Rangiroa, passe d'Avatoru

En ce moment, le planning est plutôt chargé en plongées: le lendemain de ma première plongée océan et de la "sunset", je faisais la dernière plongée d'évaluation CMAS et obtenait le niveau 1. Maman l'obtenait le surlendemain et le 20, aujourd'hui en fait, on programmait une plongée à Avatoru, l'autre passe de Rangiroa. Notre moniteur? Julien!

Le but de la plongée est de voir les "tapete" (prononcer tapété) qui sont en fait les requins pointe blanche du récif, et les carangues noires qui se rassemblent là-bas en groupes de plusieurs centaines d'individus, nous explique-t-il lors du briefing.
Les tapete sont normalement des requins qui vivent en grande profondeur et les adultes remontent rarement au dessus de 100 mètres. Ils ont une taille moyenne de deux à trois mètres, ce qui n'est pas mal pour des requins dits "potentiellement dangereux, surtout en cas d'excitation", ce que justement nous allons faire. Car pour que ces animaux remontent des profondeurs, il faut bien les appâter.

Un superbe tapete

Ici à Avatoru quelques tapete sont justement habitués à être nourris par les plongeurs qui viennent régulièrement. Mais cela fait un certain temps déjà que nous n'avons plus peur de nous faire manger par des requins assoiffés de sang. Et tout simplement parce que ça n'existe pas. C'est vrai que quand on a vu "Les dents de la mer", on a du mal à y croire. Mais pourtant c'est la vérité! La grande majorité des cas d'attaques de requins sont des accidents souvent dûs à des bêtises de la victime. Le reste des attaques, c'est parce que le requin avait faim. Ce qui est en soi tout à fait normal! Et puis nous, on mange bien du requin non? De toutes façons, le requin n'apprécie pas la chair humaine et souvent il ne fait que "goûter" la victime (oui bon, c'est tout de même embêtant!). Et en plus, ces cas ne peuvent se produire près d'un récif poissonneux où le requin n'a qu'à se servir pour manger (comme là où nous sommes ...). Autre chose: les requins ne sont guère attirés par le sang, contrairement à ce que beaucoup pensent. En effet, ils sont surtout capables de ressentir les émotions comme la peur et sentent l'excitation des poissons. C'est beaucoup plus cela qui les excite et les rend nerveux. Le sang n'est qu'un mythe (bien qu'ils aient un odorat très développé) et les prévient juste qu'il y a de la nourriture et d'autres prédateurs en train de chasser. J'ai aussi questionné les moniteurs de plongée du "Six Passengers" et tous ont déjà vu des requins tigres ou marteaux de plus de quatre mètres et ne se sont jamais sentis en danger.
Par ailleurs, je pense que nous les humains sommes assez mal placés pour qualifier les requins de tueurs, nous qui commettons des génocides (le mot n'est pas trop fort, c'est la définition exacte ...) sur beaucoup d'espèces de requins, juste sous prétexte de collectionner leurs dents ou de manger leurs ailerons.
Et une dernière petite anecdote pour clore cette parenthèse sur les requins; pour les amateurs de langoustes: les requins sont de grands mangeurs de raies et les raies de grandes mangeuses de langoustes. Alors comme il y a de moins en moins de requins pour réguler la population de raies et que la plupart des humains ne mangent pas les raies, et bien celles-ci prolifèrent et deviennent une des principales causes de la diminution de la population de langoustes. Voilà. Ceci était un aparté.
Bon, revenons à notre plongée. Nous sommes une bonne quinzaine à aller plonger à Avatoru. Plus le marin, le zodiac est très chargé. Il y a 4 ou 5 milles du club à Avatoru. Aussi il nous faut une bonne dizaine de minutes pour y parvenir. Et encore, on a les vagues dans le dos: le retour sera plus long. Enfin nous arrivons à Avatoru et nous nous retrouvons dans l'eau, chaque groupe à son tour. On n'a même pas sorti le poisson (congelé) de la boite en carton que les requins sont déjà là. Ils ont dû entendre le bruit du moteur. Arrivés au fond vers 20 mètres, on se plaque au sol en s'accrochant. D'autres tapete remontent des profondeurs au fur et à mesure. Belles bêtes. Ils doivent bien faire 2m50. Et quand tu vois les dents, ça ne donne pas envie d'être le poisson congelé qui sert d'appât! Les requins commencent à nous tourner autour. Ils passent si près de nous qu'on est parfois obligés de baisser la tête! Ils ne sont que 5 ou 6 mais c'est assez impressionnant tout de même. Ils sont vraiment magnifiques ces requins: aérodynamiques, musclés, l'oeil vif et intelligent, nage lente et assurée ...


Accroché sur le fond, j'oberve les tapete ...

Un squale à l'oeil vif et intelligent

Tout à coup, Serge, le moniteur d'une autre palanquée jette un morceau de poisson. Aussitôt, une nuée de pagres et de labres se jettent dessus et commencent à le déchiqueter. Mais un beau squale au regard méfiant s'approche, toutefois sans se presser. Alors, tous les poissons vont à nouveau se cacher dans leur trou et le tapete se jette sur le morceau de poisson en un éclair, le happe dans une demi-vrille latérale, puis l'avale (j'imagine puisqu'on ne voit pas sa pomme d'Adam!). Et alors là, tu en restes pantois, les yeux tout ronds et tu dis "BLOOOUP!" (ben oui, on s'appelle pas James Bond nous: on ne parle pas sous l'eau!). Non mais sérieusement, c'est quand même une vision incroyable ... on se croirait dans un film! Si vous avez vu le James Bond "Rien que pour vos yeux", c'est à peu près le même mouvement que quand un des deux requins mange un méchant tombé à l'eau. Serge leur donne un deuxième morceau. Même scénario. Puis, quand il n'y a plus de poisson, ils se désintéressent totalement de nous et repartent aussitôt! Ils ont beau se donner en spectacle, ils ne viennent ici que pour manger ...
Nous continuons donc vers l'intérieur de la passe (en fait la plongée se déroule légèrement en dehors de la passe). Ici, les coraux me font davantage penser à Fakarava alors que les fonds de Tiputa ressemblent plus à ceux de Faaite. On constate quand même une différence des poissons présents. Les Napoléons par exemple sont absents ici alors que je n'avais pas vu dle baliste bleu à Tiputa. Il y a beaucoup moins de requins raïras, de pointes noires, de carangues bleues et de carangues leurres; enfin nous n'avons pas vu de Napoléon ou de poisson lait, alors qu'à Tiputa j'ai vu ces deux espèces à chaque plongée. Nous croisons tout de même un raïra et une superbe tortue. Plus nous avançons, plus les coraux sont beaux. Les couleurs bleues, oranges et jaunes sont tout à fait identiques à celles des coraux de Fakarava. Pour ma part, je dirais qu'il y a plus de poissons à Tiputa mais que les coraux sont plus jolis à Avatoru.
Nous avançons donc vers le lieu où l'on devrait normalement trouver le banc de carangues. Toutefois, je traîne un peu avec Papa qui prend des photos, observant les minuscules poissons juvéniles posés sur les coraux, tout en me laissant porter par le courant, et tout à coup je tombe sur... une anémone! Deux petits poissons clowns nagent dedans. L'anémone n'est pas grande, 30 cm environ, mais c'est la première fois que je vois des poissons clowns dans la nature. J'appelle Papa et Maman qui viennent les photographier. Ils sont tellement mignons et captivants que j'oublie le moniteur qui s'éloigne déjà. C'est vraiment dommage; j'aurais tant aimé pouvoir les admirer plus longtemps, les voir nager au milieu de l'anémone ondulant avec le courant. De temps en temps, ils ouvrent la bouche comme pour gober quelque nourriture invisible ou se frottent et se cachent le plus possible au fond de la petite anémone.


Tout à coup je tombe sur... une anémone!

Les carangues tourbillonnent

Je finis tout de même par quitter ce merveilleux spectacle et je rejoins Julien, notre moniteur, à grand renfort de palmes. Nous arrivons au banc de carangues qui tournent en rond près de la surface. Il y en a une bonne centaine: un sacré garde-manger! Tout-à-coup, en s'approchant de cette masse, BANG! le tir d'un boulet de canon se fait entendre: ce sont en fait les carangues noires qui, toutes en même temps ont donné un coup de queue pour se retrouver dix mètres plus loin, plus profond. Et c'est cette centaine de coups de queue qui a produit cette déflagration étourdissante ... Quelle mouche les a piqué? Quelle frayeur, si subite fut-elle, a bien pu provoquer un mouvement général si soudain? En tout cas, nous ne voyons rien!
De toutes façons c'est la fin de la plongée et il est temps de remonter. Nous suivons alors la pente externe pour remonter vers les 10 mètres. Une tortue passe non loin de nous. Le moniteur a l'air d'attendre un peu sur place. J'en profite pour prendre l'appareil photo des mains de Papa et pour prendre une photo de Papa et Maman sous l'eau. Je prends quelques photos d'eux et m'aperçois qu'un truc cloche dans le viseur de l'appareil: la surface! Non, ce n'est pas un effet d'optique: Papa et Maman ne sont bientôt plus qu'à un mètre sous la surface. Juste avant de m'apercevoir que j'ai moi-même perdu 5 mètres de profondeur! Vite, je me mets immédiatement à souffler tout l'air que j'ai dans les poumons, je purge totalement mon gilet ... et redescends avant d'avoir dépassé les 4-5 mètres. Mais Papa et Maman eux sont déjà à la surface! Et Julien qui les a rejoint s'efforce de faire redescendre Maman... Ce qui s'est passé est tout simple: Papa et Maman étaient en position verticale pour la photo et ne faisant plus attention au mouvements de leurs palmes, ils sont remontés ... comme des bouchons. Quand à moi, et bien, j'avais l'appareil photo, or le caisson étanche est plein d'air: cela fait comme un flotteur et il m'aurait fallu un plomb de plus! Heureusement que nous avions déjà fait un petit palier de sécurité vers dix mètres, car cela aurait pu avoir de plus graves conséquences plus profond. Enfin ... c'est le métier qui rentre!
Arrivés à la surface, le bateau vient nous récupérer. Nous voyons des dauphins dans la passe, en rentrant au club. La plongée a duré 45 minutes environ et nous sommes descendus à 25 mètres ... QUE D' EMOTIONS !!!

 

22 mai 2007, Rangiroa, passe de Tiputa: "Stone-fish dive, l'Angle"

Nous avions tous bien aimé la plongée à Avatoru. Aussi ce ne fut qu'à moitié une surprise quand Maman demanda à refaire une plongée... La passe de Tiputa est quand même réputée deuxième site de plongée du monde et Maman ne l'avait pas faite.
C'est ainsi que nous nous retrouvons à faire la bascule arrière du zodiac du "Six Passengers" à peu près à l'endroit de ma première plongée océan et de la "sunset" aux environs de 14h30, et c'est avec joie que nous nous replongeons dans cet univers féerique.


Quel plaisir de plonger en si bonne companie!

Cette fois, notre moniteur se nomme Frédéric. Nous descendons donc jusqu'à 15 mètres de profondeur sur le surplomb puis nous continuons la descente en nous'écartant du tombant. Au dessous de nous, du bleu à perte de vue ... un gros Napoléon d'un mètre cinquante environ vient nous tourner autour accompagné d'une poignée de nasons. Il s'approche vraiment près sans que nous puissions le toucher pour autant. Le profondimètre de Papa indique 31 mètres, nous remontons un peu (notre licence ne nous autorise pas à dépasser 29 mètres!). Nous suivons Frédéric qui nous ramène vers l'angle de la passe. Nous voyons 30 mètres plus bas sur le tombant des centaines de raïras ainsi qu'une raie aigle de passage. Tout petits vu d'ici. Tout de même, je m'imagine assez bien par 50 mètres de fond en pleine narcose au milieu de 300 requins.
Bon, revenons les pieds sur terre. C'est le cas de le dire car nous quittons le tombant pour nous retrouver dans la passe sur le rebord corallien vers 10-14 mètres de fond. Ici l'eau est un peu plus trouble car le courant sortant charrie toutes les particules du lagon. Mais cela nous permet de bien voir l'importance et la vitesse du courant à l'intérieur de la passe.
Pitou (c'est le surnom de Frédéric) veut nous montrer un poisson-pierre et des oeufs de poissons-clowns. Malheureusement, la mer est trop agitée et comme l'anémone se trouve par 3 mètres de fond, cela serait dangereux. Tant pis! Quant au poisson-pierre, je mets un temps à remarquer que la masse grise que Pitou nous montre possède deux yeux ... Lui, le touche carrément! Finalement, le morceau de roc se déplace pour aller se poser un mètre plus loin. Pitou passe sa main (sans gants!) à plat sous le poisson-pierre et le soulève. Posée sur sa main, cette étrangeté de la nature ne bronche pas ...
Il le repose enfin quand arrive une tortue. Elle est en plein repas et semble casser le corail afin de manger quelque chose dessous. C'est en fait une sorte d'éponge, petite et noire, que Pitou extrait sans mal d'une branche de corail mort. Aussitôt, la tortue se jette dessus, poussant la tête de son bienfaiteur de sa patte. Je trouve moi-même une éponge que je lui donne par morceaux. Du coup, elle s'intéresse énormément à moi et ne me lâche plus. Je fait profiter Maman de cette incroyable moment qu'est cette rencontre avec la tortue en lui donnant un morceau d'eponge...


Rencontre avec une tortue gourmande ...

elle adore les morceaux d'éponge

Celle-ci reste un moment avec nous, son estomac est apparemment vide ou bien elle ne se rappelle plus à quand remonte un festin pareil ... Mais une autre fabuleuse rencontre vient interrompre cet épique moment: alors que la tortue batifolait dans les bras de Pitou, mon regard est attiré par une pirouette au dessus de sa tête; des dauphins! Je lève alors, par réflexe, ma main dans leur direction mais c'est inutile car un concert de cliquetis se fait entendre alors que les deux coquins sont parvenus juste à la hauteur de notre groupe, en surface cependant. Mais ce n'est malheureusement qu'un flash, un rêve éveillé très court, une vision ... en effet, à l'arrivée d'un troisième compère, nos deux ... trois lascars s'enfuient ... à l'anglaise. La pauvre tortue délaissée vient alors nous réveiller, et une fois la bouche fermée et les fesses relevées du corail nous nous apercevons (ou plutôt Pitou s'aperçoit ... nous on n'a pas envie de remonter) que la plongée touche à sa fin. Nous sommes en effet dans l'eau depuis 50 minutes infiniment trop petites. C'est donc la tête et le coeur bien remplis que nous remontons dans le zodiac vers de nouvelles aventures ...

C'est ce qu'on appelle terminer en beauté ... Que dire de plus? Les photos, les mots seraient vains pour illustrer ce que nous avons, ce que j'ai vécu durant ces quatre merveilleuses plongées. J'espère en tout cas avoir fait de mon mieux, et vous avoir au moins permis de rêver avec mon récit ...

Voilà. Mais avant de vous quitter chers lectrices et lecteurs ^_^, j'aimerais remercier chaleureusement le "Six Passengers" et tout particulièrement Yann, Julien, et Pitou.
Et si par le plus grand des hasards vous venez passer quelques jours de vacances à Rangiroa, et bien je vous souhaite autant de plaisir que moi à découvrir cette essence de paradis ...

                                                                                               Romain, le 30 Août 2007

Les photos de Rangiroa