Imagine dans le lagon de Nouvelle-Calédonie - Mai 2010


La passion des vers et des limaces!


Cela fait maintenant un certain temps qu'on écume les océans en PMT (Palmes Masque et Tuba) et on est toujours émerveillés par les beautés que la nature veut bien nous révéler à chaque plongée ou presque! Chaque plongée commence par le même rituel de préparation, mise à l'eau, tour d'horizon rapide, et chaque fois cette impression de silence, à la fois apaisante, mais toujours un peu angoissante. Et puis on se lance, mais on ne sait pas par où commencer tellement il y a de choses à voir, on part au hasard, nos yeux se posent ça et là, papillonnent, au gré du courant, attirés par une forme, une couleur, un mouvement. On longe un récif détritique, un champ de coraux uniformes, un jardin corallien exubérant, une forêt de gorgones. On fait des rencontres, surprises au détour d'un corail, dans une faille, ou furtives avec des poissons craintifs ou curieux, on se suit, on s'observe.


Poisson-trompette


Gorgones rouges

Blennie dans sa grotte

Et puis en prenant le temps de s'approcher encore, de regarder d'un peu plus près, on découvre un autre monde, miniature, de quelques millimètres à quelques centimètres à peine, tels les polypes des coraux, spirobranches, nudibranches,.. un monde absolument incroyable! Par contre c'est un monde difficile et souvent frustrant à observer surtout en apnée, car il faut de bons yeux, de la patience, beaucoup de chance et une apnée à rallonge! Et ça c'est sans parler de la macrophotographie! Tant pis, quand on a commencé on ne peut plus s'en passer! Et que dire de mes préférés, vers et limaces de mer plus connus sous le nom de spirobranches et nudibranches, dont la beauté, la variété et la fascination qu'ils exercent effacent illico l'a priori lié à leur nom!

Les nudibranches

Les nudibranches sont classifiés dans l'ordre des mollusques / gastéropodes (ou gastropodes) / opisthobranches (on les appelle également limaces de mer), et répertoriés en sous-ordres en fonction de leurs caractéristiques physiques diverses.

Nudibranche signifie 'ouïes nues' en latin; l'animal est reconnaissable à ses branchies dites plumeuses nues (s'apparentant à un buisson), non protégées par une coquille. Cet animal hermaphrodite possède aussi des tentacules antérieurs, les rhinophores, qui sont des antennes sensorielles et détectent le bruit, les odeurs et permettent le goût. Les yeux des nudibranches sont en profondeur, proches du cerveau, et ne servent qu'à détecter les variation de lumière.

Le plus grand des nudibranches, hexabranchus sanguineus, plus connu sous le nom de Danseuse Espagnole à cause de sa nage ondulatoire très spectaculaire, peut atteindre 60cm. Beaucoup d'espèces ne mesurent que quelques millimètres. Et la majorité d'entre-elles se situe aux environs de 2 à 10 cm. Les nudibranches sont parmi les créatures marines les plus éphémères, leur longévité allant de 1 à 12 mois!

On peut trouver des nudibranches à toutes les profondeurs et dans tous les reliefs, aussi bien sur la roche ou les coraux que dans le sable ou en pleine eau. Plus de 3000 espèces de nudibranches sont connues dans le monde et réparties dans toutes les mers, depuis les eaux polaires jusqu'à l'équateur dont environ 500 espèces rien qu'en Nouvelle-Calédonie. Des amis nous ont d'ailleurs offert l'Atlas mondial des nudibranches à l'occasion de notre anniversaire, fascinant, c'est choc comme on dit en calédonien! Et dire qu'on en a vu moins d'une dizaine d'espèces...


Flabellina exoptata

Phyllidia coelestis

Halgerda willeyi

Chromodoris kuniei


Les nudibranches à priori vulnérables ont développé un éventail de stratégies très ingénieuses pour se protéger des prédateurs :
Les couleurs voyantes, pour avertir de leur nature immangeable voire franchement toxique (tout prédateur des récifs coralliens sachant qu'une vive couleur est un signal d'alerte synonyme de danger) ou par mimétisme avec les couleurs et les dessins du milieu dans lequel ils vivent, mais aussi les armes chimiques, certains sécrètent de l'acide sulfurique, d'autres produisent des toxines, ou encore ingèrent les toxines des animaux dont ils se nourrissent (les cellules urticantes des anémones de mer par exemple) pour les utiliser à leur tour comme moyen de défense, stockés dans des expansions de leurs tubes digestifs appelés cerata.

L'aplysia dactylomela de l'ordre des tectibranches est un cousin des nudibranches. Il est connu sous le nom de Lièvre de mer à cause de son apparence de "lapin". Les grands rhinophores dressés juste au dessus des yeux, bien visibles, rappelant les oreilles d'un lapin. Contrairement au nudibranche, il possède une coquille très mince recouverte par son manteau. C'est un brouteur d'algues.

 

Les spirobranches

Ces vers multicolores dont le nom scientifique est "spirobranchus giganteus" bien que leur taille soit d'environ 2 cm sont dotés de deux panaches caractéristiques, spiralés et de forme conique déclinés dans une variété de couleurs monochromes ou polychromes incroyables, ce qui leur vaut également le nom d'arbres de Noël.

Les spirobranches se nourrissent de plancton et de micro particules qu'ils attrapent grâce à ces deux spirales de tentacules colorées. Très sensibles aux vibrations et aux ombres portées, ils se rétractent en une fraction de seconde dans leur tube fermé à l'extrémité par un opercule terminé par deux petites cornes caractéristiques.

Ces vers tubicoles vivent plusieurs dizaines d'années jusqu'à 30 mètres de profondeur, de préférence dans des coraux massifs comme les porites dans lesquels ils creusent un tube calcaire terminé par une épine acérée qu'ils élargissent au fur et à mesure de leur croissance, et avec lesquels ils vivent en symbiose étroite.
Le corail fournit aux vers un logement et, en échange, les vers protègent les polypes alentours des prédateurs comme l'étoile de mer Acanthaster planci dérangée par les mouvements des panaches. De plus, ces mêmes mouvements créent une meilleure circulation de l'eau environnante, apportant plus de plancton et de particules au niveau des polypes du corail, que ces derniers consomment.
Malgré cela, une colonie de vers trop importante pose à la longue un problème pour le corail car en mourant les vers laissent des tubes vides risquant de fragiliser la structure du corail.

Voilà, ces animaux étonnants font partie des merveilles sous-marines que nous avons rencontrées au cours de nos dernières plongées. Fragiles et vulnérables, ils font partie intégrante des mers et océans, cet écosystème marin fantastique qu'il faut protéger pour qu'il continue encore longtemps à nous épater et nous émerveiller!

 

L'album photo sous-marin de mars et avril 2010