Journal des Îles sous le Vent- Septembre 2007

 



Vive le printemps!


C'est la fin de l'hiver, le printemps est arrivé le 21 septembre! Au niveau météo ça ne veut pas dire grand chose ici, c'est toujours la saison "froide", c'est à dire que la température de l'eau est à 26 ou 27 degrés, et celle de l'air varie entre 23 le matin et 30 degrés au plus chaud de l'après-midi. Il faut quand même dire pour être honnête que ce n'est pas un climat parfait, le ciel est souvent couvert, les grains sont fréquents, le vent oscille entre 15 et 25 noeuds. Mais bon, il y a pire ...

Ça ne nous empêche pas de naviguer le week-end. En début de mois, nous avons fait une virée d'au moins ... un mille pour aller mouiller sur deux mètres de sable blanc près de la passe de Miri Miri. On a retrouvé pour une journée notre programme type du mouillage: baignade et chasse sous-marine. Sauf qu'on est rentré bredouilles! Mais on a vu de beaux poissons, dont beaucoup de poissons-clowns.


Il fait gris souvent, ici la passe Toamaro et son petit
motu derrière lequel nous avons mouillé
un dimanche avec Crin Blanc


Le lendemain, après une nuit sur corps mort devant la zone de carénage, petite sortie dominicale en compagnie de Crin Blanc, le catamaran de nos amis Fanny et Claude qui nous ont bien aidé pour régler les détails de l'installation à Raiatea. Sortie au moteur par la passe de Miri-Miri sous un ciel bien chargé, pas terrible la navigation, sauf le cri soudain de Pascale, qu'elle n'avait pas poussé depuis longtemps: "BALEINES !!!". Effectivement Maman baleine et son baleineau soufflent alternativement avant de sonder à notre approche. Brève vision d'une trentaine de secondes, comme souvent avec les cétacés, mais qu'est ce qu'on aime ça!

Nous laissons passer quelques grains bien arrosés pour franchir la passe Toamaro avec un minimum de visibilité, et allons mouiller derrière le petit motu qui garde l'entrée. Déjeuner dans le cockpit d'Imagine, avec Fanny, Claude, ainsi que Fabienne et Fred, deux nouveaux amis navigateurs. Le retour sera plus ensoleillé, toujours sans vent, et sans poisson au bout de la ligne.

Notre premier coup d'ouest à Apooiti...

On le savait, notre place à l'extérieur de la marina d'Apooiti ne nous offre aucune protection en cas de vent d'ouest un peu musclé. Première démonstration ce mois-ci. La météo annonçait un vent faible inférieur à 10 noeuds pendant quelques heures, pas de quoi nous inquiéter, ni nos voisins d'ailleurs. Manque de chance, vers 19h, le vent monte et amène les premières gouttes sur les brochettes de poulet que je faisais délicatement griller au barbecue dans le cockpit. On a eu le temps de manger quand même, et puis d'aller se coucher en surveillant l'anémomètre. A 21h, ça commence à secouer un peu trop, je sors en caleçon et réalise que nous avons un problème. Des rafales entre 20 et 25 noeuds associées à un méchant clapot nous assaillent par le travers, tirant par à-coups violents sur les amarres. Je les soulage comme je peux au moteur. Le bateau est secoué sèchement. Il est trop tard pour quitter la place, nous serions projetés sur notre voisin avant d'avoir pu manoeuvrer. L'angoisse monte ... J'aimerais bien aller doubler l'amarre la plus sollicitée, au cas où le vent forcirait encore, mais pas question de débarquer en annexe avec les vagues qui s'écrasent sur la digue. Une seule solution: laissant Pascale aux manettes, dans le noir et sous une pluie battante, je saute dans le bouillon, nage jusqu'au muret en essayant de ne pas perdre mon caleçon, et là, problème: je suis obligé de prendre appui avec les pieds sur le fond pour me hisser mais je sais qu'il y a des oursins par endroit ... et je comprends vite que c'est justement là où j'ai posé le pieds. Dans le feu (mouillé) de l'action, je hurle en silence, et déplace une amarre en claudicant. Plouf, je replonge dans les vagues, nage énergiquement jusqu'au bateau, reprend la tension des cordages, et reste là à dégouliner et grelotter sous la pluie, hébété, fixant l'anémomètre en espérant faire baisser le vent. Ce n'est pas confortable (quoique les enfants dorment déjà d'un sommeil tranquille!), mais ça tient. Je coupe les moteurs, il n'y a plus qu'à laisser passer le grain. Vers 23h, le vent est plus calme, je décide de quitter les lieux malgré l'obscurité totale, pour aller prendre un corps-mort dans la baie, que l'on aperçoit dans le faisceau de notre projecteur. On largue les quatre amarres dans l'eau, et c'est finalement dans une pétole incroyable que nous attrapons la bouée qui va nous permettre de dormir sur nos deux oreilles jusqu'au petit matin. "Tiens, on a bougé cette nuit?", questionnent innocemment les enfants au réveil! He oui, vos parents ont des nuits agitées ...

Quelle classe ces matelots à lunettes!

Romain et Bastien ont reçu leurs nouvelles lunettes de vue, ça leur donne un air plus sage, voire intellectuel, à suivre ...

En tous cas, ce premier mois d'école s'est parfaitement bien passé, ils trustent les meilleures notes de leur classe! Au lycée, Romain joue au ping-pong avec l'association sportive, Bastien fait du théâtre et tient la rubrique "l'écho écolo" du journal du lycée, "L'écho côtier". Il vient aussi d'être élu délégué de classe, les revendications fusent déjà: changement d'horaire d'un cours, cartable trop lourd,... les relations publiques ne l'effraient pas, c'est le moins qu'on puisse dire!!!



Déjà les vacances ?! Visite de Huahine

Eh oui, à peu près au moment où la France fait sa rentrée, nos deux écoliers entament gaiement leur première semaine de vacances. Direction Huahine, une île distante de 30 milles, sauvage et peu fréquentée par les touristes et les plaisanciers qui préfèrent consacrer leur trop courts séjours à la mythique Bora-Bora. Tant mieux pour nous!

Navigation sans histoire le samedi, mouillage vers 15 heures devant le rocher et la jolie petite plage de la pointe Teapaa. Il y avait là un hôtel cinq étoiles, aux bâtiments discrètement étagés sur les pentes noyées de végétation tropicale. Il n'en reste aujourd'hui que des ruines mangées de verdure, un cyclone est passé par ici. Nous serons plus tranquilles. Premiers poissons, mangés crus à la tahitienne au dîner. Pendant que nous sommes dans l'eau, une pirogue aborde Imagine. C'est Siki, l'énigmatique et néanmoins très accueillant gardien des lieux, rachetés depuis le désastre par le territoire, et entretenus par cet homme, parachutiste à la retraite, entre autres ... Il nous raconte volontiers sa vie, ses croyances, ses problèmes, ses finances, on a du mal à tout comprendre mais on l'écoute avec curiosité. Surtout Pascale, à qui il parle plus volontiers qu'au reste de l'équipage, surtout quand elle est seule pendant que les enfants et moi sommes embauchés pour une partie de pétanque sur la plage avec le toubib de l'île... Sa religion lui interdit normalement de me faire une concurrence trop ostensible, mais j'ouvre l'oeil ...
    
            Imagine sous le rocher de Teapaa

Il nous invite à visiter "son domaine". Nous grimpons au sommet du rocher qui domine la petite baie, offrant un joli panorama. On apprend que le film "Le Prince du Pacifique" a été tourné ici, avant le cyclone. On s'est depuis procuré le film et nous avons revu avec plaisir ces superbes paysages.
Le lendemain, 25 kilos de fruits nous attendent dans la pirogue à balancier de Siki: mangues, pamplemousses, citrons.

La petite plage de Teapaa
Pendant que nous les chargeons dans l'annexe, Romain part avec lui dans les collines cueillir un plein sac de papayes. Il est comme ça Siki, il accueille gentiment tous les bateaux de passage et leur offre sa compagnie, ses histoires, et ses fruits savoureux.
La météo est particulièrement pourrie le reste de la journée, c'est la Bretagne (pardon les bretons), il pleut sans discontinuer, la visibilité est quasiment nulle, on a froid! Calfeutrés dans le carré, on se fait une petite séance de cinéma.
Le lendemain mardi, nous sommes dans la baie d'Avea, au sud de Huahine. Le temps s'est amélioré. Une première plongée nous gratifie d'un beau catalogue de raies: d'abord une raie aigle sans doute surprise parce qu'elle fonce sur Romain pour l'intimider, puis deux grosses pastenagues, et pour finir une belle raie manta de plus de deux mètres d'envergure. Comme si elle voulait parader devant nous, elle entame une série de loopings sur le dos, des saltos arrières enchaînés rapidement, la gueule béante afin de gober un maximum de nourriture. Quelques anémones garnies de poissons-clowns viendront conclure cette magnifique plongée.
Nous verrons ensuite des raies mantas tous les jours dans cette baie. Quel plaisir de nager tout près d'elles et de les voir évoluer si majestueusement!
 
C'est vraiment les vacances
dans cette baie d'Avea.
Ici, une petite séance de
bronzette-trampoline
pour Pascale
C'est toujours un peu pareil, mais on ne s'en lasse pas: la visite de l'île en voiture. Une route côtière longe le rivage très indenté et fait le tour en 80 km, nous révélant les somptueux paysages, les couleurs du lagon vu de divers belvédères, la végétation luxuriante qui dégouline de chaque colline, les fleurs et les plantes colorées au bord de la route, un marae par-ci, une curiosité par là, nous jouons avec plaisir aux parfaits touristes extasiés devant tant de magnificence. On n'a pas le temps de s'ennuyer, il ne nous faut que cinq ou six heures pour boucler le tour, avec de nombreux arrêts et une pause déjeuner pour un copieux steak-frite à l'ombre d'une des roulottes de Fare, la "capitale".
 
Les anguilles sacrées du village de Faie, avec leur tête monstrueuse et leurs jolis yeux bleus
 
La baie de Maroe, entre les deux parties de l'île de Huahine,
qui fut selon la légende fendue par la pirogue du dieu Hiro
 
 
Nous passons les deux derniers jours au mouillage devant le village de Fare, au nord, à chasser et manger du poisson, à faire des photos sous-marines. Les enfants jouent avec Sven, un copain de 12 ans rencontré sur "L'oiseau du Large", un bateau rencontré ici, qui comme nous fait une escale prolongée en Polynésie.


On déménage

Nous avons retrouvé notre place à l'extérieur de la marina d'Apooiti, mais pendant notre absence, les bateaux de la flotte d'une importante société de charter qui étaient auparavent abrités ailleurs sont venus rejoindre le nombre déjà impressionnant de voiliers de location. On commence à être serrés, et on nous repousse petit à petit vers l'entrée de cette baie mal protégée ...
Nous avons donc décidé de chercher une place ailleurs, avant que le prochain coup de vent d'ouest, voire le prochain cyclone, ne nous le fasse regretter . Le problème est soi-disant sans espoir. La seule autre marina du lagon est complète, quant à se faire installer un corps-mort "légalement", c'est difficile, et ça n'offre pas une protection idéale en cas de grosse météo.
Mais c'est sans compter sur notre bonne étoile: en expliquant notre situation à un responsable compréhensif, et en dégageant une place nous-même grâce à l'aide d'amis navigateurs, nous avons finalement réussi à loger Imagine dans la marina de la ville, à Uturoa. Les voisins sont plus près, mais ils sont sympas, il règne ici une bonne ambiance, et une bande de garçons entre 11 et 17 ans écume déjà les pontons. Romain et Bastien sont plus libres de leurs mouvements puisqu'il suffit maintenant de franchir la passerelle pour descendre à terre. Et qui plus est, ils vont maintenant à pieds au lycée/collège qui se trouve à 15 minutes de marche de la marina, mais il faut quand même accompagner Bastien les jours où son cartable pèse 15kg!



Imagine à la marina d'Uturoa

La baignade est presqu'aussi facile qu'avant: il suffit de traverser une digue de quelques mètres pour plonger dans l'eau claire du lagon, et d'en ressortir quelques poissons si nécessaire. Des baleines à bosse sont même venues faire un petit festival derrière cette digue il y a trois semaines.

 


Nous avons profité du dernier week-end pour visiter notre île, Raiatea, par l'intérieur, on n'avait encore pas pris le temps de faire le tour en voiture. C'est aussi beau ici qu'ailleurs, et c'est quasiment désert dès que l'on s'écarte d'Uturoa. Nous n'avons vu que deux bateaux dans le beau lagon navigable sur plus de 30 milles.

Voila, ce mois de Septembre est vite et bien passé, c'est pas mal la vie à Raiatea ...


Le beau lagon de Raiatea, au sud de l'île, navigable mais peu fréquenté.
Ce jour là, un troupeau de baleines soufflaient et sautaient juste derrière la
barrière de corail, on les a observé de loin depuis notre belvédère ...