Journal des Îles sous le Vent- Octobre 2007


Raiatea et Bora-Bora

Ce mois d'octobre a commencé par nous infliger une météo d'hémisphère nord, un vrai temps d'automne, gris, nuageux, pluvieux, des vents forts, pendant deux semaines. On apprécie notre place à la marina! Pas de chance pour les touristes qui avaient choisi cette période d'inter-saison normalement plus favorable pour venir goûter au paradis ... le mythe a ses limites!
Romain a eu 15 ans. Son premier cadeau, le matin de son anniversaire, fut une plongée sur le récif derrière la passe de Miri-Miri (et nous l'avons accompagné, pour sa sécurité, bien sûr). Ça fait du bien de revoir nos amis les requins, et tous les poissons. La dernière plongée datait de Moorea, trois mois plus tôt.

L'anniversaire de Romain tombait pile un samedi, le même jour que celui de Simon, un voisin de ponton. Ils avaient invité des copains et copines de la marina et du lycée pour se baigner et manger tous les bons gâteaux.
Heureusement le soleil s'est invité aussi cet après-midi là, mais nous les parents on a passé un certain temps à évaluer, inquiets, les gros nuages noirs chargés d'eau qui menaçaient de ruiner notre barbecue-poulet du soir: on attendait 25 personnes, pas question de s'installer dans le cockpit!
Finalement, il n'y a eu que du vent, on est donc restés secs, même si certains étaient quelque peu imbibés!

Les cinq semaines d'école depuis les dernières vacances de septembre sont passées très vite, sans événement majeur. Si, un concert de piano classique! Deux pianistes de renommée internationale en visite en Polynésie, ont choisi la classe de musique de Bastien pour faire une animation. Quelques jours plus tard, ils donnaient un récital à quatre mains dans une salle de restaurant: Mozart, Brahms, Chopin, Faure, Debussy, Bizet, spectacle rare et insolite sous les cocotiers, mais très apprécié.
Dans le domaine sportif, le collège et le lycée avaient organisé un cross, plus de 700 élèves de la sixième à la seconde se sont élancés par groupe sur un parcours allant de 2200m pour Bastien à 3600 pour Romain , tout autour de l'établissement. Très motivés, nos deux moussaillons peu habitués aux joies de la course à pieds, se sont bien classés, malgré la chaleur écrasante qui n'incitait vraiment pas à l'exploit physique! Bastien a couru assez tôt, mais le groupe de Romain partait à 11 heures, heureusement que les copines l'aspergeaient au passage!
Les parents étaient conviés à aider pour le ravitaillement, on a donc fait quelques centaines de sandwiches au chocolat et distribué les boissons aux participants assoiffés.

La vie à la marina est agréable, entre les petits travaux quotidiens et d'entretien du bateau, les discussions avec les voisins, un café par-ci, un apéro par-là ... On voit quelquefois les équipages de bateaux de passage, que l'on avait rencontré ailleurs, ou des amis d'amis que l'on ne connaissait pas encore, qui vont plus à l'ouest vers la Nouvelle-Calédonie, la Nouvelle-Zélande, ou qui s'installent provisoirement en Polynésie. Ce mois-ci nous avons revu Nez-Rouge, Nusa Dua, Trois Océans, et rencontré Intiaq, Caramba, que l'on ne connaissait que par les ondes, ... autant de programmes de vie différents et de plans d'avenir en perpétuelles discussions, c'est ça la vie de bateau!

Bora-Bora, du 21 Octobre au 3 Novembre

Vacances scolaires, le calendrier est généreux ici: cinq semaines après le dernier congé, et nous sommes à nouveau libres pour deux semaines! Il est temps d'aller voir Bora-Bora, dont la silhouette se détache sur notre horizon quotidien depuis trois mois. Bora-Bora, c'est un mythe, la perle du Pacifique, le plus beau lagon du monde, tellement vanté dans les catalogues par les marchands de rêves tropicaux, adoptée par quelques illustres disparus, Paul-Emile Victor, Alain Gerbault, et plus récemment très critiqué par les navigateurs et les plongeurs déçus par l'exploitation touristique outrancière et ses conséquences ... Allons donc juger par nous-même, depuis le temps qu'on en rêve!
Quelques heures de navigation vent arrière nous suffisent pour atteindre la barrière de corail, qu'il faut longer jusqu'à la passe Teavanui, unique accès au lagon de Bora-Bora. Nous sommes déjà séduit par les couleurs de l'eau et la forme si spectaculaire du mont Otemanu, qui jaillit du sol jusqu'à 727 mètres en une impressionnante falaise. Pas de doute, Bora-Bora, c'est beau!


Une île, entre le ciel et l'eau, vue d'avion le mythe est intact ...

La passe est large et facile, plusieurs groupes de dauphins au long museau chassent en plein milieu, on s'attarde avec eux, suivant les plus actifs qui sautent et frappent l'eau de leur queue. Bel accueil! Nous décidons de mouiller devant le motu Tapu, juste après l'entrée, pour revenir plonger dans la passe le lendemain. Nous n'y verrons plus les dauphins, mais nous chasserons comme eux, quelques poissons dont une carangue.
Le lagon est vaste et les mouillages sont nombreux, nous en enchaînerons une dizaine durant ces deux semaines. On se déplace facilement, surtout qu'on a envie de tout voir, de chercher le spot idéal, sans compter les rencontres avec les bateaux amis, ou les événement locaux à ne pas rater. Et justement cette semaine, c'est l'arrivée de la grande course de pirogues de l'Hawaiki Nui. C'est l'événement sportif majeur de l'année en Polynésie, une régate en haute mer entre une centaine de va'a, les pirogues à balancier traditionnelles (aujourd'hui construites en matériaux modernes et dûment sponsorisées), qui se déroule sur trois jours entre Huahine, Raiatea, Tahaa, et Bora-Bora.



C'est un événement aussi populaire ici que le Tour de France cycliste en métropole, nous avons donc mouillé Imagine juste avant la ligne d'arrivée, imités bientôt par une dizaine d'autres bateaux.
Le matin de l'arrivée, nous suivons la course en direct sur la radio, puis bientôt de visu: on aperçoit au loin derrière la barrière de corail une meute de bateaux suiveurs et deux hélicoptères. Deux heures plus tard, c'est le rush final vers la ligne d'arrivée, d'abord quelques bateaux accompagnateurs, puis les concurrents et une armada de bateaux suiveurs.

On est aux premières loges, bien secoués par tous ces sillages, on se demande comment font ces pagayeurs pour naviguer dans de tels remous avec toute cette énergie après 58 km de course. Belle performance.

Ce sont ensuite des rencontres qui ont guidé notre parcours: nous avons fait la connaissance de Caramba, et retrouvé Trois Océans dans divers mouillages pour quelques jours. Trois jeunes filles de 12 à 15 ans, Fanny, Jade, et Laura, pour nos deux garçons, difficile de résister à si charmante compagnie!

Les liens se sont vite créés, et la joyeuse bande a même organisé (ou improvisé?) une nuit de camping sur le motu: une tente 3 places pour 5, quelques couvertures, des provisions et des lampes de poche, un débarquement au soleil couchant sur une plage infestée de moustiques, et voilà des parents tranquilles pour la nuit! Les enfants se sont bien amusés et n'ont pas beaucoup dormi, on les a récupéré affamés le lendemain matin à 6 heures pour le petit déjeuner. Ils ont ensuite passé la matinée dans l'eau, à griller au soleil, avant de rentrer à la nage, épuisés, et de faire une sieste de midi à 16 heures. Rare!

En dehors de la période agitée de l'Hawaiki Nui, nous avons trouvé Bora-Bora très calme. Il y a finalement peu de bateaux, nous avons été seuls au mouillage plusieurs fois (les bateaux de passage sont presque tous partis plus loin vers l'ouest, on va bientôt rentrer en période cyclonique). Le lagon est vraiment magnifique par endroit, sans conteste un des plus harmonieux mélange de couleurs et de paysages que nous ayons vu en Polynésie, nous sommes plusieurs fois restés en extase devant un tel spectacle, une telle lumière, à simplement contempler.


Le mont Otemanu, au centre du lagon

Imagine dans le lagon de Bora-Bora


Alors, finalement, le mythe est-il justifié?

Sans doute, mais la multiplication des hôtels, avec leur nombre démesuré de bungalows sur pilotis gâche vraiment le paysage. Quelques bungalows avec leurs toits de palmes, discrètement posés au milieu des cocotiers, c'est joli.

Mais une centaine de plateformes sur piliers en béton, avec des cases identiques bien alignées et dénuées de charme, avançant sur l'eau du lagon pour que chacun puisse faire plouf depuis sa terrasse, c'est laid et ça n'a plus rien d'exotique. Je ne suis pas sûr que le touriste y trouve son compte, en tous cas pas ici. D'ailleurs la fréquentation est assez basse, et pourtant il y a encore de nouveaux projets en construction.

Peut-être un effet de la défiscalisation?


En ce qui concerne les fonds sous-marins, ce n'est ni mieux ni pire que dans les autres îles de l'archipel de la société: le corail n'est pas fantastique (pour ce qu'on peut en voir entre 0 et 10 mètres de profondeur), il est parfois même complètement mort, tout blanc, devant certains hôtels dont les clients palment plein d'enthousiasme à la recherche des belles images qu'ils ont dans la tête ... désillusion! Il reste quelques endroits préservés, rares, où l'on emmène les touristes en excursion. La faune se débrouille avec ce qui reste de son habitat, et il est encore assez facile d'observer les jolis poissons.
Nous avons rencontré ici la plus grosse raie manta de notre existence, plus de trois mètres d'envergure, elle se nourrissait tranquillement devant la pointe Tuiahora par 6 mètres de fond, nous avons pu plonger plusieurs fois et nager à ses cotés.


Devant le motu Taurere, à la pointe Faroone, nous avons croisé un vol d'une dizaine de raies aigles, c'est toujours un spectacle d'une grande beauté. Quand on n'a pas la chance de passer, comme nous, plusieurs heures par jour dans l'eau, dans des endroits accessibles seulement en bateau, les opportunités de rencontre sont plus rares. Mais comme le touriste n'a que peu de temps, il faut lui organiser ses grands moments inoubliables: c'est pourquoi ici on nourrit les poissons à heure fixe et toujours aux mêmes endroits: ils sont habitués, ils sont là à coup sûr. C'est une très mauvaise pratique, mais il faut faire marcher le business!

On nourrit tout: les requins, les raies, les murènes,... Nous avons assisté à une de ces séances près de la barrière de corail, à l'ouest de la baie Tehou. On repère de loin une barque remplie de monde, que survolent des oiseaux, qui plongent pour prendre leur part du festin. Quelques requins pointe-noire tournent prudemment sans s'approcher, ce sont surtout les raies pastenagues qui sont l'attraction ici.

Elles sont une bonne quinzaine à se disputer les petits poissons que des guides leur donnent dans la gueule. Nous nous joignons au groupe. Dans un mètre d'eau, nous sommes frôlés, entourés, bousculés même par cette meute. Il faut parfois les repousser en saisissant leur museau à pleine main quand elles nous montent dessus (leur gueule est dessous). Elles ne sont pas agressives, juste gourmandes, comme des chiens à qui on donnerait des morceaux de sucre.
C'est une attraction plaisante, mais on est loin de la vie sauvage...

Enfin, ne boudons pas notre plaisir, c'était quand même de belles, d'extraordinaires vacances. Elle a quand même de beaux restes, la perle du Pacifique, surtout quand on la découvre sur un catamaran, qu'on a le temps, que l'on peut explorer tous ses recoins en liberté, loin de l'industrie touristique!
Nous voilà revenus à Raiatea, après un joli bord de près dans 15 noeuds de vent. A nouveau amarrés dans la marina d'Uturoa, il n'y a plus qu'à attendre les prochaines vacances (du 7 décembre au 6 janvier!) pour de nouvelles aventures ...