Journal des Îles sous le Vent - Janvier 2008

 

Visite de Tahaa

Après un jour de l'an pourri, abrités sous la pluie dans la baie de Haamene, le ciel bleu est revenu juste à temps pour nous permettre une jolie visite de l'intérieur de l'île de Tahaa. Nous amarrons Imagine au fond de la baie de Hurepiti, sur une bouée devant le joli fare d'Alain Plantier, ancien navigateur installé ici depuis 20 ans, et passionné de botanique. Il nous fera découvrir les plantes, leur histoire liée à celle du peuplement de ces archipels au cours des millénaires, leur utilisation ancestrale qui disparaît peu à peu ...

L'île Vanille, c'est le surnom de Tahaa, qui produit une part importante de la vanille de Polynésie. Nous avons eu droit à une démonstration de pollinisation de cette plante : il n'y a qu'au Mexique, pays d'origine de la vanille, où la fécondation est assurée par les oiseaux et les insectes.
Partout ailleurs dans le monde, la vanille a été importée et il faut intervenir à la main, fleur par fleur: à l'aide d'un outil pointu (un bâtonnet ici) on fait passer le pollen de la partie mâle vers la partie femelle de la plante.
En général toutes les plantes fleurissent en même temps, et la fleur a une vie très brève, il faut donc répéter ce geste délicat plusieurs milliers de fois dans une journée.

La végétation dense de Tahaa

Pas facile la piste, même en Land Rover

Mais la vanille n'est qu'une des 2700 plantes de Polynésie, dont moins d'un millier sont indigènes. Une cinquantaine de plantes ont été amenées sur les pirogues par les premiers habitants, sélectionnées chacune en raison de leur usage bien défini.
Le pandanus par exemple fournit les feuilles pour les toitures, et son fruit mûr une levure dont on se servait pour fabriquer une boisson alcoolisée. D'ailleurs, la fleur de pandanus se dit Hinano en polynésien, et c'est aussi la marque de l'incontournable bière locale.
Le bancoulier est également appelé arbre-lumière: ses noix mûres sont enfilées en brochettes. Six fruits brûlent en une heure environ, ça permettait donc aussi de mesurer le temps!

 

Le pandanus, un des arbres les plus utiles

Le fruit du Noni

Un shampoing au rea maeruru
 

L'écorce du purau, ou hibiscus à feuille tilleul, fournit du cordage extrêmement résistant. Ses larges feuilles sont utilisées pour cuire et présenter les aliments.
Le rea maeruru, de la famille du gingembre, est un savon et un shampoing naturel, démêlant et embellissant, j'ai testé pour vous!
Le noni est une plante miracle en Polynésie. Le jus de ses fruits est connu pour ses vertus médicinales, c'est un puissant antioxydant, sur lequel l'industrie pharmaceutique mondiale mène des recherches. D'ailleurs, nous en buvons ici tous les matins au petit déjeuner, le goût est atroce mais il parait que c'est le secret de la force des Maoris ...

On ne peut pas retranscrire le savoir d'Alain en quelques lignes, mais il y a vraiment tout ce qu'il faut pour vivre dans cette végétation, que ce soit pour manger, boire, fabriquer des objets, construire, s'habiller, laver, décorer, parfumer, soigner, ... Il semble pourtant que seuls quelques anciens détiennent encore cette connaissance, les autres s'approvisionnent au supermarché local, c'est vrai que c'est plus facile! Espérons que ces plantes survivent, on n'a pas encore percé tous leurs secrets.


La fleur de l'ylang-ylang, aphrodisiaque
et bien connue des parfumeurs

Le fruit du bois de rose
produit une teinture jaune


Un tiare taina,
juste pour décorer


Une moule géante

Après cette visite botanique, nous sommes retournés au mouillage de Tau-Tau, dont nous avions visité le jardin de corail au mois d'aôut. C'est amusant de reconnaître les endroits et d'y retrouver les mêmes poissons, sédentaires et fidèles à leur quartier.
Plus loin sur des fonds de sable, notre copain Armel a dégoté une moule géante. Ce n'est la faute ni à Tchernobyl, ni à Moruroa, c'est simplement une espèce locale, atrilla vexillum, ou o'ota en polynésien, menacée et protégée. On l'a donc sagement remise à l'eau.

 

Vu d'avion, c'est pas mal non plus ...

Après ces très bonnes vacances, tout le monde a repris le chemin de l'école, sans grand enthousiasme, mais les résultats sont toujours là. Bastien a changé de classe de sixième, et il a abandonné la voile pour le tennis. Romain va devenir imbattable au ping-pong.
Moi aussi je retourne à l'école: tout petit déjà, je regardais les avions voler, et aujourd'hui encore il me font lever la tête. Peut-être parce que je suis né sous le vacarme des avions en approche de l'aéroport d'Orly? C'est sans doute un des premiers bruits que j'ai entendu. Toujours est-il que quand mon copain Claude m'a offert un petit tour dans l'ULM de l'aéroclub des Îles Sous le Vent, le rêve de voler est revenu en force. Quel bel endroit pour apprendre à piloter! Ma photographe préférée n'a pas loupé ce premier décollage dans le magnifique Tecnam P2002 Sierra, un ULM qui a tout d'un avion, sauf le poids: 450 kg avec pilote, instructeur, et carburant. Cours théorique une fois par semaine, ça fait travailler les méninges, et instruction en vol aussi souvent que possible. Après 3 heures aux commandes, je ne sais toujours pas atterrir seul sans l'aide de l'instructeur, un détail que je compte bien corriger très vite! Je n'ai pas encore eu beaucoup le temps d'admirer le paysage, mais ce lagon est vraiment pas mal vu d'en haut!


 

Les élections territoriales en Polynésie

L'événement de ce début d'année, ce sont les élections anticipées des représentants de l'assemblée de Polynésie, qui éliront le futur président du territoire. Ces trois dernières années, pas moins de cinq présidents se sont succédés, au gré des motions de censure, des retournements de veste et des alliances opportunistes contre nature. Le pays et ses habitants sont les principales victimes de cette instabilité chronique qui paralyse le développement, mais la caste politique qui se partage le pouvoir depuis toutes ces années ne semble pas s'en soucier outre mesure.

Pour les observateurs extérieurs et nouveaux que nous sommes, et sans rentrer dans des discussions politiques, on constate un manque flagrant de maturité, tant dans la gestion des affaires que dans les discours politiques: désinformation, propos xénophobes intolérables, propagande de bas étage sur les radios des différents partis ... sans parler des détournements de fonds et magouilles financières diverses (mais on connaît ça aussi en métropole!). Le débat oppose essentiellement les indépendantistes, qui veulent faire de la Polynésie un pays à part entière, sans la France, et les autonomistes, qui veulent rester français mais avec une autonomie maximale de gouvernement.

La différence entre ces deux voix semble parfois plus idéologique que pragmatique, et l'affrontement n'apporte pas les solutions aux problèmes quotidiens des Polynésiens.
Un fait incontournable est que les ressources économiques de ce territoire de 260000 habitants proviennent à 80% de l'état français (1,3 milliard d'euro par an), les 20% restants étant assurés par le tourisme et la perliculture, qui connaissent quelques difficultés... Une économie artificielle donc, qui donne lieu à des comportements et des distorsions qu'il sera difficile de corriger pour revenir dans le monde réel.
Résultat de l'élection le mois prochain .... bon courage aux Polynésiens!