Journal des Îles sous le Vent - Février 2008 |
La pêche au caillou
Nos amis Jean-Pierre et Manu
viennent nous chercher à la marina dans leur speed-boat pour rejoindre
le motu Ceran à Tahaa, où une pêche au caillou est
organisée, suivie d'un barbecue sur le motu. Pêche au caillou?
Non, ça ne veut pas dire qu'on va ramasser et manger des cailloux!
Le caillou n'est que l'instrument de cette pêche traditionnelle:
il s'agit de disposer des rabatteurs autour d'une large zone (environ
1 km² aujourd'hui car la main d'oeuvre est nombreuse), qui frappent
la surface à l'aide d'un caillou pour effrayer
et chasser les poissons du lagon en direction d'un filet terminé
par un piège. |
Un des seuls rabatteurs utilisant un vrai caillou |
On se jette à l'eau pour repousser le filet et les poissons vers la nasse |
Aujourd'hui, si le principe reste inchangé,
c'est une version modernisée que nous pratiquons: les rabatteurs
sont motorisés, à 4 ou 5 par bateau, et le caillou est plutôt
remplacé par tout ce qui peut se trouver à bord (palmes,
gaffes, les pieds ...), sans compter le vacarme des moteurs et les remous
des hélices sous l'eau. Les pauvres poissons se ruent vers les
filets. Là il faut continuer à les rabattre, d'abord à
la nage puis en marchant pour replier les bords du filets vers la nasse
finale, gros cylindre de grillage qui stockera la pêche du jour
et sera ensuite remorqué sur la plage. |
Le résultat est à la hauteur des appétits: carangues, becs de canne, dorades, tous de belle taille. Les plus petits sont rejetés. Les femmes les vident et les écaillent sur des rochers, les hommes les cuisent au barbecue. Tout le monde se jette ensuite sur le ma'ha tahiti, le repas traditionnel, où l'on trouve à volonté du poe, enveloppé dans des feuilles de bananier, du poisson cru à la tahitienne ou grillé, assaisonné en option de mitihue, le lait de coco fermenté, de la viande grillée, du ipo à la vapeur ou au four, et bien sûr, du riz.
Les femmes préparent le poisson ... |
que les hommes cuisent au barbecue |
Dans la chaleur du début d'après-midi, on a du mal à bouger après ces excès caloriques. Les polynésiens restent à l'ombre, jouent de la musique et chantent. Les popaas que nous sommes participent aux distractions organisées pour eux: concours de débourrage de noix de coco, course de porteurs de fruits pour les adultes et les enfants, d'autres jouent au volley... Dure journée!
Vacances à Miri-Miri
La semaine de vacances scolaires de février
a commencé au mouillage devant le motu de Miri-Miri à moins
d'une heure de navigation dans le lagon. Romain et Bastien ont passé
la première nuit à faire la fête sur le motu avec
une bande de copains, on les a récupéré bien fatigués
le lendemain! Puis le temps variable et pluvieux et surtout les ennuis mécaniques ont bien perturbé le programme. J'ai passé pas mal de temps à fond de cale en tête à tête avec mes moteurs, pour des fuites de pompe à eau, des faiblesses d'alternateur à bâbord comme à tribord, des courroies neuves qui se désagrègent en quelques heures, ... |
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Crépuscule sur Miri-Miri |
Les cascades ruissellent à la moindre averse |
Le jour où l'on décide que les moteurs peuvent
supporter une petite navigation pour aller mouiller plus loin dans le lagon,
c'est Enide, un bateau de la marina en compagnie duquel nous naviguons qui se
retrouve en panne moteur (fuite d'huile) à 500 mètres du récif!
Pas de vent pour se déhaler, nous restons en sa compagnie pour le remorquer
au cas où, mais il parvient en poussant le bateau avec son annexe à
retourner à notre point de départ, Miri-Miri. C'est là
que nous finirons la semaine, et finalement, ce mouillage est magnifique, pourquoi
toujours aller chercher plus loin?
Nous ne nous sommes pas ennuyé une seconde. Chasse sous-marine, comme
d'habitude, mais aussi pêche au ma'oa (une sorte d'escargot de mer) qui
se pratique à pieds à marée basse sur le bord extérieur
du récif battu par les vagues. Pascale nous a préparé un
délicieux curry, enrichi des pahua (bénitiers) que Romain nous
avait ramassé. Nous avons eu aussi l'occasion d'essayer enfin un vrai
va'a, la pirogue à balancier polynésienne, engin très fin
et rapide, très instable aussi!
![]() Pascale s'initie au va'a |
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Et puis le paysage est si beau ici: Bora-Bora à l'horizon
derrière la palette de bleus du lagon, les montagnes de Raiatea, gorgées
d'eau et ruisselantes de cascades après chaque averse, les nuages, la
touffe de cocotiers du motu, les deux mètres d'eau claire sous les coques,
qui nous laissent observer les raies de passage ou les poissons-coffres et les
carrelets fouillant le sable à côté de notre chaîne
d'ancre ...
Bastien souffle ses 12 bougies! Les anniversaires passent et ne se ressemblent pas: |
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La grande farce électorale! L'actualité locale la plus importante est bien
l'élection du Président de Polynésie Française.
La population votait fin janvier pour élire les 57 députés
de l'assemblée de Polynésie, qui à leur tour élisent
le Président. Il n'y a pas de suffrage universel direct en Polynésie.
Le scrutin a donc été particulièrement clair et cruel pour Gaston Flosse. Lui, le "père" de l'autonomie polynésienne, qui régna sans partage de 1972 à 2004, est largement battu et arrive bon dernier! Fort logiquement, Flosse et les leaders de son parti déclarent publiquement, dans tous les médias, leur soutien à l'autre parti autonomiste arrivé en tête en frôlant la majorité absolue, et rappellent leur attachement à la France. Le lendemain, c'est pourtant ce même Gaston Flosse qui est élu Président de la Polynésie Française, par 29 voix contre 27 et 1 abstention! Comment, dans une démocratie, devenir président
quand on est dernier d'une élection avec moins de 20% des voix?
Simple: il suffit de s'allier en douce avec son adversaire politique de
toujours, Oscar Temaru! Un peu, toutes proportions gardées, comme
si Chirac s'était présenté pour un nième mandat
et s'était allié à Royal pour battre Sarkozy! |
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Le nouveau gouvernement de Polynésie compte désormais
10 ministres indépendantistes sur 15, et l'assemblée est
présidée par Oscar Temaru, l'indépendantiste de toujours.
Sa fille, 26 ans, est ministre de l'environnement. Un gendre de Flosse
est vice-président de la Polynésie, un autre est ministre.
Ces gens ont le sens des relations familiales, à défaut
de celui de la famille politique! Le comble, c'est que la première séance de l'Assemblée s'est tenue en l'absence de Flosse, qui était entendu ce jour-là par un juge d'instruction à la suite d'une plainte déposée il y a 4 ans par Temaru! |
Un électeur qui croyait en l'alliance annoncée des partis autonomistes ... |
Après tout, aussi improbable soit-elle, n'importe
quelle alliance est légitime pourvu qu'elle soit faite au grand
jour avant les élections. Ça n'a pas été le
cas ici. Comment faire confiance à des hommes politiques si grossièrement
cyniques et manipulateurs de la confiance des électeurs? C'est la question que se pose la grosse majorité des Polynésiens aujourd'hui ... à suivre. |
Croisière de luxe
Les paquebots de croisières sont nombreux à faire escale
à Raiatea. Ils déversent leurs passagers dans les rues
d'Uturoa, certains viennent s'égarer jusque dans notre marina,
nous filment et nous photographient dans notre quotidien comme des curiosités
touristiques ... |
Le Star Flyer, en escale à Uturoa |
![]() |
Celui-là n'emmènera plus grand-monde sur
l'eau!
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Les Miss Confiture Les fruits tropicaux sont tellement abondants qu'ils finissent régulièrement en pots de confiture, selon l'inspiration du moment: papaye-citron vert, ananas-papaye-gingembre, banane-citron, etc... La dernière en date est la gelée de goyave sauvage, et sa variante, pomme-goyave-citron vert. Mais une confiture, ça se mérite: les navigatrices de la marina n'ont pas hésité à escalader les pentes abruptes et ensoleillées du mont Tapioi qui domine Uturoa pour aller cueillir les petits fruits acidulés des goyaviers sauvages. |
![]() L'équipe des Miss Confiture |
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L' année du Rat Kung Hi Fat Choy! Bonne année! |
Année du rat ou pas, il n'y a pas de cadeaux
entre rats! Celui-là a sans doute voulu fêter le nouvel an chinois à sa manière en venant dévorer les fruits suspendus dans le cockpit d'Imagine. Mais ici, le rat, c'est moi. Et il n'y a pas de place pour d'autres rats à bord. Il aimait trop la noix de coco, sa troisième visite lui fut fatale! Espérons qu'il n'a pas indiqué le chemin à ses copains que l'on voit parfois galoper furtivement à travers les pontons ... |