Imagine en Colombie - Cartagena de Indias

Mi amor, mi vida !  par Pascal


Du 24 octobre au 4 décembre 2006

Mi Amor, mi vida!
La première fois qu'on m'a appelé "mi amor" dans la rue, j'ai cru avoir mal compris. "La dame là, elle m'appelle mon amour? et moi, je dois aussi lui dire mon amour?". Et puis on s'habitue, et même on adore cette façon en Colombie, comme en d'autres pays d'Amérique latine, dont les gens s'interpellent par des noms affectueux, "mi amor", "mi vida", voire "mi cielo", aussi naturellement que nous userions du monsieur ou madame. Dans un magasin, une dame hèle un vendeur, "mi amor, donde estan las bombillas", la marchande de fruits au marché "si mi amor, tres mil por un kilo", au bar "que quieres mi amor?"... c'est quand même plus sympa que "et pour le monsieur ça sera quoi?"!
Le plus difficile, c'est de franchir l'étape suivante, c'est à dire utiliser soi-même ces expressions naturelles et chaleureuses. Nous n'avons pas osé, n'ayant pas compris toutes les subtilités de la langue, afin d'éviter quelques malentendus ... est-ce que je peux interpeller d'un "mi amor" ce gros barbu qui attend là-bas pour lui demander un renseignement? Et vraiment, il ne va pas se fâcher si je donne du "mi vida" à sa femme? Je ne parle même pas de la mienne ...

Marco et Véro
Marco et Véronique vivent dans le vieux quartier de San Diego, une charmante maison si typique qu'elle figure dans un livre sur l'architecture de Cartagène. Nous les avons rencontré grâce à une amie colombienne de Montpellier.

Marco est musicien, il joue de la gaita, la flûte traditionnelle des indiens du nord de la Colombie, et il chante avec son groupe les chansons qu'il écrit, des textes actuels sur des musiques inspirées du folklore de cette région.
Véronique est française, elle est la responsable à Cartagène de l'ONG Terre des Hommes, qui s'occupe ici des populations déplacées par le conflit (voir ci-dessous), ainsi que de la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants.
Emilio, leur petit garçon de 15 mois, deviendra vite le grand copain de Bastien pour de belles parties de rigolades.

Véro, Marco, et Emilio

C'est grâce à Marco et Véro que nous avons pu vraiment apprécier Cartagène et la Colombie (même sans la visiter!), comprendre la vie d'ici, la culture, la musique, la situation du pays, à travers les nombreuses discussions sur tous les sujets, les soirées passées ensemble, les sorties en ville, les dimanches à la plage, les rencontres avec leurs amis, ... Nous avons passé plein d'excellents moments ensemble, inoubliables!

La situation du pays, terrorisme, cocaïne, et sécurité
Depuis la colonisation espagnole qui débuta en 1500 environ, l'histoire de la Colombie est pleine de conflits. D'abord pour le contrôle de cet redora, où les puissances européennes venaient affirmer leur puissance et régler leurs comptes, puis pour se débarrasser des espagnols et fonder en 1819 la république fédérale de Grande Colombie (qui incluait alors l'Equateur, le Venezuela et le Panama avant qu'ils ne fassent sécession) sous la conduite du héros sud-américain Simon Bolivar. Depuis ce jour les luttes pour le pouvoir interne entre conservateurs et libéraux n'ont connues que peu de répit, que le pays a quand même mis à profit pour opérer un important développement économique basé sur le café, le pétrole, et les ressources minières dont l'émeraude et l'or. Dans les années 1950, des paysans attirés par l'émergence du communisme fondèrent des zones d'autodéfense, rapidement contrôlées par leurs propres forces de guérilla, donnant naissance aux tristement célèbres FARC (Forces Armées Révolutionnaires de Colombie), à qui on attribue une moyenne de 27000 assassinats et 2700 enlèvements chaque année, plus quelques centaines d'attentats. D'autres mouvements de guérillas suivirent, ainsi que des groupes paramilitaires d'extrème droite tout aussi terribles sous la justification de défendre l'intérêt des riches propriétaires contre les FARC. Tous ces groupes sont impliqués dans la culture et le négoce de la cocaïne, le nerf de la guerre, et finalement on se demande si la justification politique n'est pas simplement devenue un prétexte à l'existence d'organisations de narco-trafiquants.
Le président Uribe, très populaire ici, mène une politique de neutralisation de ces mouvements terroristes et de lutte contre la corruption, et le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas au bout de ses peines. Les membres des groupes politiques qui déposent les armes reforment souvent des bandes armées qui reprennent leurs activités criminelles, drogue, racket, enlèvements ...
La culture de la coca est difficile à éradiquer, la Colombie est le premier producteur mondial de cocaïne et l'argent du narco-trafic nourrit toute une économie sous-terraine, les programmes immobiliers fleurissent un peu partout et les buildings de verre rutilants de Boca Grande sentent la poudre blanche à plein nez. Il y a bien un programme d'arrachage des plants de coca, mais il est limité. Les arracheurs travaillent au risque de leur vie, des groupes entiers se sont fait massacrer, d'autres sautent sur des mines antipersonnelles dans des plantations piégées. La cocaïne ne fait pas seulement ses victimes parmi les populations des Etats-Unis et d'Europe, elle touche en amont les enfants colombiens. Le slogan "gardez les enfants loin de la drogue" prend ici une toute autre signification que chez nous : un enfant est tout simplement plus rentable pour sa famille à travailler sur une plantation de coca qu'à l'école. La cocaïne le prive de son futur sans même qu'il en consomme. Les conséquences sur l'environnement sont également désastreuses pour la Colombie. Pour planter un hectare de coca, il faut d'abord en déforester trois. Puis les sols sont traités avec force insecticides, herbicides, fongicides et autres fertilisants (on estime la quantité utilisée en 2000 à 4,5 millions de litres de ces produits pour les plantations illicites). Enfin, l'extraction de la cocaïne de la plante, dans des laboratoires clandestins, nécessite solvants et acides, qui sont rejetés dans les cours d'eau. Et pour répondre à la demande croissante du marché et échapper aux forces gouvernementales, il faut régulièrement déplacer les cultures. C'est ainsi que 2,4 millions d'hectares d'une des forêts les plus dense de la planète en espèces animales et végétales ont été détruits dans les 20 dernières années!
Malgré ce contexte peu enviable, la sécurité est en progrès. Il faut dire que la présence militaire est bien visible, partout des soldats armés sont postés dans la ville, dans la rue et même sur les toits parfois. Les accès à la ville de Cartagène sont contrôlés par des barrages filtrant tout véhicule. La ville étant une destination très prisée des vacanciers colombiens, des itinéraires sécurisés pour s'y rendre par la route depuis la capitale Bogota ont été établis et annoncés dans la presse. Avec la liberté de se déplacer, les colombiens redécouvrent le tourisme, et Cartagène connaît une période d'expansion nouvelle. Nous-même en tant que touristes nous sentons en sécurité ici, en tous cas pas plus en danger que dans n'importe quelle ville du monde quand on est étranger.

Le Club Nautique
Le premier contact avec Cartagene se fait par la mer, d'abord la lente arrivée en traversant la baie depuis Boca Grande jusqu'au quartier de Manga, puis le mouillage devant le Club Nautique. Il y a déjà une quarantaine de voiliers à l'ancre, et presque autant sur les pontons sommaires. Cartagene est une étape populaire sur la route de Panama, idéale pour attendre la bonne saison. Le club nautique est un endroit très convivial où l'on rencontre des équipages de toutes nationalités dans une ambiance très décontractée, et, chose nouvelle pour Romain et Bastien, il y a pas mal d'enfants, et même quelques ados! C'est l'occasion de tester et de compléter les connaissances linguistiques apprises par les cours du CNED, ici on baigne dans l'espagnol et dans l'anglais, il y a peu de jeunes français. Bastien nous demande des cours d'espagnol, il y a un prof qui vient quotidiennement au club nautique, il aura donc son cours particulier tous les jours. En fait, on se croirait plus dans un club de vacances que dans une marina: dès le bateau enregistré, un crédit lui est ouvert pour les consommations au bar, les petits plats du restaurant (et les copieux petits déjeuners avec fruits et jus de fruits frais, et café colombien à volonté), la lessive, et même internet à bord avec le Wi-Fi. Chaque mercredi on va régler sa note au bureau, le système est basé sur la confiance et apparemment ça fonctionne bien. Tous les soirs, les équipages se retrouvent autour du bar, chacun raconte son parcours, partage ses expériences et ses bons tuyaux, donne des nouvelles d'un autre bateau qu'on avait perdu de vue ... typiques discussions de marins. En plus de ces "happy-hours", des soirées sont organisées, surtout à l'initiative des américains, comme des "pot-luck" ou chacun amène un plat et mange au pot commun, ou encore une soirée Haloween (chaude ambiance!), et une autre pour Thanksgiving, avec bon repas, musique, et danses traditionnelles. Dans la journée, un billard est à disposition, et les enfants deviennent vite des inconditionnels. Il arrive aussi qu'ils disputent des parties d'échec avec un vieux colombien qui trouve là quantité de partenaires de tous âges et horizons.


Bastien motivé pour apprendre l'espagnol

On devient des pros du billard

Mais on ne fait pas que s'amuser. Quelques jours après notre arrivée, nous avons la chance de trouver une place au ponton, qui nous permet de bricoler dans de meilleures conditions. Je répare le radar (qui nous avait lâché au départ d'Aruba), monte au mat pour vérifier le gréement, changer quelques ampoules, vérifie les moteurs ... tout va bien à bord. On fait réparer les coutures du lazzy-bag, déjà cuites par le soleil, on dessine et fait réaliser un système de récupération d'eau de pluie pour remplir nos réservoirs plus facilement si jamais notre dessalinisateur nous lâchait dans le Pacifique, on fait coudre des housses pour nos winches, et autres bricoles ...

Cartagena de Indias
Cartagène, aussi appelée Cartagena de Indias pour ne pas la confondre avec d'autres cités du même nom, classée patrimoine mondial par l'Unesco, a la réputation d'être la plus belle ville des caraïbes, et même du monde si on écoute ses habitants. Nous ne tardons pas à aller vérifier par nous-même, à pieds depuis la marina, par un après-midi chaud et menaçant. Le club nautique est situé dans le quartier de Manga, qui fût celui des nouveaux riches vers la fin du 19ème siècle. Aujourd'hui c'est un étonnant mélange de belles demeures anciennes décaties, de style curieusement mauresque, noyées parmi de grands immeubles modernes témoignant de la folie immobilière en cours depuis peu. En allant vers le centre ville, le vieux quartier de Getsemani entouré de murailles donne un avant-gout de l'architecture coloniale, et nous observons avec intérêt l'animation dans les rues de ce quartier vivant et populaire.
Nous pénétrons dans le coeur de la vieille ville par la porte de l'horloge à travers une deuxième muraille, plus ancienne. Il y a beaucoup à voir dans cette ville. Il faut sans arrêt lever le nez pour admirer les balcons en fleurs, les motifs sculptés dans la pierre sur les façades ou autour des vieilles portes en bois massif. Les couleurs des maisons sont magnifiques, dominées par un mélange de toute la palette des ocres sur les murs, ou quelquefois des vieux bleus, enrichies par la patine du temps et de l'humidité. Les balcons, outre les fleurs qui courent et dégringolent, sont en bois vernis ou peints de teintes plus soutenues, verts, bleus, blancs ... un régal pour l'aquarelliste.


Une rue de la vieille ville

Partout des balcons fleuris

La ville est pleine de monuments, d'anciens couvents, d'églises, de sculptures anciennes et récentes, de places, on en a plein les yeux! Mais Cartagène n'est pas qu'un décor de cinéma, c'est une ville très vivante et le spectacle de la rue est tout aussi intéressant, avec ses marchands à la criée, ses petits métiers, ses étalages sur les trottoirs et ses boutiques, ses odeurs, ses calèches, vestiges du siècle passé qui promènent maintenant les touristes, la musique qui sort de tous les cafés et de beaucoup de maisons, et les gens, tout simplement. C'est une ville où l'on peut déambuler au hasard pendant des heures, la nuit pour ses lumières, le jour sous la chaleur écrasante en cherchant l'ombre sous les balcons, et nous ne manquerons pas durant notre séjour de six semaines d'y venir pour faire des courses, visiter des monuments et des musées, voir nos amis, manger au restaurant, etc.

Les touristes en visite ...
Évidemment, une telle ville ne manque pas de musées et monuments à visiter. Nous commençons par le Castillo San Felipe, vieux fort juché sur une des collines qui domine la ville. Le début de sa construction date de 1656, mais il ne fut achevé qu'en 1798 en plusieurs phases, chaque bataille révélant des faiblesses qu'il fallait compenser par de nouvelles murailles. Le résultat est une imposante et massive forteresse, équipée de 63 canons et truffée de galeries sous-terraines dans lesquelles on circule dans une semi obscurité, parfois même à tâton dans le noir. Les tunnels sont équipés d'alcôves dans lesquelles les soldats se cachaient pour surprendre l'ennemi, c'est un terrain de jeu idéal pour les enfants, et pour ceux qui sont restés jeunes!
Le musée naval, situé dans un ancien couvent magnifiquement restauré de la vieille ville (le bâtiment vaut la visite à lui seul), est très intéressant si l'on prend la peine d'étudier les maquettes des batailles qui ont jalonné l'histoire de Cartagène pour comprendre comment elles ont façonné petit à petit son architecture défensive. De nombreuses maquettes de bateaux sont exposées, qui fascinent les enfants.
Nous visitons également le palais de l'inquisition, pour lequel nous louons les services de Angel, un guide parlant français qui nous raconte en détails cette sombre période de l'histoire. L'inquisition venue pourchassa jusqu'ici les exilés qui la fuyaient en France et en Espagne. Elle dura plus de deux cents ans, jusqu'en 1811. Angel nous explique les accusations, la délation organisée, les procès truqués, les preuves fabriquées, nous montre les instruments de torture. Il y eu très peu de condamnés à mort à Cartagène, mais plutôt des peines d'exil et des confiscations de bien, un moyen comme un autre de s'enrichir...


L'imposant Castillo San Felipe

La porte du Palais de l'Inquisition

Nous notons soigneusement les coordonnées d'Angel, et nous le rappelons quelques jours plus tard pour organiser la visite du couvent de la Popa, en compagnie de l'équipage de Tahoma qui nous a rejoint à Cartagène. On ne s'était plus revu depuis Graciosa il y a plus d'un an! Nous louons un mini-bus qui nous emmène au sommet de la plus haute colline, la Popa, au sommet de laquelle les espagnols ont bâti un couvent fortifié, autre pièce dans la ceinture défensive de Cartagène. Angel est intarissable dans tous les domaines: histoire, géographie, économie, politique, ... Nous admirons la vue imprenable, au sud sur les quartiers pauvres, au nord sur l'opulence immobilière de Boca Grande, sur le quartier de Manga et le mouillage du club nautique, et plus loin sur la vieille ville écrasée, perdue dans ce paysage moderne.
Il y en a des édifices religieux dans cette ville! Nous visitons aussi la cathédrale principale près de la place Simon Bolivar, et le vieux couvent de San Pedro Claver, dont les coupoles claires émergent au-dessus de la cité. Il règne derrière ses imposantes façades de pierre une fraîcheur tranquille, à l'ombre de la végétation tropicale du jardin, et on apprécie la sérénité et le calme de la grande église. Les nombreux vitraux représentent des scènes de la vie de San Pedro Claver, surnommé l'esclave des esclaves parce qu'il leur consacra sa vie, et dont les restes sont conservés ici.


Le jardin de l'hôtel Sofitel

L'hôtel Sofitel de Cartagène est lui aussi un ancien couvent restauré, abritant un magnifique jardin tropical. Des toucans y vivent en liberté, de petites fontaines glougloutent ça et là, les confortables fauteuils appellent à la relaxation. Tout en sirotant un jus de fruits frais, je regarde, amusé, les clients qui sont là pour affaire, ou en séminaire de travail. J'ai été l'un des leurs ...

Gabriel Garcia Marquez
"Cent ans de solitude", "Chronique d'une mort annoncée", "L'amour au temps du choléra", ... l'auteur de ces romans, prix Nobel de littérature en 1982, est colombien, et a vécu quelques temps à Cartagène dans le quartier de San Diego. Coïncidence, pendant notre séjour tout un quartier du centre ville, ainsi qu'une rue du quartier de Manga étaient bouclés pour l'adaptation au cinéma de "L'amour au temps du choléra", dont l'action est située dans la ville. Apparemment la production a mis les moyens. Du coup, j'ai relu avec plaisir le livre, qu'on avait emporté sans savoir qu'on passerait par ici.

Chaud la Météo!
Nous resterons bien plus longtemps que prévu à Cartagène. Avant que ce ne soit la ville elle-même et nos amis, ce sera d'abord la météo qui nous retiendra ici. En arrivant, nous pensions repartir rapidement pour les San Blas, mais ce n'est pas encore le moment car la saison des pluies n'y est pas terminée et cette région est frappée quotidiennement par des orages d'apocalypse, terrifiants et dévastateurs. Plusieurs bateaux ont été foudroyés, électronique totalement détruite, parfois des brûlures, nous préférons éviter ce genre d'expérience! La météo de Cartagène est un peu plus calme en ce mois de Novembre, mais la chaleur est difficilement supportable dans le bateau, entre 35 et 40 degrés toute la journée dans le carré (la température annuelle moyenne est ici de 28 degrés!), et le vent faible ou nul ne permet aucune ventilation. Jamais de ma vie je n'ai autant sué. Octobre et Novembre sont les mois les plus humides de l'année, il pleut régulièrement, de grosses averses, qui amènent un peu de fraîcheur, mais aussi des cohortes de moustiques en folie!

Les Transports
On peut aller à la vieille ville à pieds de la marina, en vingt minutes, mais le plus souvent nous prenons un taxi. Un vrai, une de ces innombrables voitures jaunes qui sillonnent la ville et vous emmènent pour un prix modique n'importe où avec force klaxon et queues de poissons . Nous n'avons jamais essayé les autres sortes de taxi, plus originales, comme la carriole tirée par un vélo, ou la moto taxi. A chaque fois nous engageons la conversation avec les chauffeurs, dans toutes les villes du monde c'est intéressant d'écouter le point de vue des chauffeurs de taxi sur le monde ... et invariablement, nous racontons la même histoire, la notre. Une fois, un chauffeur, ancien mécano sur des cargos qui a parcouru tous les océans pendant trente quatre ans, n'en croit pas ses oreilles quand on lui explique qu'on traverse nous aussi les océans, en famille sur un bateau de 13 m, il éclate de rire et ne cesse de répéter, hilare, "mais vous êtes fous, vous êtes fous!!!", jusqu'à ce qu'il nous dépose finalement à notre destination, le musée naval ... Une autre fois, nous interrogeons le chauffeur sur toutes ces motos qui transportent des passagers, il semble que n'importe qui puisse s'auto-proclamer taxi. "C'est complètement illégal!" râle-t-il! "Mais que fait la police?" je lui demande, amusé. Il s'énerve un peu plus "La police? C'est la Colombie, tout est possible ici, et les policiers c'est les pires, très dangereux!". Nous voila prévenus ...

Quant aux bus colombiens, quelque soit la destination ils sont déjà un voyage à eux tous seuls. Ce sont en général de vieux Dodge ou Chevrolets hors d'âge, anciens bus scolaires américains, fumants et pétaradants, repeints de belles couleurs vives avec chacun des motifs personnalisés. A l'intérieur, ils sont décorés dans un style baroque avec profusion de tentures, breloques religieuses suspendues, statuettes de la vierge sur le tableau de bord, le tout dans des harmonies de couleurs qu'on n'oserait pas imaginer ailleurs.

Un bus colombien typique

On arrête le bus où l'on veut, un petit signe dans la rue pour monter en marche, et pour descendre il suffit de crier "parada" (arrêt) bien fort pour couvrir le bruit du moteur. La conduite est souvent assez agressive, toute au klaxon, à l'intimidation, faite d'accélérations brutales et de coups de freins intempestifs. On a plutôt l'impression de disputer un rallye dans une voiture de course de 50 places, les bus se frôlent dans les virages en roulant sur plusieurs files, on est finalement bien soulagé de se trouver coincé dans un embouteillage! A chaque arrêt, des vendeurs montent et vendent à la criée des bonbons, de l'eau, des fruits, en restant longtemps on pourrait presque y faire son marché!

La musique
Nous étions totalement ignorants de la musique colombienne à notre arrivée, on a bien fait de venir! On a découvert une culture musicale d'une grande richesse, très liée à l'histoire du pays, on a adoré!
On peut schématiser en disant que, au début, avant l'invasion espagnole et l'esclavage, il y avait la gaita. Faite d'une longue tige creuse de cactus, avec une embouchure de cire d'abeille mélangée à du charbon végétal, dans laquelle est fichée une plume creuse, cette flûte ancestrale accompagnée des traditionnels maracas est à la base de la musique indigène des indiens de la région nord de la Colombie, la côte caraïbe, la région de Cartagene. Les conquistadors sont ensuite arrivés, ont fait venir des esclaves noirs, dont les tambours et les rythmes africains se sont alors mêlés aux flûtes des indiens américains victimes des mêmes bourreaux. Les espagnols y ont peu à peu intégrés des variations mélodiques, des paroles, la danse andalouse et ses costumes. De ce triple métissage est née la cumbia, le bullerengue, et une multitude de variantes de la musique originelle des gaiteros, on s'y perd un peu dans tous ces rythmes mais peu importe, la musique est bonne!
Depuis, la cumbia a évolué pour intégrer l'accordéon et des instruments électroniques, c'est aujourd'hui une des musique les plus populaires d'Amérique Latine. Il y a même une cumbia, "La Colegiala", qui déferla sur l'Europe pour vanter le bon goût d'un café dans une publicité. Bien sur une telle musique se danse, c'est une danse sensuelle, de séduction, que tout le monde semble pratiquer ici, j'en serais moi-même bien incapable, mais quel spectacle à regarder !
Pour notre dernière soirée à Cartagène, Marco et Véro nous avaient invité à un double concert dans le magnifique décor de la cour du couvent de Santo Domingo. Etelvina Maldonado, 76 ans, chante et danse le bullerengue avec sensibilité, joie, tristesse, mélancolie, et une incroyable énergie. Petrona Martinez, autre chanteuse d'un âge très respectable, moins expressive sur scène mais toute aussi adorée du public, assure la deuxième partie. La foule danse devant la scène, et aussi parfois sur la scène avec les artistes, prise dans la transe de ces irrésistibles rythmes afro-colombiens. Grosse ambiance, inoubliable soirée!


Etelvina Maldonado

Le public monte et danse sur scène

Autre genre musical tout aussi représentatif de l'identité colombienne, le Vallenato est encore plus populaire dans le pays: on l'entend partout dans les bars, restaurants, hôtels, taxis, bus, à la plage, dans la rue ... Également originaire de la cote nord de la Colombie, cette musique d'origine paysanne a subi les mêmes influences africaines et espagnoles, mais avec des instruments différents, notamment le guacharaca (sorte de bâton strié que l'on gratte en rythme) et l'accordéon. Aujourd'hui, les groupes de de Vallenato utilisent tous les instruments modernes, mais la musique reste typique et immédiatement identifiable.
On profite d'autant mieux de toute cette musique que la notion de tapage nocturne semble totalement étrangère à la population. Un seul exemple: de trois heures à cinq heures du matin, un automobiliste gare sa voiture le long de la route qui borde la baie, à côté du club nautique. Il ouvre grand les portes et se met ses vallenato préférés à fond sur sa stéréo surpuissante, puis se met à chanter avec ses idoles (pas mal d'ailleurs). Personne ne râle dans les immeubles environnants, ça doit être normal !

Carnaval
Nous avons eu la chance de venir à Cartagène à la période du carnaval, la fête la plus importante de l'année ici, pour laquelle la ville entière s'enfièvre encore un peu plus que d'habitude. Le 11 novembre est la date anniversaire de l'indépendance de la ville, et c'est aussi maintenant celle de l'élection de Miss Colombie qui marque le point culminant de la fête, mais les défilés, la danse et la musique partout dans la rue commencent bien avant.
Nous découvrons la folie ambiante pour la première fois un soir en rentrant de la plage avec Marco et Véro. Il y a foule dans les petites rues du quartier San Diego, la fête a du commencer dans l'après-midi car les gens sont déjà bien excités, les pétards fusent et viennent après une course erratique exploser bruyamment n'importe où (et surtout dans les pieds et les oreilles comme par hasard), le rhum coule à flots, la musique sort de chaque maison, chaque bar, se mélange et rythme le tumulte de la rue ... chaude ambiance! Mais nous sommes avec les enfants, nous préférons battre en retraite prudemment pour ce soir.
Nous retournons en ville quelques jours plus tard, l'ambiance est encore montée d'un cran, c'est aujourd'hui que vont défiler les prétendantes au titre de Miss Colombie. Les rues sont déjà bien animées en ce début d'après-midi. De curieux personnages circulent, seuls ou en petit groupes, entièrement recouverts d'une espèce de peinture ou de goudron noir ou bleu. A votre approche ils vous demandent quelques pièces, menaçants et grimaçants, et si vous refusez, ils vous maculent de leur peinture. Mieux vaut se promener avec des réserves de petite monnaie! Des copains de Marco font un petit concert improvisé de musique traditionnelle devant sa maison. Des groupes de gens circulent, jettent de la farine, de l'eau, dansent, rient ... Nous partons avec Véro à travers la foule pour aller regarder le défilé depuis la terrasse d'une de ses amies. La police est partout, impressionnante. En grimpant sur une balustrade, on arrive à voir par dessus les têtes les chariots de carnaval sur lesquels dansent les candidates. Beau spectacle, mais celui de la foule en liesse n'est pas mal non plus. Beaucoup de bousculades, de batailles d'eau (il fait extrêmement chaud), de jets de farine et de peinture, le tout dans la bonne humeur, à cette heure on n'observe encore aucun comportement agressif. Pourtant, sans raison apparente, la police intervient soudain en nombre et très brutalement. Les coups de matraques pleuvent sur les têtes, ils n'y vont pas de main morte, et d'ailleurs les secouristes suivent la troupe au petit trot avec les civières! Quelques grenades lacrymogènes sont également lancées, ça casse l'ambiance! Puis tout recommence comme si de rien n'était. La foule se disperse finalement dans le calme à la fin du défilé.


Concert de rue devant chez Marco et Véro

Le spectacle est dans la foule ...

Moins spectaculaire car certainement moins riche, le défilé du quartier de Getsemani est intéressant pour son côté populaire. On s'y rend à pieds depuis le club nautique. C'est amusant de voir que personne parmi les habitants ne connaît vraiment l'itinéraire du défilé, alors chacun attend à sa place, et nous nous posons sur les vieilles murailles, profitant de l'ambiance extrêmement sonore du carnaval. Les premières bandes débouchent enfin au coin de la rue en fin d'après-midi. Les costumes sont simples, peu travaillés. Ce sont des groupes de quartiers sans grands moyens, et les danseurs sont apparemment en fin de parcours ... Ça valait quand même le déplacement.

Le CD de Marco

Marco enregistre son nouveau CD. Il voudrait le rire de son fils Emilio pour l'intro d'une des chansons, le problème c'est qu'il faut déclencher son rire sur commande, dans l'ambiance inhabituelle et austère pour lui du studio d'enregistrement. Marco et Véro ont alors l'idée d'embaucher Bastien, qui fait souvent rire Emilio aux éclats, et c'est ainsi qu'un après-midi, nous nous retrouvons tous entassés dans un petit studio, en train de grimacer, de gesticuler et d'émettre de drôles d'onomatopées devant un Emilio éberlué qui se demande ce qui lui arrive.

Il faut faire rire Emilio!

De bonne composition, il finit par nous trouver drôles et rit aux éclats, mission accomplie. Bastien enregistre également deux poèmes pour coller à l'intro derrière les rires. Puis Marco chante seul, sur la musique déjà enregistrée. Le tout sera mixé dans la foulée. Quelques jours plus tard, Marco et Véro nous offrent la maquette du CD, juste avant notre départ, quel super souvenir ...

Le fantasme des vieilles pierres ...
Les vieilles pierres nous ont fait fantasmer. Est-ce l'exemple de nos amis Marco et Véro qui sont en train de magnifiquement restaurer une vieille maison, avec plafonds en bois sculpté, grilles en fer forgé dans le patio, salle de bain en mirador ouverte aux vents et à la pluie, faïences baroques, et qui nous ont fait visiter des demeures typiques dans leur quartier? Ou encore ce propriétaire enthousiaste qui nous fit admirer son hôtel cinq étoiles à quelques jours de l'ouverture après des années de travail de rénovation, dans un vieil immeuble de la rue Santo Domingo?

Un jour que nous déjeunions d'une comida corriente à 5000 pesos (un euro et quelques!) dans un restaurant populaire du quartier San Diego, l'idée à fusé: pourquoi on ne s'arrêterait pas un moment pour vivre à Cartagène, un an ou deux, le temps d'acheter et de retaper un vieil hôtel? Il y aurait un jardin tropical dans le patio, autour de la piscine faïencée, avec un petit restaurant gastronomique au milieu de la végétation où voleteraient et siffleraient des oiseaux multicolores en liberté. Les balcons des chambres donneraient sur cet îlot de verdure intérieur. Chacun aurait son travail: Romain s'occuperait du cyber café, Bastien tiendrait le bar, Pascale se chargerait de la réception et de la cuisine, et moi ... de la gestion.

Et si l'on restaurait un vieil hôtel ?

Mais un fantasme reste un fantasme, on le réalisera dans une autre vie...

Les Oiseaux
La Colombie est le pays de la planète qui abrite le plus grand nombre d'espèces d'oiseaux, pas moins de 1752 y sont recensées. Si la plupart se cachent dans la nature, nombre d'entre eux se sont adaptés à la ville. La baie est pourtant bien polluée, mais ça n'empêche pas les hérons d'y prospérer, en utilisant les coques de nos bateaux comme perchoirs pour guetter leurs proies. L'un d'entre eux avait élu domicile sur Imagine, on pouvait l'observer pêcher tous les matins, agrippé à une amarre à quelques centimètres de la surface, il se laissait tomber sans lâcher le cordage pour aller croquer d'un coup de bec de petits poissons sous l'eau puis effectuait un spectaculaire redressement pour retrouver son équilibre, prêt à frapper encore.


Un héron sur Imagine


Un toucan dans un jardin

Très nombreux, les urubus noirs planent et tournoient dans le ciel de Cartagène sans même un battement d'aile en profitant des courants ascendants entre les immeubles. Ce sont de beaux charognards, de la famille des vautours, avec de grandes ailes noires et blanches, éboueurs et nettoyeurs des rues.
Plus rare, il y avait un couple de toucans en liberté dans le jardin de l'hôtel Sofitel Santa Clara, avec leur bec incroyable, très coloré immense, presque aussi grand que le corps.

La Plage
On approche de l'hiver, mais ici la fin de la saison des pluies c'est comme le début de l'été : les grandes vacances scolaires commencent, les touristes arrivent, et les gens vont à la plage. Marco et Véro nous y invitent un dimanche. Manzanillo est une longue plage de sable à une quinzaine de kilomètres au nord de Cartagène. Après avoir franchi un barrage militaire qui contrôle les accès à la ville, on traverse un petit village très pauvre en bord de mer, des gamins courent après la voiture, ce sont des rabatteurs qui ont pour mission de venir nous faire manger dans leur paillote sur la plage. Leur technique est assez surprenante au début: ils font des signes d'avertissement d'un air grave comme pour nous prévenir d'un danger ou d'un problème, alors, inquiets on s'arrête, et là, l'expression change "il y a du pagre grillé aujourd'hui, venez ! ". Tactique efficace, mais Véro qui nous conduit connaît la musique et sait déjà où l'on doit manger, elle décline poliment les invitations. Les grandes paillotes en bois qui parsèment la plage très populaire sont déjà bondées, sans compter les voitures, les taxis et les motos qui s'y garent aussi. Il n'est que midi mais l'ambiance est déjà installée, musique colombienne à fond, les gens dansent, toutes les tables et les hamacs sont occupés par de bruyants et joyeux convives. Nous trouvons un endroit plus calme à quelques kilomètres plus au nord, nous sommes seuls sous la paillote, Emilio sera plus tranquille. Hormis quelques enfants du village qui jouent, des cochons qui parcourent le sable à la recherche de nourriture, et un troupeau d'ânes se promène en liberté, la plage est presque déserte, c'est une autre ambiance, très relaxante. Installés dans les hamacs, nous sirotons quelques boissons fraîches en patientant une bonne heure avant de déguster notre plat du jour: soupe en entrée et poisson grillé (morraja et sierra). Le pêcheur de l'endroit possède l'embarcation la plus rudimentaire que l'on ait jamais vue. Un simple radeau de planche, qui ressemble à un cercueil, sur lequel il navigue assis ou allongé pour aller mettre ses filets et ses casiers au large de la plage.


Les paillotes sur la plage de Manzanillo

Cochons en liberté sur la plage

Après la sieste et le bain dans une eau trop chaude (plus de trente degrés) pour nous rafraîchir vraiment, nous allons dans une ferme voisine chercher Spartacus, le cheval de Véro et Marco, dont nous faisons prudemment connaissance en se promenant sur la longue plage à tour de rôle. Tout va bien jusqu'à ce qu'un autre groupe de cavaliers, des amis de Marco et Véro, nous proposent très gentiment d'aller admirer le panorama au coucher du soleil du haut de la falaise qui domine la plage. On ne peut pas refuser, en tous cas, Romain et moi montons chacun à cru derrière un cavalier, et c'est parti ... pour le calvaire! Si tout va bien pour Romain, derrière Véro et sur le confortable Spartacus, je comprends tout de suite qu'il faudra un panorama véritablement exceptionnel pour me faire oublier ma position critique. L'épine dorsale saillante du cheval me pilonne le coccyx, et je lutte désespérément pour que l'arrière de la selle ne me broie les bijoux de famille à chaque secousse, c'est à dire à chaque pas! Je n'ai d'autre choix pour me tenir que d'accrocher la taille de mon cavalier, timidement au début puis de plus en plus franchement à mesure que mes jambes s'épuisent à serrer les flancs de la pauvre bête en sueur qui macule généreusement mon short et mes jambes de son abondante écume blanchâtre et collante. L'escalade de la falaise par un sentier pierreux est un grand moment d'angoisse, certes la vue est jolie là-haut, mais je ne peux m'empêcher de penser à la redescente dans laquelle je vais immanquablement m'écraser de tout mon poids sur cette maudite selle ... je réussis à préserver l'essentiel.


Véro et Emilio sur Spartacus

Romain, El Caballero!

Mais le pire reste à venir. Il est plus de 17h, le soleil est bas mais il fait encore 30 degrés, l'air est humide, c'est l'heure des moustiques, yen-yens et autres no-nos en tous genres. Je m'aperçois soudain avec effroi que mes jambes, ne sont plus blanches d'écume, mais noires, recouvertes par les centaines d'insectes qui s'y sont agglutinés et qui me dévorent à qui mieux mieux! Je veux les chasser avec la main, ma jambe vire du noir au rouge, du sang de la horde que je viens d'écraser, ma main est ensanglantée! Romain est assailli lui aussi et se bat comme il peut.
Lorsque finit la ballade, je peux à peine descendre de cheval, je ne peux plus marcher, les jambes me brûlent, je pue et suinte d'un mélange d'écume froide, de sueur, de moustique et de sang, ... génial. Je parviens quand même à remercier nos amis pour cette charmante cavalcade. Le lendemain, Romain comptera plus de 400 boutons de moustiques rien que sur les jambes. Record homologué!
A la nuit tombée, nous sommes de retour à Cartagène chez Véro et Marco, qui nous explique ses instruments de musique traditionnels, la gaita et les tambours. Nous nous lançons dans un petit concert improvisé, tout le monde participe, même Emilio! Après un petit tour dans les rues enfiévrées par le carnaval qui commence, nous rentrons nous coucher, dure journée!
Nous passerons un autre dimanche à la plage. Nous passons d'abord par la plage populaire de La Boquilla, bordée de quartiers pauvres où sont installées les familles déplacées par le conflit, puis retournons à Manzanillo.

Le paysage a changé: la mer forte des derniers jours a emporté la plupart des paillotes, il n'y a plus personne sur la plage, seule une cabane léchée par les vagues a résisté. C'est là que nous nous installons pour le déjeuner d'un poisson frit et d'une soupe. On fait la sieste sur les hamacs, au-dessus des vagues qui viennent finir leur course en éclatant sur le sable entre les poteaux. Retour à la finca où Spartacus nous attend pour une promenade sur la plage, dévastée. De la paillote où nous avions mangé il y a trois semaines il ne reste plus que des ruines.

Sous les paillotes, la plage ... et les vagues

Les marchands ambulants, les petits métiers
C'est un des charmes de la ville, il y a ici une incroyable diversité de petits métiers qui s'exercent dans la rue, et notamment les marchands à la criée qui enrichissent l'ambiance déjà sonore en s'annonçant de leurs cris, litanies, langages sifflés, une vraie musique de la rue. On trouve partout des vendeurs de tinto (le café), de cigarettes et de cigares, de billets de loterie, d'eau, de glaces, de bonbons, de légumes, de fruits, de saucisses ... On peut également boire d'excellents jus de fruits frais, fabriqués sous nos yeux par une machine souvent installée sur un triporteur. Il y a toutes sortes de produits spécifiques comme des beignets, galettes de mais frites (les arepas), des avocats, à manger sur place, on peut même acheter sa "comida corriente" dans la rue.


Vendeur de tinto et de cigarettes

On loue son téléphone portable dans la rue

Et bien sur, Cartagène étant la ville la plus touristique du pays, il y a les vendeurs d'artisanat, de bijoux, de tee-shirts, de maillots de foot, de hamac, ... on s'y laissera prendre, avec plaisir d'ailleurs. Nous avons aussi croisé dans la rue des cordonniers ambulants, des vendeurs de tissus, des agents de change au noir (à éviter, arnaque assurée), des fausses vendeuses de fruits en habits traditionnels que l'on pouvait photographier pour un dollar... Et partout, des servicio de llamadas (service d'appel), des gens qui s'installent sur le pas de leur porte ou dans n'importe quel endroit de passage, et louent leur téléphone portable pour un appel, une sorte de cabine téléphonique mobile et toujours disponible, très pratique!

A la poursuite du diamant vert ...

La Colombie est le plus gros producteur mondial d'émeraudes (60% à elle seule), cette pierre précieuse de couleur verte qui symboliserait la pureté et la connaissance ... Nous n'avons pas échappé à la poursuite du diamant vert. Visites d'ateliers, explications minéralogiques détaillées, techniques de joailleries, et bien sur, les magasins de bijoux qu'on trouve ici à tous les coins de rue. On a même failli craquer sur un pendentif de style précolombien incrusté d'une émeraude, il allait si bien à Pascale, mais on en est resté au stade de la photo, bien qu'une rapide négociation ait fait diminuer le prix de moitié c'était quand même beaucoup trop cher!

On peut toujours rêver ...


Les plats typiques et spécialités
Des notre première visite en ville, nous avons découverts quelques spécialités locales, chez Don Armando, un petit restaurant populaire près de la place Fernando de Madrid. En Colombie le plat du jour s'appelle la comida corriente, c'est en général une soupe avec igname, maïs et légumes divers, où flottent quelques morceaux épars de viande ou de poisson, suivie d'un vrai plat de viande ou de poisson avec du riz coco, des bananes plantain frites, le tout accompagné d'un jus de fruit naturel. C'est simple, bon, assez copieux, et pas cher. C'est ce que nous pensions manger dans ce petit restaurant, mais le serveur fut assez habile pour nous faire goûter diverses spécialités, dont des boissons rafraîchissantes comme la lemonada de citron-mandarines, le guarapo ou agua panela, obtenue en diluant un pain de sucre de canne brut (la panela) avec de l'eau et du citron. Il nous recommande ensuite la morraja grillée, un poisson d'eau douce en principe très bon mais le notre sent un peu la vase. Il finit par nous offrir deux douzaines de citron-mandarines et un pain de sucre de canne. Comme nous le remercions de sa gentillesse, il nous explique qu'il est de Medelin, la ville colombienne dont les habitants sont les plus accueillants ... chauvin mais gentil, quoique un peu roublard puisque nombre de ses cadeaux seront dûment facturés sur notre addition! On a bien aimé quand même.
Autre spécialité que nous feront découvrir Marco et Véro, la mote de queso (littéralement bouillie de fromage), qui deviendra le temps de notre séjour le plat préféré des enfants. C'est une simple soupe d'igname découpés en petits dés et cuits avec de l'oignon et de l'ail. Le fromage, une tomme fraîche, est rajouté à la fin, on lui laisse juste le temps de fondre et de se mêler à l'igname qui se délite à la cuisson. Et avant de déguster, on ajoute une cuillère de crème fraîche. Simple et savoureux.


Bastien, goûteur de spécialités locales:
une comida corriente, et le tamal

On a aussi goûté le tamal, un mélange de riz, oignons, épices diverses et viande, et peut-être d'autres ingrédients non identifiés, le tout enroulé dans une feuille de bananier, les dedito de queso, beignets au fromage, le très bon queso azul, fromage bleu local, des arepas diverses (galettes de maïs au parmesan, fourrées de viande, d'oeufs, ou de pommes de terre), la viande souvent excellente et peu chère, ainsi que des plats aux noms bizarres mais attirants comme ce puruspuspus, dégusté dans un restaurant de San Diego un soir.
Enfin, on a beaucoup aimé les jus de fruits frais de toutes sortes que les vendeurs des rues fabriquent sur place, et servent dans des grands verres, avec ou sans lait, sur de la glace pilée.

Les fruits et légumes
Chaque jour, Carmen, vendeuse de fruits des rues, après un périple de plusieurs kilomètres depuis le marché populaire à pieds en poussant son lourd chariot, arrive au club nautique, charge un plateau débordant de fruits en équilibre sur sa tête et parcours les pontons du club nautique pour approvisionner les navigateurs.

Nous manquons rarement le rendez-vous, elle est toujours souriante et gentille malgré sa dure journée, et elle nous enseigne volontiers les fruits que nous ne connaissons pas comme la pitahaya, la grenadilla (le fruit favori de Bastien), la goyave pomme et poire (a manger avec sel, poivre et jus de citron), le guama (une sorte de fève géante). Nous nous sommes régalés des citrons-mandarine, citrons vert, maracujas, papaye, ananas, pomelos, bananes, oranges vertes, patillas (la pastèque), cocos, des avocats, et des fruits à jus comme les tomate de arboles, la mora (la mure), le guanabana, ....

Carmen et Pascale

Le marché
"El Mercado Popular" comme son nom l'indique est le marché populaire de Cartagène. Tous les petits producteurs de fruits et légumes vendent ici, et on y trouve aussi un marché de poisson et de viande. A J-2 du départ, nous allons y faire un gros plein de frais. A peine descendus du taxi, les odeurs mélangées de fruits pourris et de poissons nous assaillent, le sol est boueux et sale, mais nous aimons cette ambiance de ruche bourdonnante, cette débauche d'étals qui regorgent de marchandises appétissantes et colorées, où chaque commerçant essaye de nous attirer. On n'avait jamais vu autant de fruits à la fois! Des montagnes de plusieurs mètres d'oranges, à même le sol, des murailles de pastèques, des rideaux de bananes suspendues ... C'est un véritable labyrinthe, on ne sait pas par quel bout commencer! Nous embauchons Xavier, un porteur, qui nous guide chez les uns et les autres au fur et à mesure que Pascale raye les denrées sur sa liste. Les prix ne sont pas chers et les produits sont frais. En deux heures nous avons tout ce qu'il nous faut pour au moins un mois aux San Blas. Retour au club nautique en taxi, il faut maintenant ranger soigneusement ces provisions pour les conserver en bon état le plus longtemps possible. Ça fait une jolie nature morte sur la table du carré!


Approvisionnement en fruits et légumes

... ya plus ka tout ranger !

Les Îles Rosarios
C'est finalement le 2 décembre que nous quittons Cartagène, sous un beau soleil, après un fantastique séjour de six semaines, soit le triple de ce que nous avions prévu! Pas de vent, nous sortons de la baie au moteur par la passe de Boca Chica, entourée de ses deux fortins témoins de tant de batailles navales. Une courte traversée sans problèmes nous amène au petit archipel des Îles Rosarios. Des pêcheurs nous abordent avant même l'arrivée alors que nous scrutons les hauts-fonds qui parsèment la zone, nous leur achetons trois langoustes. Nous nous faufilons ensuite à travers un étroit et peu profond chenal jusqu'à la petite baie de Isla Caribaru, juste devant l'un de ces curieux îlots-maison typiques de l'archipel (l'un deux appartenait à Pablo Escobar, le trop célèbre chef d'un cartel de narco-trafiquants abattu il y a quelques années).

Nous passerons deux jours dans ce mouillage, c'est si bon de pouvoir enfin se rebaigner, même si c'est pour gratter les coques. Un amoncellement de berniques les recouvre entièrement, nous n'avons pas d'autre choix que de gratter fort, et souvent ces charmants coquillages emmènent avec eux les trois couches du très cher anti-fouling appliqué laborieusement à Curaçao il y a moins de deux mois! Un vrai désastre! Heureusement que Romain et Bastien m'aident tous les deux à en venir à bout, nous avons à nouveau des coques propres, pour combien de temps ...

Un îlot-maison aux Rosarios

Des enfants locaux viennent demander des bonbons, et passent du temps à jouer avec Bastien sur le kayak. De nombreuses barques nous abordent régulièrement pour proposer des langoustes, poulpes, poissons, et même des plats préparés et des cocktails!
Nous repartons vers des endroits moins touristiques le matin du 4 décembre, cap sur le Panama et l'archipel des San Blas!

A suivre ...

Les photos de Cartagène : album 1 et album 2