Primitifs
... par Pascal
Cano Langosta, du 14 au 20 mars
Oubliée la calamiteuse navigation au près pour le départ
de Margarita! Nous distinguons enfin les côtes basses de Blanquilla,
que les rochers isolés de Los Hermanos nous annonçaient
depuis un bon moment déjà. Plateau calcaire affleurant à
la surface à presque 200 kilomètres au nord du continent
sud-américain, cette petite île est assez isolée,
elle n'est habitée que par un petit groupe de gardes-côtes
et fréquentée par des pêcheurs de Margarita. Bien
que relativement peu éloignée de l'arc antillais et de ses
milliers de bateaux (une grosse journée de navigation), elle est
rarement visitée par les plaisanciers et reste en dehors des routes
classiques de navigation. C'est ce qui nous attire sur ce caillou, la
tranquillité, la vie sauvage, hors du temps.
Le temps est encore assez mauvais, avec plus de 20 noeuds de vent, les
nuages gris courent sur nos têtes, et la houle contourne sans vergogne
les formes arrondies de Blanquilla pour nous poursuivre jusqu'à
l'entrée du mouillage.
14/03
A l'heure du déjeuner nous jetons l'ancre face à
une petite plage dans une échancrure de la côte sud,
au fond de laquelle des pêcheurs ont établi un campement
fait de cabanes en bois et en palmes de cocotiers. Rien à
voir avec un endroit touristique, il y a pourtant un joli panneau,
style hôtel-club, qui indique le nom de l'endroit, Caño
Langosta. On imagine déjà les fonds grouillants
de nos crustacés préférés !
|
Cano Langosta |
Une première plongée pour vérifier
la tenue de l'ancre révèle des fonds prometteurs. Nous replongeons
tous l'après-midi. C'est facile ici, il y a beaucoup de coraux
et de poissons dès les premiers mètres sous la surface et
l'eau est chaude, 28 degrés. Les enfants se régalent. Mais
quelques heures plus tard, le constat est décevant : on n'a pas
vu une seule langouste.
15/03
L'après-midi,
on assiste à l'arrivée des pêcheurs. Ils ancrent leur
lancha au bord de la plage et commencent à faire la chaîne
pour débarquer leur pêche par la plage jusque dans l'une
de leurs cabanes. Intrigués par la taille des morceaux qu'ils portent,
nous les observons aux jumelles. Bien qu'ils soient sept, ils semblent
peiner à sortir quelque chose, si lourd que la lancha penche d'un
côté. On voit apparaître la gueule d'un requin, qu'ils
tentent de faire basculer par dessus bord. Ils réussissent enfin
à jeter leur prise à l'eau et à la tirer sur la plage.
Nous sautons dans l'annexe pour les rejoindre sur la plage au moment où
ils commencent à découper la bête.
Le requin mesure plus de trois mètres et pèse
une centaine de kilos. Et il y en a trois comme lui, qu'ils dépècent
à même le sable. Ils prélèvent d'abord
soigneusement les ailerons, puis ils découpent ensuite très
proprement la chair en épaisses tranches.
Ils nous expliquent que les ailerons, une fois séchés
et salés, leur rapportent 100€ le kilo et qu'ils se
vendent ensuite bien plus cher au client final, essentiellement
japonais. Sur un seul requin, ils ont 10 kilos d'ailerons, soit
1000€, ils ont donc 3000 euros rien qu'avec les ailerons de
ces trois squales! |
Le requin de la fortune |
Quant à la chair, ils la font d'abord tremper
deux heures dans l'eau de mer pour la nettoyer, puis ils la salent et
la font sécher deux jours au soleil. Ensuite, elle reste entreposée
en tas sous une bâche dans l'une de leurs cabanes. Ça se
vend également très bien. Ils nous montrent le tas, haut
déjà d'un bon mètre et ils ne sont là que
depuis quatre jours! On comprend mieux pourquoi les requins sont en voie
de disparition sur la planète. Et ce n'est pas tout: il y a un
autre tas à côté: ce sont des tranches séchées
et salées de raie manta et pastenague. Il y en a des centaines
de kilo! Ils sont donc riches et le reconnaissent fièrement, mais
c'est une vie difficile, disent-ils. Ils passent deux semaines dans ce
campement sommaire (mais qui ferait rêver plus d'un touriste en
mal d'évasion) à pêcher, nettoyer et conserver du
gros poisson, puis retournent à Margarita avec leur trésor
pour se reposer.
Nous n'arrivons pas à les plaindre, et nous nous rendrons compte
par la suite en parlant à de nombreux pêcheurs dans toutes
les îles du Venezuela que la majorité d'entre eux sont loin
d'avoir un sort aussi enviable. Tout en discutant, ils découpent
gentiment dix tranches de requin qu'ils nous offrent. En retour, nous
leur amenons une bouteille de rhum et un paquet de cigarettes. Nous faisons
un barbecue sur "La Casa" le soir, mais le tout le monde ne
se régale pas (surtout les enfants), mal habitués que nous
sommes à des chairs plus fines ou plus goûteuses. N'est pas
japonais qui veut!
Raconter notre quotidien ici serait vite répétitif
et ennuyeux, et c'est pourtant de cette répétition
sans contrainte que naît la sensation de bien-être,
de sérénité, de plénitude. Couler des
jours heureux est sans doute l'expression qui décrit le mieux
notre vie dans les mouillages de Blanquilla pendant les dix-sept
jours qui ont suivi.
Le matin est rituellement consacré à l'école,
chacun sur son bateau. Nous aidons les enfants et nous occupons
aux diverses taches ménagères et de bricolage. Ensuite,
vient le moment des activités nautiques et sous-marines.
Dans les jours fastes, nous nous y mettons dès le matin après
l'école, mais plus généralement c'est l'activité
de l'après-midi. |
La Casa Delmarre et Imagine à Cano Langosta |
Rapidement la chasse sous-marine devient l'occupation
favorite, et nous passons entre deux et quatre heures chaque jour dans
l'eau. Tels les hommes primitifs qui passaient leurs journées à
la recherche de nourriture dans la nature, nous redécouvrons le
bonheur simple de nourrir quotidiennement la famille avec notre pêche.
Nous nous limitons volontairement à la quantité de poisson
et de langouste nécessaire pour la journée, interdit de
stocker pour le lendemain! Il s'agit donc d'être très sélectif,
d'observer et d'identifier d'abord, pour ne pêcher que des poissons
excellents ou qu'on n'a pas encore goûté. Quand le quota
est atteint, on se contente de regarder, d'explorer tous les coins de
tous les récifs environnants, ou de rentrer au bateau.
La fin d'après-midi est généralement consacrée
à préparer les poissons, pendant que les enfants des deux
bateaux jouent sur La Casa Delmarre. Et c'est le plus souvent sur ce même
bateau que nous passons les soirées à déguster notre
pêche, boire quelques bouteilles, et jouer à la coinche et
au poker jusqu'à tard ... On essaye quand même de se coucher
tôt de temps en temps, surtout les enfants, pour ne pas trop perturber
l'école du lendemain.
La recherche de la langouste s'avère être
à la fois frustrante et captivante. Il faut être méthodique,
regarder dans chaque trou, parfois en y rentrant la tête et en restant
quelques secondes pour s'habituer à l'obscurité, car il
est rare qu'une langouste laisse dépasser ses antennes. C'est une
succession de plongées très rapprochées, assez fatigantes,
mais au cours desquelles on rencontre tous les habitants des récifs
coralliens, du plus petit au plus grand ... on apprend aussi très
vite à identifier les coraux eux-mêmes, surtout ceux qui
brûlent, coupent, provoquant de grosses cloques et des cicatrices
tenaces, et à éviter de les toucher. Captivante donc, mais
surtout frustrante: nous quitterons Cano Langosta sans avoir
attrapé une seule langouste!
C'est à Blanquilla que Romain découvre vraiment la chasse
sous-marine. Il progresse rapidement, et c'est un plaisir de le voir évoluer
dans l'eau à la poursuite de ses proies, même s'il faut parfois
lui rappeler les règles de sécurité et de respect
des quotas de pêche. Il sera même privé de chasse pendant
une semaine pour avoir eu les yeux plus gros que le ventre et tiré
un poisson perroquet tellement énorme qu'il s'est dégagé
en brisant la flèche en métal! Mais plus généralement,
nos proies favorites sont les pagres, les mérous, les barracudas,
les carangues, sans oublier les calamars...
Bastien découvre la plongée
en apnée, il n'a pas encore droit au fusil, mais son aide
est précieuse pour détecter les langoustes ou leurs
abris potentiels, ou pour nous montrer les poissons intéressants.
Comme Romain, il connaît par coeur toutes les espèces
des récifs coralliens.
Pascale aussi se met a bien apprécier la baignade et les
fonds marins, elle explore en snorkeling les récifs environnants.
Tout le monde s'y met donc, et le carnet de bord ne parle plus que
de poissons, de crustacés et de fonds marins. |
La famille Imagine s'en va plonger |
16/03
Plongée avec Patrick l'après-midi, de l'autre côté
de la barrière qui ferme notre baie, sur les tombants. Très
jolis coraux et poissons. On pousse jusqu'au petit fjord qui se découpe
dans la côte quelques centaines de mètres plus loin. L'eau
turquoise sur un fond de sable blanc est chaude, l'anse est bordée
de coraux dans lesquels nous chassons un mérou, une vieille, un
lippu. Cuits au four, mangés sur Imagine. Pascale couve une gastro...
17/03
Pascale est malade. même genre de virus que celui qui nous a déjà
tous affecté. Les deux familles vont plonger tous ensemble à
l'entrée du fjord découvert hier. Les plus petits se baignent
dans l'eau peu profonde. Romain pêche un beau mérou, son
premier. Trop gourmand, il casse sa flèche sur un énorme
perroquet. Poissons au barbecue sur "La Casa", sans Pascale,
qui se repose.
18/03
Promenade le matin sur l'île. Le paysage est assez ingrat: végétation
rabougrie, cactus que l'on dirait avides de chair fraîche tant ils
s'accrochent à nous facilement. Très difficile et très
douloureux d'extirper les épines. Traces d'ânes sauvages,
que l'on entend souvent braire du bateau mais on
n'en verra aucun. Pas vu d'iguanes non plus. L'après-midi
nous plongeons avec Patrick et Romain à la pointe sud de l'île.
Super spot: 3 requins, une dizaine de raies pastenagues, 6 énormes
tarpons, tortue, serpent de mer, carangues, ...
On ramène un barracuda, 2 pagres et un mérou. Barbecue sur
"La Casa", suivi de coinche et poker menteur jusqu'à
2 h du matin.
Végétation typique de Blanquilla |
Les cactus attaquent ! |
19/03
Bastien a un coup de froid, pas de baignade ce matin. Plongée bouteille
l'après-midi avec Pascale et Patrick jusqu'à 20 mètres
sur le tombant en sortant de la baie. Ça descend à pic vers
les abysses, dans le noir. Les coraux sont beaux, mais on ne voit rien
de spectaculaire, plutôt moins qu'en surface où la lumière
est meilleure. On se couche de bonne heure, chacun chez soi.
Playa Carenton, du 20 au 24 mars
20/03
On quitte le mouillage de Caño Langosta (la mal nommée),
en direction de Playa Yaque, sur la côte ouest. Mais on
s'arrête au bout de 1 mille, séduits par la petite baie de
Playa Carenton. Les gardes-côtes nous rendent visite pour
un contrôle des papiers et du matériel de sécurité.
On discute autour d'une bière. Ils emmènent nos poubelles,
sympas. J'assure le repas de midi avec un pagre rose, complété
l'après-midi par un calamar, un pagre gris, deux carangues pompano,
et .... une langouste. Le soir c'est l'inévitable barbecue sur
La Casa, suivi de la coinche devenue habituelle.
21/03
Ce matin ce sont des dauphins qui nous réveillent en chassant près
du bateau. Le CNED est vite expédié, on a hâte de
retourner sur "le coin à langoustes". Romain trouve la
première, moi la deuxième, puis Patrick déniche un
véritable vivier sous une patate de corail. On rentre fièrement
de la pêche avec dix langoustes (une par personne) ... et de nombreuses
brûlures de corail de feu.
Pascale essaye de pêcher le calamar à partir du bateau, avec
la fameuse turlute japonaise (voir les épisodes précédents!),
mais la turlute disparaît, sans doute emportée dans la gueule
d'un barracuda. L'après-midi, elle fait une plongée bouteille
l'après-midi sous la conduite de Pascale de La Casa, et descend
jusqu'à 11 mètres.
Ce soir la soirée se passe sur Imagine, et c'est une soirée
langoustes, enfin!
Enfin des langoustes pour tout le monde!
|
Pascale se prépare à plonger |
22/03
Même programme: pêche à la langouste l'après-midi,
huit spécimen! Avant le repas, Patrick et moi faisons une petite
visite de courtoisie à une lancha de pêcheurs venus mouiller
à côté de nous. Nous leur amenons des bières
fraîches et on discute de leur métier, conditions de vie,
famille, etc... Ils vivent plusieurs mois dans cette petite embarcation,
dans un inconfort total, changeant de mouillage au gré des vents
et de la pêche, leur sort est beaucoup moins enviable que celui
des pêcheurs de requins.
Plus tard dans la soirée, une fusée rouge déchire
l'obscurité. Pour tous les marins du monde, c'est un signal de
détresse, sauf pour les quelques fêtards qui se font leur
petit feu d'artifice privé le 14 juillet. La fusée a été
tirée de la côte ouest de l'île, que nous ne pouvons
rejoindre de nuit sans nous mettre en danger. Silence sur le canal 16
de la VHF (le canal de veille radio pour la sécurité). Je
décide donc de relayer le signal sur la radio, et j'appelle les
gardes-côtes en espagnol. Ils répondent tranquillement qu'ils
ont vu la fusée rouge, mais que tout va bien, pas de problème.
Un autre bateau confirme en espagnol qu'il est à côté
du lanceur de fusée, et qu'il n'y a aucun problème. Bon,
c'est bizarre comme jeu, mais au moins j'ai fait mon devoir de marin.
On oublie l'incident, et on déguste nos langoustes. Seuls Léo
et Romain ont droit à la leur, en tant que pêcheurs, sinon
c'est tout pour les adultes!
23/03
Un peu de repos aujourd'hui. Pas de pêche à la langouste,
juste une plongée promenade l'après-midi avec Pascale, je
ramène un lippu. Bastien nous épate en rejoignant La Casa
à la nage seulement équipé de ses lunettes de natation.
Il trouve ça difficile, mais il l'a fait sans qu'on lui demande,
un petit challenge personnel. Le soir, c'est chacun chez soi.
Playa Yaque
Playa Yaque, du 24 mars au 1er Avril
24/03
Départ à 10h pour le mouillage de Playa Yaque,
sur la côte ouest. Trois milles à parcourir au moteur pour
atteindre une longue plage de sable blanc, ornée en son milieu
d'un bouquet de cocotiers. Un paysage de carte postale, rien que pour
nous ou presque. Il y a deux autres bateaux, et une flottille de pêche:
une grosse lancha et plusieurs petites. La première plongée
nous procure cinq langoustes, et nous en achetons une aux pêcheurs,
ça crée des liens. La soirée se passe sur La Casa
entre adultes. Léo dort sur Imagine avec Bastien.
25/03
Les journées se suivent, sans toujours se ressembler. Nous sommes
quasi bredouilles aujourd'hui, et on se couche de bonne heure.
26/03
Pour changer un peu, ce matin nous explorons le centre de l'île.
Toujours cette végétation basse, d'arbustes de cactus et
d'herbe. Le relief est assez plat, avec quelques vallons séparés
par des sillons arborés, révélant la présence
d'eau douce. La faune est rare, les habituels lézards, des perroquets
verts, des ânes sauvages que l'on aperçoit furtivement.
De retour sur la plage, alors que nous nous baignons pour
nous rafraîchir, des pêcheurs nous hèlent de
leur lancha pour nous donner du poisson. Je monte à bord,
bientôt suivi par toute la troupe. Ils nous donnent trois
barracudas, qu'ils sortent vivants d'un vivier, tuent, écaillent
et découpent pour nous, en échange de trois paquets
de cigarettes, plus une petite bouteille de rhum que nous leur offrons
en prime. Ils offrent le café, et racontent leur vie: ça
fait deux mois qu'ils sont là, à manger du poisson
et du riz, et dormir à même le plancher mal ajusté.
Nous les quittons en sautant à l'eau du haut du toit de leur
lancha. |
Sur la lancha des pescadores
|
Plus tard, pendant que nous savourons le barracuda,
on observe une vedette armée des gardes-côtes qui vient mouiller
dans la baie. Deux militaires nous abordent bientôt à la
rame, transportés dans une barque de pêcheurs. Ils nous demandent
de leur prêter notre annexe pour débarquer sur la plage!
Ils en ont pourtant une belle sur le pont! On accepte (pas vraiment le
choix!) et on observe leur curieux manège au loin, à l'autre
bout de la plage : au pied du seul cocotier de l'endroit, où ils
ont retrouvé des collègues, ils semblent creuser un trou
et déterrer quelque chose, on ne voit pas bien aux jumelles. Mystère.
Ils reviennent chercher une hache sur leur vedette et gardent notre annexe...
pas très sympa, on est bloqué sur le bateau pour l'après-midi.
En plus, ils consomment le carburant que j'économise précautionneusement
chaque jour, pour faire durer notre autonomie!
Le temps passe, la vedette des gardes-côtes lève l'ancre
et abandonne ses hommes sur la plage. Vers 16h, un militaire me ramène
enfin l'annexe, et demande la permission de monter à bord. Je lui
demande ce qui se passe, je vais tout vous expliquer me répond-t-il.
Il se présente, c'est un inspecteur de la Intelligencia Marina
(le Scotland Yard du Venezuela me dit-il) qui est venu de Caracas avec
ses collègues car des informations leur indiquaient qu'il y avait
une cache de drogue sur la plage. Et ils avaient raison. D'après
leur estimation, ils ont déterré 300kg de cocaïne!
Elle était soigneusement emballée et protégée
par des couches de carton et de bois. C'est selon lui la première
fois qu'on utilise Blanquilla pour la cocaïne, c'était jusqu'à
présent une île très tranquille. Je m'étonne
qu'on puisse passer autant de temps à enterrer des colis sur cette
plage, devant le mouillage fréquenté en permanence par des
pêcheurs, et théoriquement surveillé par les gardes-côtes
locaux, sans se faire remarquer. Il y a sûrement des complicités
me suggère-t-il à demi-mot... Ça ne me rassure pas
vraiment de savoir qu'on est potentiellement entouré de complices,
mais je m'abstiens de poser plus de questions. Il discute de différents
sujets, histoire, économie, politique, spécialités
culinaires locales. Il nous promet des arepas qu'il demande au
cuisto de la base des gardes-côtes de nous amener avec le bateau
qui doit revenir le chercher. Mais le soleil se couche, et leur bateau
ne revient pas. Il repart seul avec notre annexe pour retrouver ses collègues
sur les lieux de leur découverte. "N'aie pas peur, nous sommes
armés" dit-il en me sortant son pistolet alors que je lui
demande de bien surveiller notre précieuse annexe... rassurant!
Il me tend son arme pour que je me rende mieux compte, me voilà
avec un flingue dans la main!
La vedette des gardes-côtes |
Chasse au trésor sous le cocotier |
Il repart, puis revient une heure après avec trois autres militaires,
assoiffés et affamés, qui ont surveillé le trésor
sous le soleil tout l'après-midi. Ils sont visiblement inquiets
et ils tiennent conseil dans notre cockpit, j'ai l'impression qu'ils ne
maîtrisent pas toute la situation: leur bateau ne revient pas, les
gardes-côtes de l'île ne répondent pas à leurs
appels radio, ils discutent de la stratégie à adopter pour
la nuit. Je commence à angoisser quand je comprends qu'ils se préparent
à toute éventualité, leur chef leur demandant combien
d'armes et de munitions ils portent sur eux, au cas où...
Génial! il y a peut-être des complices locaux, ils ont pu
voir que notre bateau sert de camp de base à la brigade des stups,
il ne manquerait plus que les propriétaires du trésor rappliquent
dans la nuit pour faire une opération commando et récupérer
leur marchandise, pour quelques millions de dollars ils ne vont pas se
gêner avec des témoins ...
Finalement, les phares d'un 4x4 se dessinent dans la nuit, nos amis des
stups ont rendez-vous avec le ravitaillement et le matériel qui
arrive par la terre. Ils repartent donc tous les quatre dans notre annexe
dans l'obscurité totale tandis qu'on leur éclaire le chemin
sur l'eau pour éviter les récifs affleurants.
Enfin seuls! On mange et on va se coucher. Vers 23h, le chef m'appelle
à la VHF et nous tire du lit. Encore un changement de plan. Deux
militaires nous ramènent l'annexe et passent encore 3/4 d'heure
à discuter et boire une bière. Ils sont tous sympas, mais
ça fait beaucoup de conversation en espagnol à assurer pour
une seule journée! A minuit, une jeep leur fait des signaux sur
la plage, je les y conduit et ils rejoignent leur base. Fin de l'épisode,
on ne sera plus dérangés, mais on se souviendra longtemps
du cocotier de Playa Yaque.
27/03
Le vent est établi à 25nds, rafales 30. La houle rentre
dans le mouillage, courte et par le travers. On remouille plus près
de la plage, au milieu des pêcheurs. Plongée le matin avec
Patrick, bredouilles! Baignade à la plage l'après-midi avec
les enfants. Au menu ce soir ... deux langoustes (échangées
aux pêcheurs contre 2 paquets de cigarettes et une petite bouteille
de rhum), en tête à tête sur Imagine.
28-29-30-31/03
Les jours s'écoulent, au rythme des plongées, on commence
à bien connaître les coins et la faune locale, dont on se
régale toujours autant: rougets, vieilles de roche, mérous,
barracudas, on teste aussi le lippu, la paroquette, le cardinal, la blanche
cendrée, c'est moins bon. Parfois, une belle surprise nous attend
sous l'eau comme cette énorme raie pastenague, la plus grosse que
j'ai jamais vue: dans les deux mètres de diamètre, trois
mètres de long avec sa queue et son dard. Elle reste plaquée
sur le sol pendant plus d'une heure, ne tournant que ses gros yeux proéminents
pour ne pas nous perdre du regard pendant qu'on l'observe prudemment.
On s'aventure parfois avec Patrick en annexe dans d'autres coins, comme
Americano Bay, petite échancrure dans la falaise calcaire sur laquelle
un américain avait commencé à construire une maison
il y a longtemps, restée inachevée et en ruine depuis. Le
site est un peu décevant, et la houle rentre assez forte en s'écrasant
sur les falaises. Je trouve quand même une belle langouste brésilienne.
Quand les enfants ne plongent pas, ils jouent sur la plage, se promènent,
ou cherchent des coquillages.
Le temps est toujours venté, 25 à 30 noeuds de vent, ça
saoule! Presque trois semaines sont passées depuis notre arrivée
à Blanquilla, on ne se lasse pas, mais il y a encore tant de choses
à voir ... on se résoud à quitter notre petit paradis
pour Tortuga le lendemain, il parait que c'est là que sont les
langoustes royales ...
A suivre...
Les
photos de Blanquilla
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