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De retour sous les tropiques, par Pascal Joyeux Noël! Il y a des guirlandes, il y a un sapin, il y a des cadeaux
sous le sapin, et des enfants autour avec les yeux qui brillent. C'est
le 24 décembre, on est en mer, à 300 kilomètres au
large de Dakhla, Sahara Occidental. Le ciel nous a gratifié d'une
période de calme, une mer plate et un vent quasi nul, pour nous
permettre de célébrer Noël. Au menu: foie gras, poelée
de haricots, mousse au chocolat, le tout arrosé (modérément,
il faut quand même assurer les quarts de nuit) par un très
apprécié Saint-Joseph. Après le repas, nous ouvrons
nos cadeaux. Il y a encore des legos, et d'autres cadeaux "comme
à la maison", mais aussi des objets plus "bateau"
comme un outil multi-fonction pour Romain le bricoleur, des boîtes
de rangement pour le matériel de pêche, des leurres, des
rouleaux de gros scotch gris, et des cadeaux "fait-main" par
les enfants, colliers de coquillages, dessin d'Imagine ... Pascale fait
aussi le plein de produits de beauté à base de l'aloe vera
des Canaries. Dernier cadeau, du Père Noël peut-être,
le passage du tropique du cancer dans la nuit vers 1h30. 23°27' de
latitude, cap au sud, Imagine est à nouveau sous les tropiques,
ça c'est une grande nouvelle!
Sal, Baia da Palmeira Le Cap-Vert, c'est l'été toute l'année, disait une affiche dans une agence de voyage. Mais vu depuis notre mouillage de Baia da Palmeira, rien ne ressemble à une destination tropicale de rêve. Devant nous, une raffinerie Shell et une usine de gaz. Derrière, un quai en béton où s'entassent des containers rouillés, déchargés d'un petit cargo qui a oublié à quand remonte sa dernière peinture. Au milieu, s'étale le village de Palmeira, un ensemble de petites maisons basses au toits plats, dont les couleurs tentent d'égayer le paysage. Le tout est noyé dans un fog de poussière et de sable ocre soulevés par les 30 noeuds de vent qui soufflent depuis notre arrivée ce matin. Une bruine tiède dégouline du ciel grisâtre et laisse des coulées brunes sur le pont d'Imagine ...
Mais nous sommes contents d'être là, j'aime
ce paysage, il est authentique, au sens où c'est tout simplement
là que vivent les gens. Nous sommes enfin au Cap-Vert, première
destination nouvelle pour nous depuis ce nouveau départ. Et puis
nous retrouvons nos amis du voyage, Matin Bleu, La Casa Delmarre, Kador,
Le Mineur. Les formalités d'entrée ... chez Augustina “Um Sagres por favor”, c'est la seule boisson que je sais demander dans mon portugais très approximatif, dans ce petit bar où la musique nous a attiré Patrick et moi. Sagres, c'est la bière locale, il est 11 heures du matin, normalement je suis descendu à terre pour faire les papiers d'entrée avec l'immigration et la police du port, mais il y avait foule dans le petit bureau, plusieurs skippers essayant vainement de négocier avec le fonctionnaire local pour contourner le règlement cap-verdien qui oblige à laisser les papiers du bateau en dépôt jusqu'au départ de l'île... alors la musique chaude et rythmée nous a facilement détourné de notre mission administrative et conduit jusqu'à ce petit bar, dans une petite maison du village de Palmeira que rien ne distingue des autres, sauf ce rythme ...
On sirote alternativement le ponche et la bière, en écoutant la musique. A peine le temps de vider verres et bouteilles, le reste de la troupe des skippers et équipiers débarque dans le bar, et c'est la tournée générale. C'est bien plus sympa que le bureau du fonctionnaire ici, les formalités d'entrée attendront! Une adolescente nous demande de lui payer un verre de ponche. Tout plein de nos bon principes nous lui payons un jus d'orange. Vexée, elle l'accepte ... et l'échange discrètement contre un ponche et une cigarette quelques instants plus tard. Elle nous sourit en coin, genre “je vous ai bien eu”. Il commence à faire chaud dehors et dans la tête. Il est plus de midi maintenant, je vais devoir rentrer au bateau l'haleine un peu chargée en expliquant que ce n'était pas possible de faire les papiers d'entrée... Va falloir être convaincant! Bah, j'expliquerai que sous ces latitudes on ne contrôle pas toujours le cours des choses, mieux vaut se laisser porter par les événements! A la capitale ... Espargos, capitale de l'île de Sal. Un aluguer
nous y a conduit, pour 100 escudos par personne (un peu moins de un euro).
L'aluguer, c'est le taxi collectif au Cap Vert. Comme dans de nombreux
pays du monde, c'est le mode de transport en commun le plus approprié:
pas besoin d'infrastructures et d'organisation compliquée, il y
a toujours un mini-bus, une camionnette, ou même un camion qui se
propose d'embarquer des passagers. Pour certains c'est un job officiel
à plein temps, pour d'autres simplement un moyen d'arrondir les
fins de mois.
Bien qu'il y ait très peu de touristes, il y a
des marchands ambulants d'artisanat, de pacotille, de montres et de lunettes,
comme en France et dans la plupart des endroits touristiques. Ici ils
sont en majorité sénégalais, et c'est avec eux que
la discussion est la plus facile puisqu'ils parlent bien français.
On rencontre Mamadou, et la discussion s'engage aussitôt sur le
terrain du football, Patrick et lui fraternisent spontanément à
la seule évocation des noms de joueurs ou de clubs. On s'aperçoit
quand on voyage que le foot est un puissant moyen de communication, il
permet d'entrer immédiatement en contact y compris avec les gens
qui ne parlent pas la même langue, il déclenche des sourires,
des poignées de mains, des tapes dans le dos, des yeux qui brillent.
En regardant Patrick (grand spécialiste et supporter de l'OM) et
Mamadou discuter, je me dis qu'il faudrait lire une encyclopédie
du foot comme on lit un guide avant de partir en voyage! Sal, sable et poussière ... Le lendemain matin, nous sommes dix au rendez-vous de
Mamadou: la famille Delmarre et nous. Il est 10 heures du matin, pas de
Mamadou sur la place d'Espargos. C'est l'Afrique ici, le temps est différent,
on ne s'inquiète pas... mais on ne se refait pas: au bout d'un
quart d'heure les occidentaux que nous sommes commencent à s'impatienter.
“Tu sais où est Mamadou? demande-t-on à un des ses
frères,
Puis la piste disparaît, nous cahotons sur un
chemin de sable. Il faut fermer les vitres, elles sont recouvertes de
sable et de poussière opaques, impossible de voir au travers. Nos
trois sénégalais discutent en wolof à grand renfort
de gestes de la main, et malgré mes faibles connaissances des langues
africaines occidentales, je traduirais à peu près par: “eh,
mais tu vas où là? c'est pas par là!
On rejoint une route, enfin plutôt une vraie piste
bien traçée, que l'on ne tarde pas à quitter en direction
de la côte. Nos guides veulent nous montrer une baignoire naturelle
creusée par la houle dans la roche noire. Bien qu'elle domine la
mer de plusieurs mètres, elle est remplie d'eau. Prochaine étape: les salines de Pedra de Lume,
à l'autre bout de l'île, c'est à dire à 20
km. Va-t-on refaire une expédition à travers le désert?
Non, cette fois, notre chauffeur semble résolu à faire comme
ses collègues, et nous rejoignons Espargos en dix minutes par la
piste principale, puis les salines par une belle route étroite,
mais goudronnée. Nous longeons le terrain de foot, incroyable tâche
verte éclatante entourée d'un grand mur, au milieu des étendues
désertiques. L'eau ne manque pas partout dans l'île on dirait
... En fait, j'apprendrai plus tard que le gazon était synthétique.
Il est plus d'une heure de l'après-midi, les
estomacs commencent à râler, les enfants aussi. “Quand
est-ce qu'on mange?”. Ce sera pour un peu plus tard, le temps de
rejoindre la côte sud, à Santa Maria, où il n'y a
... rien à voir! C'est le coin à touristes de l'île:
des hôtels et des immeubles partout, heureusement bien concentrés
pour ne pas défigurer trop de kilomètres des magnifiques
plages qui bordent tout le littoral dans cette partie de Sal. On retrouve
évidemment les inévitables magasins de souvenirs, et les
magasins à touristes internationaux en général. Aucun
intérêt. Sauf pour les enfants qui finalement iraient bien
se baigner tout de suite dans les vagues sans manger. Pas question! dans
un restaurant à touristes, nous arrivons quand même à
dénicher un plat traditionnel cap-verdien, la cachupa. C'est du
maïs écrasé cuit pendant des heures avec des haricots,
des fèves, du chou, des pommes de terre, du gras, de la viande
de poulet et du chorizo. Les enfants préfèrent manger des
sandwichs, moins aventureux, sauf Romain, qu'on ne peut plus vraiment
compter comme un enfant surtout quand il s'agit de manger! Bonne Année, Bonne Santé, etc, etc ... Le réveillon s'organise. Comme d'habitude, c'est le bateau le plus confortable qui se retrouve envahi et c'est donc La Casa Delmarre qui invite. Nous sommes une quinzaine, dont la moitié d'enfants. Chacun amène sa contribution, à boire ou à manger, ce ne sont certes pas les mets délicats que l'on déguste traditionnellement en France, mais ça a quand même de la gueule: wahoo au barbecue, des cakes, pizzas et autres tartes salées et sucrées. On pille encore un peu plus la cave de Bordeaux de nos hôtes, et on pousse le luxe jusqu'à s'offrir un ersatz de champagne espagnol aux douze coups de minuit, pour la forme. La soirée s'écoule au rythme des chansons, beaucoup de Brassens, jusqu'à deux heures du matin.
Après avoir couché les enfants, la musique qui nous parvient des maisons de Palmeira ne nous incite pas à dormir, nous partons pour une incursion au village. A trois heures du matin, il n'y a presque plus personne dans les rues, sauf quatre marins en goguette à la recherche du bon plan pour la fin de la nuit. Hélas, les quelques fêtes bien sonores qui nous ont attirées ici sont des soirées privées, familiales ou associatives où nous ne sommes pas les bienvenus. Nous négocions avec le club de foot local pour qu'ils nous laissent rentrer une heure ou deux. Peine perdue! Le président du club nous explique gentiment que les gens dedans, verraient d'un mauvais oeil manger dans leurs assiettes si chèrement payées. Il faut dire aussi que nous ne sommes pas spécialement en tenue de soirée, et que nous devons avoir l'air un peu bohême à côté de leurs tenues soignées. Une autre tentative dans un réveillon chez des particuliers ne donne pas plus de résultats. Si on renverse la situation, imaginez en France un groupe de black mal habillés, l'air d'une bande de joyeux fêtards sur le retour, en train de parlementer avec vous dans leur langue que vous ne comprenez pas pour rentrer gratis dans votre sélect réveillon au beau milieu de la nuit... L'hospitalité a des limites, même au Cap Vert. Qu'importe, c'était amusant cette ballade dans Palmeira by night. Le 3 janvier, après avoir bien récupéré nous quittons Sal pour Boa Vista, une autre île 30 milles plus au sud ... A suivre...
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