Via Carthagène et Almerimar, par
un peu tout le monde
11 et 12 Août, de Formentera à
Carthagène, 145 miles, 28 heures de navigation.Pascal
Pas grand chose à dire, nous avions déjà raconté
le début de cette traversée dans le journal précédent,
la fin s'est déroulée tranquillement au moteur, éclairés
par la lune toute la nuit. Arrivée à Carthagène à
14 heures. Nous avions choisi ce port par hasard, il était sur
la route, le nom était sympa. C'est un port mal équipé
et pas accueillant pour les catamarans. Le marinero (l'employé
du port chargé de placer les bateaux à leur arrivée),
nous attire d'abord dans un traquenard: lorsqu'il réalise que la
place qu'il nous avait attribuée est ridiculement petite, il ne
nous reste plus qu'à faire un demi-tour sur place entre deux rangées
de bateaux tout proches, avec le vent de travers. On adore les arrivées
dans les ports ...
Finalement il nous place le long d'un quai réservé aux grands
yachts. C'est plus facile. Malheureusement les grands yachts n'ont apparemment
pas droit au confort, il n'y a ni eau ni électricité! Un
de ces grands yachts à moteur, arrivé un peu plus tard,
enverra son équipage se procurer une demi-douzaine de tuyaux pour
ammener l'eau jusqu'à lui. Chez nous, l'équipage décide
que ça ira bien comme ça, on fera attention à ne
pas dépenser trop d'eau et on fera marcher le dessalinisateur demain
en mer. Par principe je tente de négocier le prix de la nuit; on
me renvoie vers un monsieur sale et male rasé, très énervé
qui me hurle en espagnol: "c'est moi le chef du port, vous comprenez,
le chef !". Comme je suis du genre conciliant, je lui dit que oui,
je comprends, d'un air très honoré. Il continue : "ici
on ne veut pas de catamaran, demain dehors !". Bien chef. J'obtiens
quand même 10%.
13 et 14 Août, de Carthagène à Almérimar,
120 miles en 22 heures de navigation. Pascal
Le lendemain donc, inutile de nous mettre dehors, chef, nous partons volontiers
pour un peu plus loin à l'ouest. Le vent est incertain, et il s'avère
rapidement qu'il restera variable et faible. Nous préparons quand
même le spi, au cas où, et justement vers midi, le vent nous
pousse gentiment par l'arrière et nous hissons cette superbe voile
pour la première fois à nous tous seuls, et nous n'en sommes
pas peu fiers. En fait c'est d'une grande facilité. Nous avançons
à 7 noeuds sous spi seul, avec 15 noeuds de vent réel. Pascale
se régale dans les réglages des bras et des écoutes,
et je me régale de la voir se régaler. Le bonheur, quoi.
Bonheur fugace qui ne durera que 45 minutes car le vent refuse et nous
contraint à affaler et remettre le moteur.
En pleine mer, Coca Cola et Pizza Hut viennent nous faire leur pub par
l'intermédiaire d'un beau matelas pneumatique rouge à la
dérive, qu'on récupère à titre d'exercice,
et aussi pour dépolluer la mer...
La nuit arrive, et une fois de plus, s'écoule tranquillement dans
le ron-ron du moteur, au clair de la lune (mon ami Pierrot).
A 7 heures du matin, nous avons besoin de carburant
et faisons une halte au port d'Almerimar. Nous décidons d'y
rester un peu, car il est grand, bien équipé, pas
cher, et nous avons du bricolage, de la lessive, et des courses
à faire.
Les environs immédiats sont sans interêt touristique,
mais le paysage est joli, car nous sommes au pied de la Sierra Nevada,
dont le mont Mulhacen culmine à 3478 mètres. C'est
le point le plus haut d'Espagne. On aperçoit encore quelques
névés, et pourtant il fait chaud ici-bas. La côte
est entièrement dédiée au tourisme de masse
sur les plages, et aux cultures maraîchaires, avec des serres
à perte de vue.
Deux jours plus tard, départ pour Gibraltar.
La météo annonce du vent force 4 à 5, d'ouest, c'est
à dire pile de face. L'équipage à l'air décidé
à partir, nous mettons donc les voiles et cap sur Gibraltar. Trente
minutes plus tard, la réalité s'impose: 20 noeuds de vent,
vagues de 2 mètres de face, il faut tirer des bords pour remonter
contre le vent. Ce n'est pas vraiment du gros temps et ça ne pose
aucun problème au bateau, mais sa vitesse et ses ruades sur les
vagues ne sont pas vraiment du goût de l'équipage qui n'apprécie
guère de se faire secouer de la sorte, surtout lorsque ça
doit durer pendant les prochaines 36 heures. Je ralentis le bateau pour
diminuer l'inconfort, mais dans ces conditions nous mettrions plus de
deux jours à louvoyer jusqu'à Gibraltar. Nous ne sommes
pas attendus, il est donc inutile de s'imposer ça, et nous décidons
après deux heures de navigation de retourner au port d'Almerimar.
Avec le vent et les vagues dans le dos, nous rentrons en une heure à
8 noeuds, relativement confortablement. La manoeuvre d'amarrage avec 20
noeuds de vent est un peu plus délicate, et pour la compliquer
un peu plus je prends la pendille dans l'hélice du moteur tribord.
Heureusement sans autre conséquence qu'une petite plongée
dans l'eau glauque du port pour aller démeler tout ça.
Nous resterons encore deux jours à attendre une meilleure météo,
ça nous permettra d'accumuler du repos et de se prélasser
un peu. Pour la première fois nous pourrons nous nourrir de notre
pêche: 3 petites oblades (des genres de sar) prises à la
ligne depuis le quai, que nous dégusterons avec application en
suçant les arêtes. Malgré son aspect peu engageant,
l'eau doit être assez propre car nous ne sommes pas très
loin de l'entrée du port, et l'effet des marées de l'Atlantique
commence à se faire sentir (environ 40 cm) suffisamment pour la
renouveler.
Le Carnet
de Romain
Une Espagne pleine de nouveautés
Je dis "nouveautés" car il s' est passé
plein de choses nouvelles.
- Primo, j'ai trouvé 29 centimes (en plusieurs pièces:
5c, 10c, 2c, 10c, 2c). "Tu vas finir par être riche
comme Picsou!" me dit papa.
- Deuxièmement, pendant la traversée "Carthagène
- Almérimar", nous avons mis le spi en famille pour
la première fois. Il était magnifique (je ne l'avais
vu que sur des photos!).
- Troisièmement, je conduis l'annexe tout seul. Conduire
l'annexe tout seul, c'est la démarrer, l'orienter et l'amarrer
une fois arrivé à destination. J'y arrive! et je
trouve ça amusant!
- Et enfin, quatrièmement, au large des côtes espagnoles,
j'ai fait mon premier quart de nuit. Un quart de nuit consiste
à surveiller les bateaux, relever certaines données
tout les quart d' heures, vérifier que le bateau marche
bien. Moi, je trouve ça amusant. Surtout que ça
me permet de rester plus tard le soir!
Voilà pourquoi j'appelle ça une Espagne pleine de
nouveautés, de bonnes nouveautés en plus!
PS. J'ai aussi pêché plein de poissons.La première
fois que l'on a pêché à Gibraltar, il n'y
a que moi qui ai remonté du poisson! Heureusement que je
suis là pour nourrir la famille!, comme me dit maman.
18 et 19 Août, d'Almerimar à Gibraltar, 140 miles en 28 heures.
Pascal
Le 18 Août, la météo annonce un vent de Nord
à Nord-Est, donc plutôt portant, idéal pour rejoindre
Gibraltar. En fait nous aurons encore et toujours un vent quasi nul et
de face, et donc re-moteur tout le temps. C'est vraiment la grosse frustration
de ce voyage depuis les Baléares. La grand-voile reste quand-même
hissée en permanence, dans l'espoir de profiter du moindre petit
souffle favorable. Dans la nuit, nous perdons un bouchon de latte (petite
pièce en alu qui maintient chaque latte de la grand voile). Heureusement
la pièce atterrit sur le pont, et y reste, car je n'en ai pas de
rechange. Nous affalons la grand-voile, dépités.
Au petit
matin, la mer est d'huile, les couleurs sont superbes, et la visibilité
excellente, typiquement les conditions pour observer des animaux
marins. Et ça ne tarde pas. Ca commence par quelques dauphins
isolés, je ne réveille même pas l'équipage
pour si peu. Puis, je crois voir un tronc qui flotte, je l'évite
soigneusement; un peu plus tard d'autres troncs, mais ceux-la semblent
vivants, donc je vais voir. En fait ce sont 8 globicéphales
qui paressent à la surface. Pascale et Bastien se réveillent
a ce moment là, et Bastien va réveiller Romain. Même
le Soleil se lève pour voir. Et c'est le début d'un
festival pendant plus de deux heures. D'abord, nous arrêtons
le bateau au milieu du groupe de globicéphales, qui ne s'inquiètent
nullement de notre présence. Au contraire, ils viennent regarder
ces belles coques de plus près, les frôlent en dessous,
nous regardent droit dans les yeux, soufflent, émettent des
sifflements et des cliquetis sans doute pour commenter le spectacle
vu d'en bas.
Ils mesurent entre 3 et 7 mètres de long, et sont assez massifs.
C'est un peu impressionnant de les voir évoluer à
quelques centimètres des coques, mais nous sommes sous le
charme, et en fait je me retiens de plonger avec eux.
En s'allongeant sur le trampoline et en tendant les bras par devant,
j'arrive à caresser un aileron: c'est ferme et soyeux. Le
contact est bref, l'animal est un peu surpris et plonge de quelques
mètres.
Pendant tout ce temps, c'est comme dans un rêve, la lumière
est superbe, les couleurs magnifiques, la mer comme un miroir, c'est
totalement magique. Nous sommes dans un état second. Nous
suivons le groupe de globicéphales, oubliant complètement
le rocher de Gibraltar que l'on aperçoit au loin illuminé
par le soleil levant, oubliant aussi le traffic des cargos, et un
porte-container nous passe pas très loin devant.
On aurait eu du mal à se détacher de nos
amis les globis, si une vision extraordinaire ne nous avait pas extrait
du rêve: une vague de dauphins, de l'ordre d'une centaine, semble
donner l'assaut au loin: nous les voyons sauter, tous quasiment alignés,
et la vague se déplace presque dans notre direction. Nous décidons
de couper leur route pour se retrouver au milieu d'eux. Et le deuxième
rêve du matin commence. Nous sommes au milieu de cette horde de
dauphins, qui nagent dans l'eau transparente et sautent devant les étraves
et tout autour du bateau. Nous manoeuvrons pour rester avec eux le plus
longtemps possible, pendant une heure. Inoubliable.
Puis peu à peu, ils se dispersent en plusieurs
groupes, et l'on se dit qu'il serait peut-être temps de remettre
le cap sur Gibraltar si on veut être amarrés au port avant
la nuit. En chemin nous rencontrons plusieurs autres groupes de globicéphales
et de dauphins, mais il faut avancer, et on se force à ne pas s'arrêter.
Nous en verrons jusqu'à l'arrivée à Gibraltar, ainsi
que quelques ailerons mal identifiés, peut-être des tortues
d'après Romain.
Le soir nous nous endormons dans la marina de Marina
Bay, au pied du rocher, la tête pleine de rêves.
20 au 23 Août, Gibraltar. Pascale
Gibraltar c'est une étape psychologiquement importante
pour nous, surtout pour moi: franchir le détroit et quitter la
Méditerranée pour l'Atlantique, tout un programme! aussi
nous allons rester là quelques temps pour nous reposer, visiter,
préparer la rentrée scolaire et réviser le bateau
avant de franchir la porte de l'Atlantique! On sent l'océan tout
proche avec les marées qui sont d'ores et déjà significatives,
1 mètre; C'est un paramètre important dont il faut tenir
compte pour l'amarrage, sous peine de voir le bateau pendu au quai!
Tout d'abord un peu d'histoire et de géographie ... C'est
bientôt la rentrée alors tant pis, vous avez droit au
quart d'heure de révisions (?!)
Malgré une stature imposante visible à cent kilomètres
à la ronde, Gilbraltar a une superficie inférieure à
6 kilomètres carrés. La majeure partie du territoire
est composée de pentes rocheuses escarpées et de falaises
abruptes qui s'élèvent jusqu'à 426 mètres.
C'est le seul endroit d'Europe où des singes vivent en liberté
à l'état semi-sauvage. De par sa situation, Gibraltar
est considéré comme la porte d'entrée de la Méditerranée
(mais nous avons trouvé la sortie!). Situé à
la pointe sud de la péninsule ibérique, il surplombe
le détroit de Gibraltar, tout en étant relié
au territoire espagnol par un isthme étroit. Le Rocher est
décrit dans la mythologie comme l'une des deux colonnes d'Hercule.
L'homme de Néanderthal y a laissé sa trace, suivi par
les peuples de l'Antiquité comme les Phéniciens et les
Romains; puis il fût conquis par les Maures, les Espagnols et
les Anglais. Gibraltar est britannique depuis 1704.
Après cet effort de concentration, vous avez bien
mérité une récréation: Le chef des Berbères
Tarik Ibn Zeyad a donné son nom au Rocher: Montagne de Tarik ou
"Djebel Tarik". Prononcez rapidement en omettant la syllabe
finale... vous obtiendrez "Gibraltar"! Essayez ça détend!
Bon, revenons à nous... Nous sommes amarrés à 50
mètres de la seule piste d'atterissage de l'aéroport qui
se termine sur la mer et coupe la route principale en deux! Nous sommes
maintenant imbattables sur les horaires des avions... 5 à 6 par
jour entre 10h et 21h, ce qui occupe bien les enfants! et les parents...
Le lendemain
de notre arrivée nous avons visité Gibraltar, et nous
avons pris le téléphérique qui nous a emmené
au sommet du Rocher, la vue est époustouflante (l'Atlantique,
la Méditerranée, le Maroc). Là haut vivent
également des macaques qui amusent bien les touristes comme
nous, parfois à leurs dépens comme le raconte Bastien
ci-dessous. Nous avons également passé du temps à
étudier les cours du CNED pour Romain (documents reçus,
cours, plannings,...), acheté les fournitures manquantes
et par solidarité avec les copains de Castelnau (mais surtout
pour ne pas prendre de retard), nous commencerons les cours au plus
tard lundi... Quant à Bastien, en attendant ses cours, il
fera son cahier de devoirs de vacances. Ca devrait calmer mes loustics
qui sont toujours bien excités...
Côté ville, c'est un curieux mélange d' Angleterre
et d'Espagne avec un soupçon d'Afrique du Nord et une pincée
d'Europe... On a même fait des courses chez Marks & Spencer
et mangé dans un Fish and Chips.
Côté pêche, nous avons un peu progressé,
enfin surtout Romain qui a ramené 2 maquereaux, 2 daurades
grises, 1 loup, et Bastien 1 sar à tête noire, mais
je ne crois pas qu'ils étaient à la maille comme on
dit...
Note importante pour les copines: j'ai enfin utilisé
mon sèche-cheveux, on a bien fait d'insister ...
Bastien raconte...
Enfin Gibraltar!
On a vu plein de globicéphales noirs. Ils
étaient gigantesques, on aurait dit des baleines avec
ailerons. Au bout d'une heure, Romain se retourne et crie "Dauphins!".
Nous nous dirigeons vers eux, ils étaient une centaine.
Il y avait plusieurs sortes de dauphins. Papa prend l'appareil
photo et Maman le caméscope. Il y avait un petit et sa
mère. Puis nous quittons les dauphins et nous allons
vers Gilbraltar, la porte de l'Atlantique.
Le port de Gibraltar est plein de poissons. Mercredi 20, nous
prenons le téléphérique pour monter tout
en haut du rocher de Gibraltar. Il y avait un château
en ruines. Aussi à un endroit, il y avait plein de singes.
Trois singes ont volé du maquillage à une dame,
et ils lui avaient volé aussi une bouteille d'eau. Ils
n'arrivèrent pas à l'ouvrir, alors ils la jetèrent
dans le vide.
En redescendant dans la ville, nous allons visiter le cimetière
de la guerre de Trafalgar. Aussi, il y a plein de canons dans
la ville de Gibraltar.