Pétole aux Baléares

Majorque, Ibiza, et Formentera par Pascal


Mardi 12 Août, 2 heures du matin, en route vers Carthagène, au moteur.

Vive le diesel! Je crois que nous avons eu tout le vent d'un seul coup lors de notre première traversée vers Minorque. Depuis, c'est la pétole ou presque. Toutes les étapes depuis une semaine se sont faites au moteur, avec parfois les voiles en appui pour profiter d'un souffle d'air par-ci par-là.

Nous avons passé deux nuits au port de Palma de Majorque, première escale dans un port depuis le départ de La Grande Motte. Pas terrible le port, les quais en ciment blanc, poussiéreux, juste à hauteur des hublots, et 40 degrés à l'ombre ... mais où est l'ombre? Mais bon, il faut bien ravitailler de temps en temps, et en fait j'aime bien les ports, même les pas terribles, pour l'ambiance et les bateaux de toutes sortes.

En plus la vieille ville de Palma est toute proche, ce qui nous a permis de jouer aux parfaits touristes : visite d'une expo de peinture (à vomir), tentative de visite de la cathédrale (fermée pour restauration), visite des bains arabes du 12ème siècle (en ruine, mais le jardin du 21ème siècle était beau) et visite du Palais de l'Almudaina qui lui est superbe, et les enfants se sont bien intéressés. Au passage, remise à jour du site internet à partir d'un cybercafé trouvé au hasard de nos déambulations dans les vieilles rues de la ville.
Ce sera notre seule escale sur l'ile de Majorque, il faudra qu'on revienne!

 Les photos de Palma de Majorque

Le 7 Août, nous partons pour l'ile d'Ibiza, pas tellement parce que c'est un des endroits les plus branchés d'Europe en été pour faire la fête, mais surtout parce que c'est sur la route. Traversée sans histoire et sans vent, marquée par une rencontre avec les plus gros dauphins que nous ayons jamais observés: trois compères d'environ deux mètres cinquante, gris foncés sur tout le corps, sans doute de la race "grand dauphin" d'après nos livres. Ils devaient être en train de chasser, et ne restent que quelques minutes à coté du bateau. On les voit ensuite sauter dans le sillage du bateau. Un solitaire identique est encore aperçu dix minutes plus tard. A 19 heures, nous mouillons dans une petite Cala au nord d'Ibiza, la Cala Portinax, et le mouillage tient TOUTE LA NUIT!
 
Le Carnet de Romain

Encore des dauphins !

Jeudi 7 Août, j'écrivais une lettre à un copain, pendant que nous nous dirigions vers Formentera. Nous passions sur une falaise sous-marine. Et au moment où je mettais la lettre dans l'enveloppe, Papa qui était sorti cria "dauphin !". Nous sortons tous et allons à l'avant. Trois dauphins jouaient en effet devant les étraves du bateau. A ce moment là, je me disais que je n'avais pas fini ma lettre. Les dauphins ne restèrent pas longtemps, alors nous pûmes regagner l'intérieur du bateau. Mais je ne pus pas finir ma lettre. Car Papa recria aussitôt "dauphin !". (A ce moment là, je me suis VRAIMENT demandé si j'allais finir ma lettre), d'ailleurs je n'ai pu la finir qu'à 16 heures.

 

Le lendemain nous rallions l'ile de Formentera, la plus petite et soi-disant la moins fréquentée des Baléares. L'ile est reliée au sud d'Ibiza par une série d'iles et d'ilôts entrecoupés de belles plages de sables. Nous mouillons en face d'une passe entre ces ilôts, le Freu Poco près de l'ile d'Espalmador, par deux mètres de fond, sur du sable blanc. On se croirait déjà dans les lagons des tropiques, avec des dégradés de couleur dans l'eau que je ne connaissais pas en Méditérranée. A tel point qu'on se demande quoi aller chercher de plus, ça ressemble déjà tellement au paradis! Sauf que l'hiver va revenir, et que nous, on veut effacer le prochain hiver de notre calendrier.


Nous ne sommes pas tout seuls, des centaines de bateaux sont mouillés autour de nous, ou plutôt derrière nous, car nous n'avons que 60cm de tirant d'eau (la hauteur de la coque immergée) ce qui est largement moins que la moyenne, et nous permet de s'approcher au plus près quand on le désire. D'ailleurs le seul qui est devant nous est un autre Outremer 45, Nusa Dua, de notre ami Pierre que nous avons retrouvé là par hasard.

Nous profitons de cet endroit pendant trois jours, changeant de mouillage chaque jour. Le programme est banal, il va falloir s'y habituer: baignade, plongée, sieste, lecture, jeux, contemplation et autres rèveries...


Un après-midi, Pascale décide de rester seule sur le bateau, pendant que j'emmène les enfants à la plage avec l'annexe. Je tire l'annexe sur le sable, les enfants courent retrouver une calanque miniature qu'ils avaient déjà repérée pour y capturer des crevettes et des poissons, et construire des fortifications. Me voilà donc tranquille pour un bon moment... Je m'installe voluptueusement dans une bonne séance de lecture et le temps passe délicieusement. De temps en temps je jette un oeil, tout va bien. Je lis un bon roman de Marc Levy, "Et si c'était vrai". Vers 19 heures, je me dis qu'il serait temps de rentrer au bateau. C'est pas vrai! L'annexe a disparu! Et si c'est vrai! Bref moment de panique. La situation est la suivante: on m'a piqué mon annexe sous mon nez, la plage s'est vidée, j'ai mes deux enfants à ramener au bateau mouillé à 400 mètres du rivage. Je cours vers Romain et Bastien pour leur faire ranger leurs affaires en leur expliquant brièvement notre "gros problème", ils n'ont pas l'air de se tracasser plus que ça. En regardant vers notre catamaran, il me semble remarquer sur le voilier voisin quelqu'un qui fait des signes vers la plage? (c'est à contre-jour, et c'est loin). J'agite les bras à tout hasard, au point où j'en suis ... Il me semble aussi que ce bateau a deux annexes attachées. Serait-il possible que l'annexe soit partie à la dérive? Je n'ai que cette idée à laquelle me raccrocher. Je trouve un couple resté sur la plage et leur explique la situation dans un mélange hiberico-franglais des plus efficaces, et leur confie mes enfants avant qu'ils aient pu ouvrir la bouche; puis je pars à la nage en direction de ce voilier voisin à deux annexes, tentant de battre le record du 400m nage libre. A l'arrivée, je vois mon annexe qui se balance gentiment derrière le bateau, et quatre espagnols goguenards qui me regardent du haut de leur cockpit. Re-mélange hiberico-franglais. Ils me racontent qu'ils ont vu mon annexe à la dérive et m'expliquent gentiment qu'il y a une loi en Espagne qui leur permet de s'en octroyer 40%. Je sais qu'ils ont raison, je leur réponds par un grand éclat de rire, genre elle est bien bonne les gars, et me prépare à une lutte sans merci. Heureusement ce sont de gentils espagnols, et ils ne me font pas marcher plus de trente secondes. Je récupère mon bien, les remercie du mieux que je peux et les invite à boire l'apéro. Il ne me reste plus qu'à foncer sur la plage retrouver Romain et Bastien, qui étaient tranquillement en train de bavarder avec ce couple, en Français tout simplement, et de leur raconter notre périple à venir. Ca a bien du les faire rire de nous voir perdre l'annexe la première semaine! Enfin, tout ça s'est conclu par un bon apéro sur le bateau, nos quatre espagnols nous offrant même une bonne bouteille de vin. Viva España!

Le Carnet de Romain

Une Peur Eternelle

Samedi 9 Août, nous avions été à la plage en laissant Maman toute seule sur le bateau. Arrivé sur la plage, nous rejoignons la mini-cala pour s'amuser tandis que Papa s'était plongé dans la lecture de Marc Levy, "Et si c'était vrai". J'étais en train de pêcher une crevette quand il arriva : "on a un GROS problème ! L'annexe a disparu!" Je craignais le pire. Mais quand il nous a dit qu'il pensait qu'un bateau voisin l'avait récupérée, j'ai soupiré en disant : "et bien va la chercher !" Alors il nous a confié à quelqu'un et est parti en sprint chercher l'annexe. En effet c'était bien elle. Par contre si les gens qui avaient récupéré l'annexe avaient voulu, ils auraient pu garder l'annexe. Mais nous sommes tombés sur des gens gentils qui ne se sont pas fait prier. Alors, pour les remercier, Papa les a invité à boire un verre. En partant, on aurait dit qu'ils étaient "saoûls" car ils sont reparti super vite en chantant!!! Je pense qu'ils avaient bu un peu trop de pastis...


Le lendemain, nous mouillons à proximité du port de Sabina, toujours face à une belle plage. Malheureusement, je passe la plus grande partie de la journée à déboucher et réparer les toilettes. Je vous passe les détails, mais ça ne ressemblait déjà plus tellement au paradis. Pour me rattraper je plonge avec Bastien en fin d'après-midi. Nous avons deux croutons de pains, ça suffit pour attirer autour de nous des centaines de poissons, essentiellement des sars et des castagnoles. Bastien se régale encore plus qu'eux, il est très excité et impressionné d'être au milieu de cette nuée.
Le soir, nous décidons d'aller au port en annexe pour faire quelques courses et manger au retaurant. C'est la première fois que nous laissons le bateau au mouillage sans surveillance. J'avais plongé sur l'ancre pour vérifier qu'elle était bien accrochée au fond, mais quand même, vers la fin du repas une sorte d'angoisse nous empéche de commander un dessert. Sans traîner, nous rejoignons le bateau, qui nous a attendu sagement. Manquerait plus qu'il fasse comme l'annexe!

Départ le lendemain matin en direction de la côte espagnole, Carthagène si tout va bien. Un petit détour vers le rocher isolé du l'Islote Vedra, un cône de pierre de 382m qui jaillit de la mer au sud d'Ibiza. Magnifique.
Puis route sur le cap Palos. La traversée serait ennuyeuse à cause du manque de vent si ce n'était le nombre d'animaux marins rencontrés: vers 14 heures, trois dauphins d'environ 2 mètres, gris dessus, blancs dessous et jusqu'autour des yeux, qui sautent devant les étraves. A 16 heures, un espadon saute droit devant le bateau, complètement hors de l'eau, sa silhouette est comme dans les livres. Malheureusement il ne mordra pas à la ligne que l'on traîne toujours derrière. De toutes façons nous n'aurions certainement pas pu le remonter. Plus tard nous observons de curieux poissons très fins qui volent en rase-motte (rase-vague?) sur des distances incroyables, peut-être 50 mètres. Il n'y a quand même pas de poissons volants en Méditerranée?
Et au coucher du soleil, nous avons droit à un festival de nos amis les dauphins. Pendant dix minutes, il en sort de partout, nous sommes "encerclés" comme disent les enfants. Il s'agit sans doute d'un grand banc en train de chasser dans une zone poissonneuse. Enfin poissoneuse pour des dauphins, parce que pour nous, malgré une fausse alerte, c'est toujours la misère. Je crois que la grand-mère du premier thon qui s'accrochera à nos hameçons n'est peut-être même pas encore née!

Ainsi s'achève notre croisière aux Baléares. On reviendra, ça vaut le détour.

Tiens, pendant que j'écrivais, on est passé dans la partie Ouest du monde, de l'autre coté du méridien de Greenwich. Notre longitude va maintenant croitre en degrés ouest jusqu'aux Bahamas.

Les Photos