Grenade

Grenade, l'île aux épices par Pascale


Grenade est l'île la plus au sud de l'archipel des Petites Antilles. D'une superficie de 340km2, elle est volcanique et montagneuse, son point culminant est à 840m. Sa population est de 100 000 habitants environ, dont 20 000 habitent dans la capitale, Saint-George. L'île fut découverte lors du 3ème voyage de Christophe Colomb en 1498. Les Anglais tentèrent une colonisation dès 1609. Scénario classique: les Caraïbes en mangèrent quelques-uns et rejetèrent les autres à la mer. Puis en 1650, vinrent les Français de Martinique, qui plus avisés, négocièrent l'achat de l'île, moyennant quelques objets de pacotille et bouteilles d'alcool. L'ivresse passée, les Caraïbes conscients de la duperie, reprirent la lutte. Les Français s'accrochèrent au terrain et finirent en 1651, par acculer les derniers Caraïbes au bord d'un morne (colline arrondie) surplombant la côte Nord. Préférant la mort à la reddition, les Caraïbes sautèrent dans le vide. L'endroit fut appelé morne des sauteurs. Les Caraïbes éliminés, le scénario reprit: un siècle et demi de lutte entre Français et Britanniques pour la conquête de l'île, qui devint définitivement anglaise en 1783. L'île a gardé une empreinte de la présence française dans les noms de lieux et dans le patois du pays. Après une longue période coloniale, terminée par l'abolition de l'esclavage, elle devint indépendante et membre du Commonwealth en 1967. Mais suite à un renversement politique, le gouvernement s'entoura de conseillers cubains ce qui inquiéta les Etats-Unis (tout proche) de Ronald Reagan. Les Cubains construisirent le grand aéroport stratégique de "Salines Point" au sud de Grenade, et le président Reagan devait déjà faire des cauchemars de fusées soviétiques. Enfin, l'assassinat de son dirigeant Maurice Bishop et les troubles politiques qui s'ensuivirent inquiétèrent également les pays voisins et les Etats-Unis intervinrent. En 1983, l'US Navy et ses "Marines", après quelques jours de combats, renvoyèrent chez eux les "conseillers cubains" et un gouvernement plus conservateur se mit en place. Il s'ensuivit une récession économique, mais l'île se remit lentement en tirant ses ressources du tourisme et de l'agriculture. En effet, Grenade possède des mouillages remarquables, surtout dans le sud, avec les meilleurs abris anticyclones des Antilles, des plages immenses, et un relief varié recouvert d'une splendide forêt. l'île propice à la l'agriculture, cultive toujours de la noix de coco, de la banane, du café et ses fameuses épices (cannelle, muscade,...), d'où son surnom "d'île aux épices".

Grenade, nous avons deux raisons d'y aller. La première, c'est tout simplement que nous avions envie de la visiter, après avoir lu son histoire, et la deuxième, c'est que nous avons rendez-vous avec Kadavu que nous avons quitté à Tenerife aux Canaries. Ils sont d'abord passés par le Sénégal puis le Cap Vert, ils ont également traversé en famille, ils sont arrivés à Tobago et sont depuis quelques jours déjà à Grenade. Nous avons donc hâte de les retrouver après plus de 2 mois de séparation.

Aussi, Le 12 au matin, nous levons l'ancre de Union, et nous mettons le cap sur Grenade, il y a environ 48 miles nautiques, nous devrions y arriver dans l'après-midi. A 10h, une touche sur la canne, en fait trop grosse, on perd notre beau siffleur jaune et vert à coryphène!!! Je ne vous raconte pas la tête des enfants... Vers 11h, au passage de Diamond rock à environ 10 miles au nord de Grenade, nous naviguons sur la zone du volcan sous-marin "Kick'-Em-Jenny" qui rentre régulièrement en activité, crachant et éructant dans les profondeurs. Certains disent qu'il peut alors se créer des vagues bizarres et dangereuses. La rumeur raconte qu'une île émergera un jour à cet endroit... Mais ce n'était pas pour aujourd'hui! Nous longeons la côte sous le vent de Grenade, sans vent et sous les grains. Un banc de dauphins nous accompagne pendant vingt minutes, c'est toujours aussi magique.

Nous arrivons à 15h30 à l'Anse aux Epines (Prickly Bay) tout au sud de Grenade, c'est bondé car c'est un excellent abri et un point d'entrée pour effectuer les formalités de douanes. Nous arrivons quand même à trouver une petite place juste à côté de... Kadavu. En allant rendre visite au douanier, nous apprendrons qu'il vaut mieux arriver avec du cash et l'appoint pour régler les droits : il n'y a pas de distributeur à chaque cocotier par ici, et Pascal est obligé d'aller jusqu'au village de Grande Anse à pied pour retirer des dollars caribéens, 6 km aller-retour, heureusement que l'on apprécie la marche quand on vit sur un bateau! C'est d'ailleurs le meilleur moyen de visiter et de parler aux gens, qui marchent eux aussi. Cette route est assez intéressante. Il y a plusieurs ambassades, dont celle de Chine et des Etats-Unis, qui sont assez proches. La première est entourée d'un grand jardin fleuri avec piscine, la deuxième est austère et gardée par un "marine" qui ne desserre pas les dents. Étonnant contraste ...
Nous nous retrouvons le soir sur Kadavu pour un repas improvisé avec barracuda grillé et rosé de Provence!

Le lendemain, nous levons l'ancre pour rejoindre un mouillage plus sauvage, Hog Island, à 5 miles de là. Nous allons déjeuner dans Mount Hartman, la baie voisine, par erreur (mais à quoi sert le GPS!?), puis nous rejoignons le mouillage initialement visé, Hog Island. Le sud de Grenade est connu comme trou à cyclone, c'est-à-dire que ses baies profondes et entourées de montagnes offrent une bonne protection aux bateaux en cas de cyclone. L'entrée de ces baies se fait de jour avec une bonne visibilité car elles sont entourées de récifs et hauts fonds entre lesquels il faut louvoyer. A l'intérieur, c'est le grand calme, entre des collines dont les rivages sont mangés par la mangrove. Ici, point de belles plages de sables avec cocotiers, ni d'eau claire, ça nous change des Grenadines, mais ce n'est pas dénué de charme. Ce soir là, nous retrouvons beaucoup de monde, Yakabul, Hivaoha, rencontrés aux Canaries, et Zed le catamaran outremer 45 belge de Sophie, Gérald et leurs 2 enfants Candice et Marin que l'on n'avait pas revu depuis qu'il nous avait accompagné en mer pour notre départ de La Grande Motte le 30 juillet dernier.


Le mouillage de Hog Island

Le "bar" sur la "plage"

Le 14, c'est l'anniversaire d'Alec de Kadavu, que l'on fête sur la plage, et le soir les équipages de Kadavu, Zed et Imagine au grand complet se retrouvent au bar de la plage autour d'un barbecue langouste et poulet. Le "bar de la plage" est peut-être un peu excessif comme description de cet endroit. La plage est une langue de sable qui déborde par dessous la mangrove, et le bar ressemble plus à une cabane de fortune pour naufragé sur une île déserte. Dans le noir et equipés de lampes frontales, les enfants excellent maintenant dans l'art de dénicher de gros crabes dans leurs trous de sables et de les attraper à la main, malgré leurs énormes pinces. Ça les occupe pendant que nous mangeons et buvons pour fêter ces retrouvailles. Les moustiques sont aussi de la fête ...

Jeudi 15 janvier, nous avons loué une voiture, ainsi que Zed, et nous partons ensemble pour la journée faire le tour de l'île. Nous commençons par visiter St George la capitale à l'allure très victorienne, ses différents marchés, poissons, fruits et légumes, épices. La ville est bâtie sur plusieurs collines, et ses rues aux pentes impressionnantes rappellent celles de San Francisco, en plus étroites et dévastées. Puis nous allons déjeuner à Grenville sur la côte Est, face à l'Atlantique. Tout au long de ce périple, nous sommes frappés par la multitude d'écoliers et de collégiens de tous âges marchant dans les rues ou le long des routes dans leur uniforme d'école impeccable. C'est une pratique héritée de la période anglaise, les habits ne sont certes pas de la dernière mode, ni tout à fait adaptés au climat, mais tous ces jeunes bien habillés sur le chemin de l'école donnent l'impression d'un pays qui prend son avenir au sérieux.


Saint-George, la capitale

Collégiennes

Après le déjeuner, nous traversons la forêt tropicale humide appelée "rain forest", on fait une halte à côté d'un lac où les curiosités du coin sont des singes qui viennent se faire nourrir par les touristes. On y achète la spécialité locale, des colliers d'épices, qui embaument la noix muscade, le clou de girofle et diverses autres senteurs, et dont le mélange d'odeurs est étonnant. Ensuite, cap sur le nord de l'île où nous visitons la chocolaterie de l'île. On y fabrique du chocolat noir au léger goût de vanille, un régal. Bien évidemment, on repartira avec quelques plaquettes à déguster lors de la pause café du déjeuner... La journée est déjà bien avancée lorsque nous atteignons Sauteurs, le village le plus au nord de l'île d'où les indiens Caraïbes sautèrent plutôt que de se rendre. Nous y arrivons vers 16h à la sortie des écoliers, qui envahissent les rues. L'école est une grande bâtisse d'une centaine d'années, d'une seule pièce, découpée en 6 ou 7 classes séparées par d'immenses tableaux verts à craie. Il doit y avoir une sacré discipline pour tenir tous ces enfants dans une ambiance studieuse et silencieuse pendant les cours! Nous discutons un peu avec un des instituteurs resté dans l'école, sur l'histoire de l'île. Nous photographions des petites écolières et leur montrons les photos, ça les fait beaucoup rire et elles en redemandent! Puis, nous repartons en longeant la côte ouest de Grenade et nous nous arrêtons au village de pêcheurs de Gouyave, très typique. Lorsque nous en repartons, il est trop tard pour aller visiter la plantation d'épices Douglaston, et nous rentrons au bateau à la nuit tombée. Dans le noir, nous réussissons à retrouver la route qui mène vers le hameau au fond de la baie où nous attend notre annexe, et à rentrer au bateau.


Une lavandière dans la Rain Forest

Les plaquettes sont aussi jolies que savoureuses ...

Les écoliers de Sauteurs

Le village de Gouyave

A partir de Grenade, nous allons redécouvrir la communication sur la "VHF canal 77", ou "radio cocotier" pour les intimes. Rappel pour les non initiés, la VHF est un instrument de navigation indispensable qui permet d'abord de communiquer avec les centres maritimes de secours les plus proches, les stations météo, et les bateaux dans une zone de quelques miles à plusieurs dizaines de miles en fonction de la situation géographique. De plus, les bateaux ont en général une VHF supplémentaire, portable celle-là. Lorsque l'on parle à la VHF, toute personne connectée sur le même canal entend le message. Ce n'est donc pas fait pour les communications intimes! Le canal principal, celui que l'on écoute en permanence (canal de veille) est le 16. C'est le canal réservé aux messages d'urgence, aux avis météo, et on ne doit pas l'encombrer inutilement. Le 9 est en général réservé aux marinas, il y a comme ça quelques règles à respecter sur certains canaux. En dehors de ça d'autres canaux peuvent être utilisés plus librement sans toutefois les monopoliser, et le canal 77 a été choisi au départ par certains bateaux français pour communiquer entre eux, nous faisons donc de même. Voilà, vous savez tout sur la VHF ou presque ! Maintenant un peu de pratique...

Donc le rituel du matin, c'est d'allumer la VHF, avec en veille les canaux 16 et 77. Et à partir de là, que ce soit en navigation ou au mouillage on est au courant de la moindre conversation, les derniers potins, les rendez-vous des goûters et des apéro, les problèmes techniques, etc... genre:

- c'est le début d'après-midi et l'on entend: "ici Moana, On pourrait faire un goûter sur la plage, les filles ça vous dit?, je fais un gâteau au chocolat", "ok pour Imagine, moi je fais un cake au citron", "ici Kadavu..."
- conversation de parents partis faire de la planche à voile pendant que leurs enfants étaient sur la plage: "Les parents de Zed demandent sur quel bateau sont leurs enfants???!!!"
- conversation de Pascal parti faire les courses à terre pendant que je m' occupe du CNED: "Imagine pour Pascal, j'ai trouvé des bananes plantain, tu en veux combien? le riz c'était bien 2 kilos?"

Les enfants l' utilisent beaucoup eux aussi, ce sont des vrais pros de la VHF, un peu trop même...

- au mouillage: "Imagine pour Kadavu, c'est Charles, vous avez fini vos devoirs? nous oui, on vous attend pour aller à la plage"
- en navigation: "Kadavu pour Imagine, c'est Romain, vous avez pêché quelque chose, vous?, nous on a mis notre siffleur à thon et on a une touche, c'est super gros!!!, je vous rappelle..."

Ça sert même de nounou aux enfants restés dormir sur le bateau quand les parents sont au restaurant, avec leur VHF portable, certains soirs. Mais il y a des jours, on est vraiment obligé de l'arrêter le matin pendant les cours du CNED, ça perturbe trop les enfants qui sont perpétuellement aux aguets... et donc déconcentrés, dèjà que la motivation n'y est pas!!! Ça ne me console pas, mais c'est pareil sur les autres bateaux....

Ainsi s'achève notre séjour dans l'île des épices. Nous aurions aimé avoir plus de temps pour visiter l'île mais nous avons choisi de quitter Grenade le lendemain pour rejoindre un groupe de bateaux français qui se sont donnés rendez-vous à Union au mouillage de Chatam bay. To go or not to go, c'est le perpetuel dilemme de notre voyage, rester là où on est bien, ou aller chercher encore mieux ailleurs ... et on part toujours un peu plus loin.

A suivre ...

Bastien Raconte

Retrouvailles et Rencontre !

Je dis retrouvailles car à Grenade nous retrouvons Kadavu et nous faisons la fête! Le lendemain nous partons pour une autre baie. Et puis à un moment, Papa a pris la VHF et il a dit à Jeoffroy qu'il l'avait emmené dans la mauvaise baie. Alors nous changeons de baie et nous allons jouer à la plage avec les enfants de Kadavu. Et vers le soir, un autre Outremer arrive, c'est Zed, et leur enfants viennent aussi jouer avec nous sur la plage jusqu'au soir. Le lendemain, c'est l'anniversaire d'Alec et nous fêtons son anniversaire sur la plage et le soir nous mangeons au restaurant de la plage. L'île, nous la visitons avec Zed. L'île est très belle et à un moment nous nous arrêtons pour regarder un singe et nous lui donnons de la banane. Après, nous allons visiter une fabrique de chocolat. Puis nous allons visiter l'école du village de Sauteurs qui est très différente des nôtres. Je vais vous la décrire: il n'y a pas de murs pour séparer les classes, il faut être attentif si tu veux bien écouter ce que dit la maîtresse et la cour de récréation c'est la plage. Et voilà, j'ai bien aimé Grenade.

Les photos de Grenade